La marche est un mouvement complexe fortement automatisé chez l’être humain permettant au corps d’évoluer dans les trois directions de l’espace. Ce mouvement de propulsion implique tout le corps et s’appuie sur trois articulations à savoir les hanches, les genoux et les chevilles ainsi que des groupes musculaires environnants.
La marche normale peut être divisée en cycles allant de 0 à 100% contenant trois phases (Willems, Schepens et Detrembleur, 2012). Elle commence généralement au moment de l’impact du talon au sol aussi appelé « Heel Strike » et finit à l’impact de ce même talon au sol. Elle est aussi ponctuée par le décollement des orteils ou « Toe off » à 65 % (Willems, Schepens et Detrembleur, 2012) :
Phase d’appui simple (sur un pied tandis que l’autre jambe est en l’air) : 35% du cycle de marche.
Phase d’appui double (sur deux pieds) : 15% chaque durant le cycle de marche (se produit deux fois).
Phase d’oscillation (balancement d’une jambe vers l’avant tandis que l’autre est en phase d’appui) : 35% du cycle de marche.
Contrôle de la marche
Le maintien de l’équilibre dynamique, et plus spécifiquement le contrôle de la marche, reposent sur l’intégration de plusieurs types d’afférences sensorielles ainsi que les efférences motrices qui en découlent . Parmi ces afférences, on trouve les informations cutanées de la plante des pieds et des tissus cutanés environnant les articulations, les informations vestibulaires provenant de l’oreille interne, les informations visuelles et toutes les informations proprioceptives provenant des muscles et des articulations (Janin, 2009). Les informations visuelles et proprioceptives sont fréquemment utilisées comme sources de perturbation ou de stimulation lors de tâches en lien avec la marche, comme le démontrent plusieurs études présentées ultérieurement.
Proprioception
La sensibilité proprioceptive de l’être humain est une source primordiale d’information sensorielle qui informe l’individu sur la position relative de chaque segment du corps à tout instant qu’il soit visible ou non et quel que soit le mouvement. Par extension, ce sens est essentiel au maintien de l’équilibre dynamique propre à la marche, les phases qui la composent et toutes les variations qui s’y rattachent (initiation, arrêt, virage, accélération, etc.).
La proprioception repose principalement sur trois récepteurs (Janin, 2009) :
– les appareils tendineux de Golgi (ATG) : situés à la jonction entre les tendons et les fibres musculaires, ils informent le système nerveux sur la force contractile appliquée par le muscule;
– les fuseaux neuromusculaires (FNM) : situés au niveau des fibres musculaires, ils informent le système nerveux sur l’élongation des fibres musculaires et la vitesse d’élongation;
– les mécanorécepteurs articulaires : situé dans l’articulation, ils informent le système nerveux sur les angles articulaires, l’accélération et la pression intra-articulaire. De plus, les récepteurs des quatre premières vertèbres cervicales vont jouer un rôle essentiel dans la mobilité conjointe des yeux, de la tête et du cou.
On comprend alors que toute perturbation au niveau de l’information proprioceptive, sa transmission ou son interprétation affecte directement une large variété de tâches dont la marche. Cela explique l’existence de nombreux travaux de recherche en réadaptation notamment avec certaines populations hémiparétiques ou certains amputés ayant des pathologies qui touchent leur capacité proprioceptive (Mullie et Duclos, 2014) .
Informations visuelles
Les informations visuelles jouent aussi un rôle majeur dans le contrôle de la marche. On parlera notamment de l’importance du flux optique et comment la manipulation ou l’absence de cette information peut affecter le contrôle de la marche. On peut définir le flux optique comme l’information sensorielle visuelle induite par l’observation du défilement radial de notre environnement au cours de nos déplacements, information qui suscite la sensation et l’appréciation partielle de la vitesse de ce déplacement. Certaines études ont démontré qu’il était possible de modifier la symétrie de la marche, la longueur de pas ou encore la vitesse de déplacement grâce à l’altération du flux optique (Lamontagne et al., 2007; Finley, Statton et Bastian, 2014) .
Des méthodes de réadaptation telles que la méthode des miroirs s’appuient sur l’importance de l’information visuelle dans la régulation de la marche et se développent grâce à l’utilisation d’environnements virtuels, les études de Lamont et al ou encore Tosi et al en sont de bons exemples (Feasel et al., 2011; Lamont, Chin et Kogan, 2011; Tosi, Romano et Maravita, 2018). Ces environnements sont propices à la manipulation des informations sensorielles visuelles et proprioceptives, mais aussi permettent d’induire des modifications comportementales comme le démontrent plusieurs études (Botvinick et Cohen, 1998; Lamontagne et al., 2007; Lamont, Chin et Kogan, 2011; Leonardis et al., 2014) .
Importance relative des informations sensorielles
Comme nous venons de le voir, plusieurs informations sensorielles participent au contrôle de la marche, mais celles-ci n’ont pas toute la même valeur lors de la phase d’intégration de multiples afférences sensorielles. Certaines sont privilégiées, ce qui nous amène à parler de pondération sensorielle.
Le phénomène de pondération sensorielle peut être défini comme la capacité du système nerveux à attribuer un poids aux différentes informations sensorielles qui lui sont acheminées en fonction de leur degré de fiabilité vis-à-vis de la tâche à accomplir. L’étude de Mullie et Duclos est un exemple de perturbations durant la marche qui affecte la pondération sensorielle des individus en fonction de la tâche à accomplir, de la fiabilité des informations disponibles et de l’état initial des pondérations sensorielles. Dans ce cas de figure, soit les pondérations entres les informations proprioceptives et visuelles évoluent en faveur du visuel lorsque les informations sont suffisamment fiables et permettent de réduire l’impact des perturbations proprioceptives, soit il n’y a pas de changeant important de comportement chez les participants dont la pathologie semble avoir altéré l’intégration des informations proprioceptives (Mullie et Duclos, 2014).
Altérations des informations sensorielles proprioceptives et visuelles
Lorsqu’il s’agit du contrôle de la marche, les informations visuelles et proprioceptives jouent un rôle non négligeable. Plusieurs domaines, dont celui de la réadaptation, fournissent de nombreux exemples d’altérations possibles affectant la marche ainsi que d’autres tâches motrices. C’est pourquoi certaines méthodes de recherches visent à influencer les informations sensorielles visuelles et proprioceptives pour modifier positivement le comportement moteur lors d’une tâche ou d’exercices. Par exemple, l’étude de Goodwin et al en 1972 utilisait des vibrations au niveau du coude des participants pour influencer la perception de la position de l’avantbras, en altérant les informations sensorielles proprioceptives venant du segment il était possible de donner l’illusion d’une position autre (Goodwin, 1972). Il est donc essentiel d’illustrer les méthodes qui durant notre étude vont permettre de modifier ces retours sensoriels et créer ce que nous appellerons une illusion visuoproprioceptive de mouvement de marche (Leonardis et al., 2014).
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