Amélioration de la prévision des rendements du mil (Pennisetum glaucum (L.) R. Br.)
Effet de la date de semis sur les longueurs de cycle
La durée de la phase semis-feuille drapeau (SFD) permet bien de distinguer les Sanios, tardifs, des Sounas, précoces (figure 7). Pour le semis du 12 juin, les génotypes tardifs ont une SFD variant de 2003°C.j à 1646°C.j à Ndiol, de 1892°C.j à 1561°C.j à Bambey et de 1768°C.j à 1308°C.j à Kolda. Dans ce groupe, les 2 génotypes originaires du Sud du Sénégal ont eu pour l’un (Sanio de Séfa) le cycle le plus long et pour l’autre (Sanio de Koutima) le cycle le plus court. Les génotypes de type Souna ont eu des SFD variant entre 1104°C.j et 997°C.j à Ndiol, entre 1046°C.j à 971°C.j à Bambey et entre 903°C.j et 839°C.j à Kolda. Dans ce groupe, le Thialack 2 a été le génotype le plus tardif. Pour l’ensemble des génotypes, la durée de la SFD est réduite au fur et à mesure que le semis est retardé. Cette réduction de cycle est beaucoup plus importante chez les génotypes tardifs. Entre les 2 premières dates de semis, elle varie de 343°C.j environ pour le Sanio de Séfa à 371°C.j pour le Sanio de Koutima. Chez les génotypes à cycle court, la réduction de cycle la plus importante est enregistrée sur le Thialack 2 (233°C.j) et la plus faible sur le Souna de Diana Bah (162°C.j). 2.3.2 Effet de la latitude sur le photopériodisme Les SFD de tous les génotypes varient avec la latitude (figure 7). Les valeurs les plus élevées sont observées à Ndiol et les plus faibles à Kolda. L’effet de la latitude, plus marqué pour le semis précoce, s’estompe progressivement au fur et à mesure que le semis est retardé. Par ailleurs, la différence est plus importante entre Bambey et Kolda qu’elle ne l’est entre Bambey et Ndiol. Pour le semis du 12 juin, hormis le Sanio de Séfa où le phénomène est moins marqué, la différence sur les SFD entre Bambey et Kolda est au moins le double de celle entre Bambey et Ndiol. Pour le Souna de Diana Bah par exemple, elle est 8,5 fois plus élevée. La même tendance est observée au semis du 10 juillet où la différence sur les SFD entre Bambey et Kolda est 2 et 10 fois supérieure à celle entre Bambey et Ndiol, respectivement pour le Sanio de Maka Hamdallaï et le Thialack 2. Toutes les variétés de l’étude ont donc montré une sensibilité à la photopériode (Kp>0). Les Kp varient en fonction de la latitude et du génotype (figure 8). Les valeurs les plus élevées ont été observées à Ndiol et les plus faibles à Kolda. Les génotypes tardifs sont plus photopériodiques avec des Kp variant de 0,74 à 0,79 à Ndiol, de 0,58 à 0,74 à Bambey et de 0,46 à 0,60 à Kolda. Les génotypes à cycle court, faiblement photosensibles à Kolda, avec un Kp compris entre 0,08 et 0,23, se sont avérés moyennement photosensibles à Bambey et à Ndiol avec des Kp variant entre 0,3 et 0,51. 43 Figure 7 : Effet de la date de semis et de la latitude sur la durée semis-feuille drapeau (°C.j) des 8 génotypes sur les 3 sites. Les barres d’erreurs représentent les valeurs d’intervalles de confiance calculées au seuil de 5% 44 Figure 8 : Evolution du coefficient de photopériodisme des 8 génotypes en fonction de la latitude 2.3.3 Amélioration de la modélisation de la réponse à la photopériode Les durées de BVP varient de 375°C.j à 423 °C.j. Elles ne dépendent pas de la longueur de cycle du génotype. Les coefficients Psens diminuent quand la latitude augmente. Ils sont cependant plus élevés à Bambey qu’à Ndiol pour les variétés précoces (tableau II). Tableau II : Valeurs des coefficients génétiques obtenues lors du paramétrage du modèle Impatience Génotype Psens (Kolda) Psens (Bambey) Psens (Ndiol) Phase végétative de base (°C.j) Souna 3 0,80 0,76 0,79 386 Thialack 2 0,85 0,79 0,81 386 Backfassagal 0,80 0,77 0,81 403 Diana Bah 0,82 0,76 0,81 422 Séfa 0,45 0,41 0,40 423 Koutima 0,55 0,50 0,48 375 Maka Hamdallaï 0,45 0,41 0,41 408 Allahbougou 0,46 0,43 0,43 375 45 L’ajustement des paramètres effectué sur les résultats obtenus sur chaque site permet de simuler correctement les durées SIP des variétés du même site aux 3 dates de semis, avec des valeurs de RRMSE de 5,2%, 3,8% et 4,8% respectivement à Ndiol, Bambey et Kolda (figure 9). Figure 9 : Durées semis-initiation paniculaire (SIP) des sites de Ndiol (A), Bambey (B) et Kolda (C) simulées avec les paramétrages respectifs obtenus sur ces sites en fonction des durées semisinitiation paniculaire (SIP) observées correspondantes Lorsque le paramétrage obtenu sur l’un des sites est utilisé pour effectuer les simulations sur les 2 autres, les résultats sont moins bons. Si par exemple le paramétrage établi à Bambey est utilisé pour faire les simulations sur les sites de Ndiol et de Kolda, les valeurs de RRMSE sont respectivement de 8% et 10%. 46 La méthode de correction proposée pour le sorgho au Mali (Abdulai et al., 2012) a donc été utilisée. Elle consiste à établir, à partir des différentes valeurs de Psens déterminées sur les différents sites et des latitudes des sites, une équation de régression permettant de déterminer la valeur de Psens d’un site en fonction de sa latitude et d’une valeur de référence de Psens établie dans un autre site. La méthode de correction a été développée en considérant chacun des 3 sites et en testant sur les 2 autres. Les meilleurs résultats sont obtenus quand Bambey est considéré comme site de référence, ce qui s’explique par le fait qu’il soit central. Mais quel que soit le site de référence, la méthode de correction permet d’améliorer les ajustements. L’équation établie à partir de nos données pour estimer le Psens d’une variété en un site quelconque à partir de sa latitude et de son Psens déterminé à Bambey est la suivante : ሺ8ሻ 0148,0 െ݁ ݐ݅ܵݐܽܮ ∗ ݕܾ݁݉ܽܤݏ݊݁ݏܲ ∗ 0120,0 െ ݕܾ݁݉ܽܤݏ݊݁ݏܲ ∗ 2468,1 ൌ݁ ݐ݅ܵݏ݊݁ݏܲ avec PsensSite = coefficient génétique de photosensibilité pour le site, PsensBambey = coefficient génétique de photosensibilité à Bambey et LatSite = latitude du Site. Le coefficient de détermination (R2 ) de l’équation est de 99%. Les paramétrages estimés ainsi ont été utilisés pour simuler les SIP sur les sites de Ndiol et Kolda. Cela améliore les simulations des durées SIP avec des valeurs de RRMSE proches de celles obtenues lorsque les paramétrages spécifiques de chaque site sont utilisés (figure 10). Figure 10 : Durées semis-initiation paniculaire (SIP) simulées avec le paramétrage ajusté à Ndiol (A) et à Kolda (B) en fonction des durées semis-initiation paniculaire (SIP) observées correspondantes
Discussion
L’étude a porté sur la caractérisation des variations de cycles de génotypes de mil en fonction des dates de semis et de la latitude en vue d’améliorer la modélisation de leur phénologie. L’originalité de la méthodologie réside dans l’utilisation d’un modèle de développement de culture en complément d’expérimentations multi-locales et à plusieurs dates de semis pour l’ajustement des paramètres du modèle Impatience. Le dispositif est similaire à ceux utilisés au Mali par les équipes de l’Institut d’Economie Rurale (IER) et du CIRAD qui travaillent depuis des années sur le photopériodisme (Vaksmann et al., 1996; Kouressy et al., 2008; Abdulai et al., 2012). Au Sénégal, c’est la toute première expérience d’étude de la sensibilité à la photopériode et d’ajustement du coefficient Psens d’un lieu à partir de sa latitude et du Psens d’un site de référence. Contrairement aux travaux de Curtis (1968) au Nigéria, qui ont montré que la date d’initiation paniculaire des variétés traditionnelles était indépendante de la latitude, les 8 variétés de l’étude (précoces et tardives) ont vu leurs durées SIP se raccourcir sous les faibles latitudes. Ce résultat, similaire à ceux de divers auteurs (Vaksmann et al., 1996; Kouressy et al., 2008; Abdulai et al. 2012), s’explique par le fait que ces variétés étant de jours courts, et la durée du jour étant plus longue au nord sur la période de l’étude, cela entraîne une diminution de la durée de la période végétative lorsque l’on déplace une expérimentation du nord au sud. Ainsi, comme l’ont montré Kouressy et al. (2008), les variétés semées à basse latitude se montrent plus précoces, leur floraison est accélérée et leur cycle écourté. La durée SIP a également diminué au fur et à mesure que le semis était retardé. Ce phénomène est dû au fait que pour les semis précoces la durée du jour est trop élevée pour permettre l’initiation de la panicule ; alors la période végétative se poursuit jusqu’à ce que la durée du jour soit devenue suffisamment courte. Ce résultat est conforme à ceux obtenus par Folliard et al. (2004) et Kouressy et al. (2008). Par ailleurs, une étude menée par Vaksmann et al. (1998) a montré que les variétés originaires du Nord (haute latitude) étaient plus photopériodiques que celles du Sud, ce qui n’est pas le cas des variétés de notre étude dont les plus photopériodiques étaient en grande partie celles provenant du Sud. Cependant, le nombre restreint de notre échantillon ne nous permet pas d’être conclusif sur cette observation. Un plus grand nombre de variétés provenant de différentes latitudes aurait pu permettre de dégager une tendance claire sur la réaction photopériodique des génotypes en fonction de leur aire d’origine. L’ajustement du coefficient Psens est très simple et trouve une application opérationnelle en modélisation des cultures et ses applications. Elle donne un paramétrage acceptable permettant ainsi de s’affranchir de la reprise de la détermination de Psens à chaque latitude à travers des expérimentations coûteuses en temps et en argent. Le rôle de la latitude est très déterminant dans la procédure d’ajustement 48 mais reste encore incompris comme le soulignent Abdulai et al. (2012). Des études sont donc nécessaires afin de déterminer les mécanismes physiologiques qui sous-tendent son action.
Conclusion
L’étude a permis de montrer que la plupart des variétés traditionnelles, qu’elles soient précoces ou tardives, sont plus ou moins photosensibles en fonction de la latitude. Leur longueur de cycle augmente avec la latitude et diminue avec la date de semis. Le coefficient génétique (Psens) d’une variété en un lieu donné peut être déterminé en fonction de la latitude de ce lieu et du Psens d’un lieu de référence. Ce résultat peut trouver une application opérationnelle en modélisation des cultures et ses applications dont la prévision agricole. En effet, la simulation des rendements peut être effectuée sous différentes latitudes, sans être obligé d’effectuer de nouvelles expérimentations pour le paramétrage de la phénologie, une fois que l’équation d’ajustement est établie.
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