Amélioration de la qualité de prédiction des variables d’intérêt à partir de l’estimation des paramètres du sol
Nous proposons ici d’étudier comment elle détermine également la qualité des prédictions des variables d’intérêt agroenvironnemental. Les paramètres considérés sont ceux étudiés au chapitre précédent. Les variables retenues, parmi celles étudiées au Chapitre 3, sont les variables agroenvironnementales déterminées à la récolte : rendement Yld, qualité de la production Prot (teneur en protéine pour le blé) et quantité d’azote minéral dans le sol Nit. La bonne prédiction de ces variables permet en effet de raisonner de manière efficace les choix de l’agriculteur vis à vis de son travail technique, en conciliant intérêts agronomique et environnemental. Par exemple, Houlès et al. (2004) ont montré que des cartes de préconisation de doses d’engrais azoté pouvaient être élaborées à partir de prédictions spatialisées de ces variables et de l’optimisation d’un critère agroenvironnemental. Nous étendrons dans cette étude la diversité des jeux d’observations en considérant, comme dans le Chapitre 3, des observations réalisées non seulement sur blé d’hiver mais aussi sur betterave sucrière, culture qui permet d’exprimer davantage les propriétés des sols
Méthode
Nous essaierons donc d’expliquer l’amélioration des prédictions en fonction de leurs sensibilités aux paramètres du sol et de déterminer les jeux d’observations qui, grâce à leur quantité d’information efficace, permettent de réduire les incertitudes sur les prédictions. Nous avons défini cette réduction comme l’amélioration de la qualité des prédictions issues des valeurs estimées des paramètres relativement à celle des prédictions issues de l’information a priori (sa valeur moyenne). Comme pour le chapitre précédent, l’estimation des paramètres du sol par inversion sera effectuée par la méthode Importance Sampling et la même information a priori sur les paramètres sera considérée (déduite de mesures expérimentales sur le site de Chambry). Dans une première partie, ce travail est réalisé avec des observations synthétiques du couvert végétal, afin d’explorer toutes les configurations d’observations éventuelles. Ces différentes configurations seront ici composées de : – deux cultures annuelles différentes (blé d’hiver et betterave à sucre), – quatre climats contrastés caractérisés comme sec, moyen sec, moyen humide et humide (les même que ceux du Chapitre 4), – deux gammes de profondeurs de sol (de 30 à 100 cm pour les sols peu profonds et de 80 à 160 cm pour les sols profonds), – trois types/tailles de jeux d’observations : des observations composées de LAI seulement, de LAI+QN, et de LAI+QN+rendement. Dans une seconde partie, de vraies observations réalisées sur le bassin versant de Bruyères (voir Chapitre 2.4) seront utilisées afin de valider, de manière réaliste, les résultats obtenus avec les observations synthétiques. Sachant que les sites de Chambry et de Bruyères sont proches et qu’on y retrouve des formations pédologiques voisines (voir Chapitre 2.4), l’information a priori considérée dans l’application aux observations de Bruyères est la même que celle utilisée pour les observations synthétiques (déduite de Chambry
Précision et amélioration de l’estimation des paramètres
Nous avons vu dans le Chapitre 4.3 les résultats de l’estimation des paramètres, en termes de précision et d’amélioration, lorsque des observations synthétiques sur couvert végétal de blé étaient considérées. Nous allons à présent présenter ces deux quantités dans le cas où des observations synthétiques sur couvert végétal de betterave sont considérées (résultats non présentés dans l’article). Que ce soit en termes de précision (voir le Tableau 5-1) ou en termes d’amélioration (voir le Tableau 5-2), nous voyons que les observations synthétiques de betterave permettent de diminuer significativement le critère, par rapport à ceux obtenus dans le Chapitre 4.3. Les observations de betterave sont donc plus efficaces pour estimer les paramètres du sol. Pour preuve, les paramètres HCC(1), HCC(2) et epc(2) ont un critère qui diminue énormément grâce à ces observations (sensibilité à ces paramètres plus importante). Par exemple, en forte profondeur de sol, le critère RE du paramètre HCC(1) passe de 0.81 (observations de blé) à 0.22 (observations de betterave). Nous noterons que la condition initiale Hinit est le seul paramètre moins bien estimé qu’avec des observations de blé (sensibilité à ce paramètre moins importante).La dernière ligne de chacun des deux tableaux précédents, concernant des conditions climatiques humides et une forte profondeur de sol, permet de comparer les résultats de l’estimation des paramètres issus d’observations synthétiques avec ceux issus d’observations réelles sur le bassin de Bruyères. Ces résultats, présentés dans le Tableau 5-3, montrent que les paramètres HCC(1) et epc(2) sont effectivement estimables avec une bonne précision lorsque des observations sur couvert de betterave sont considérées (RRMSE respectivement égal à 7.6 et 18.6%). Nous voyons également que l’estimation de HCC(1) est fortement améliorée par l’inversion avec des observations réelles de betterave (RE égal à 0.54).
Amélioration des prédictions
Les résultats de l’article montrent qu’il est possible d’améliorer la prédiction des variables agronomiques, telles que le rendement et la qualité du rendement, mais qu’il est malheureusement plus difficile d’améliorer celle des variables environnementales, telles que la quantité d’azote encore présent dans le sol à la récolte. Dans le cas des observations synthétiques, les prédictions issues des valeurs moyennes de l’information a priori peuvent être améliorées par l’estimation jusqu’à 61.4% pour le rendement et jusqu’à 58.9% pour la qualité, alors que la teneur en azote du sol ne peut être améliorée que jusqu’à 19.6%. Lorsqu’une amélioration est possible, les résultats montrent que cela vient principalement du fait que les variables à prédire sont sensibles aux mêmes paramètres que le sont les variables observables. De plus, l’article montre qu’il existe un certain degré dans les améliorations possibles, dans le sens où les jeux d’observations acquis dans différentes configurations contiennent des quantités d’information variables permettant d’améliorer l’estimation, et par conséquent la prédiction, de manière plus ou moins significative. Par exemple, nous avons vu que les conditions climatiques dans lesquelles les observations ont été recueillies ont un effet significatif sur l’estimation et par conséquent sur la prédiction, dans le sens où les conditions sèches sont plus efficaces que les conditions humides. Dans le cas des observations synthétiques, les conditions sèches améliorent les prédictions – relativement aux conditions humides – d’environ 25% pour le rendement et la qualité et d’environ 5% seulement pour la teneur en azote du sol. Le type de profondeur de sol a lui aussi un effet important dans le sens où les résultats d’estimation et de prédiction sont de meilleure qualité sur un sol peu profond que sur un sol profond. Toujours dans le cas des observations synthétiques, la prédiction du rendement est d’environ 0.4 fois meilleure pour le rendement, 0.5 fois meilleure pour qualité et 0.1 fois meilleur pour la teneur en azote du sol, lorsqu’un sol peu profond est considéré au lieu d’un sol profond. Pour finir, l’utilisation de jeux d’observations recueillis sur deux différentes cultures (blé et betterave) nous a permis de mettre en évidence l’efficacité des observations sur un couvert de betterave dans le sens où la quantité d’information contenue dans les observations de betterave permet de mieux estimer et de mieux prédire que celle contenue dans les observations de blé. Dans le cas des observations synthétiques, l’observation du couvert de betterave améliore les prédictions – relativement aux observations du blé – d’environ 25% pour le rendement, 10% pour la qualité et 5% pour la teneur en azote du sol. Dans l’application aux observations réelles sur le site de Bruyères, nous voyons qu’il est en effet possible d’améliorer significativement la prédiction du rendement et de la qualité par l’estimation des paramètres du sol : jusqu’à 25% pour le blé ; alors que cela est assez difficile pour la teneur en azote du sol. Pour finir, l’effet de la culture observée révèle son réel potentiel : l’observation de la betterave permet d‘améliorer d’environ 22% la prédiction du rendement et de la qualité du blé, par rapport à l’observation du blé lui-même. Les résultats de cet article permettent ainsi de faire un diagnostic assez large des différentes possibilités que l’on a, à partir d’éventuels jeux d’observations, pour estimer les paramètres du sol et pour améliorer les prédictions de variables d’intérêt. D’un point de vue pratique, les résultats de l’article peuvent par exemple permettre d’optimiser le recueil du jeu d’observations, en ne recueillant que celles qui mènent à une estimation et à une prédiction de qualité.