Estimation de l’état hydraulique d’un aménagement hydroélectrique du Rhône équipé de la commande prédictive
Les techniques d’assimilation de données
Pour estimer les états d’un système, il existe de nombreuses techniques d’assimilation de données ([DAG07],[BC99]). Bien que ces différentes techniques aient de nombreux liens entre elles, et souvent différentes manières d’arriver aux mêmes algorithmes, il existe un certain nombre de critères de classification de ces techniques, comme par exemple des techniques : – de type variationnel – de type stochastique Les premières applications de ces techniques d’assimilation de données sont apparues dans le domaine de la météorologie et de l’océanographie ([SAS70]). Elle s’étendent à de nombreux autres domaines depuis quelques années : géosciences, spatial, médical ([MOI08]), mécanique ([ZM05]), etc. Dans le domaine des géosciences on peut citer en particulier l’hydrologie et l’hydraulique. En hydraulique fluviale, ces méthodes ont permis d’estimer : – les cotes ([MAL94], [JB09], [JB08], [JBMDS09], [MON07], [GM07], [HON07],[PTJ+10], [SMB10]) – les débits ([MAL94], [MON07], [HLDLM05], [HON07],[SMB10]) – les coefficients de Manning ([MAZ03], [MON07], [AEMA99],[HLDML05], [HON07], [ROU04], [SMB10]) – les conditions initiales ([MAZ03]) – la géométrie des sections ([MON07], [HLDLM05]) – les conditions limites ([MAZ03], [HLDLM05], [RPT+10], [MAL94]) – les vitesses d’écoulement ([MON07], [GM07]) Ces méthodes utilisent des observations de différentes natures : principalement des cotes, parfois des débits, mais aussi des images aériennes ou satellites ([ROU04]). L’approche variationnelle L’approche variationnelle basée sur la théorie du contrˆole optimal est très utilisée en océanographie et en météorologie car elle permet de combiner, dans un mˆeme critère à minimiser, tout un ensemble d’informations provenant de diverses observations et modèles. Le minimum du critère est calculé en général à partir de méthodes de descente de type Gradient. Pour des problèmes de petite dimension (jusqu’à quelques 28 CHAPITRE 1. POSITIONNEMENT DU SUJET centaines d’états), ce gradient peut ˆetre obtenu par calcul matriciel. Cependant, dans les domaines météorologique et océanographique, les systèmes sont de très grande taille (plusieurs centaines de millions d’états) et les matrices impliquées dans le calcul du gain ne seraient ni stockables ni manipulables. Ces méthodes calculent directement le gradient du critère à minimiser par la méthode adjointe. Pour plus de détails, se référer à [BN11]. Il existe de nombreuses variantes de cette approche variationnelle, en fonction du critère choisi, et en particulier des instants considérés pour les observations ainsi que du modèle choisi pour propager les états au cours du temps. On peut citer en particulier deux grandes familles : – Le 3D-VAR : cette approche suppose que les diverses observations sont faites à un instant donné et en général il est utilisé pour corriger l’état (3D) simulé par le modèle à cet instant pour tenir compte des nouvelles informations – Le 4D-VAR : il prend en compte la quatrième dimension que constitue le temps en considérant des observations réalisées à des temps différents et en cherchant la trajectoire temporelle qui passe le plus près possible de ces observations D’autres variantes (3DFGAT, 4DVAR Incrémental, 4DVAR multi-incrémental) existent. Leur choix est guidé par les informations et les capacités de calcul disponibles . Ces méthodes, qui sont basées sur la théorie de l’optimisation et grâce aux techniques dites de ”l’adjoint”, sont adaptées aux systèmes de grande dimension. L’inconvénient est qu’elles sont gourmandes en temps de calcul (plusieurs heures mˆeme sur un système de dimension réduite [VIA08]). De ce fait, elles ne correspondent pas aux exigences de la régulation temps réel par commande prédictive qui travaille avec un pas de temps de 100 s. Par ailleurs, l’étude de la robustesse et de la convergence de ces méthodes est très difficile, voire impossible, contrairement à d’autres méthodes que nous retiendrons (Cf. section 5.5).
L’approche stochastique
Les approches de type stochastique sont basées sur la théorie de l’estimation statistique. Elles tiennent compte explicitement d’erreurs sur les observations, ainsi que sur les modèles, et cherchent à corriger des états ou paramètres du système considéré en satisfaisant des propriétés statistiques de l’erreur d’estimation (minimum de la variance, maximum de l’estimation a posteriori, maximum de vraissemblance, etc. ). Les principaux estimateurs stochastiques sont : – Le Best Linear Unbiaised Estimate (BLUE), est un estimateur linéaire sous optimal. Il tient compte des bruits sur les observations et sur le modèle linéaire. L’avantage de ce filtre est sa facilité d’implémentation. En revanche, il impose l’utilisation d’un vecteur d’ébauche (cette notion est définie chapitre 5) supposé non biaisé. Cela représente une hypothèse trop forte pour la problématique traitée dans cette thèse. Ce filtre présenté chapitre 5 introduit les équations des techniques d’assimilation de données stochastiques. – Le filtre de Kalman ([KAL59]) : L’avantage prédominant du filtre de Kalman est, outre ses propriétés mathématiques, sa rapidité de calcul, y compris pour les systèmes qui nous intéressent ici (plusieurs centaines d’états) ([JB09]). Plus précisément, pour les cas testés (détaillés chapitre 5), le temps CPU utilisé avec un ordinateur PC classique est inférieur au dixième de seconde. Il est donc compatible avec le calcul de la commande qui a lieu toutes les 100 s par des machines plus puissantes. De plus, il est tout à fait possible de travailler avec le filtre de Kalman asymptotique (aussi appelé filtre de Kalman stationnaire ou filtre de Kalman permanent, défini chapitre 5) pour lequel le temps de calcul devient négligeable (< milliseconde). L’inconvénient majeur pour la régulation par commande prédictive avec modèle non linéaire embarqué, est que cette méthode nécessite une linéarisation du modèle non-linéaire. Cette linéarisation sera décrite et détaillée (chapitre 4). – Le filtre de Kalman étendu ([ZM05], [DAG07]) : il a été développé pour tenir compte des non linéarités des systèmes étudiés. Bien que le filtre de Kalman soit une analyse optimale, le filtre de Kalman étendu perd cette qualité car il ne fournit pas la solution de variance minimale. Néanmoins, l’utilisation du filtre de Kalman étendu dans un cadre faiblement non-linéaire permet d’obtenir de bonnes analyses. En revanche, comme pour le filtre de Kalman classique, celui-ci n’est pas adapté à des grands systèmes comme ceux manipulés en océanographie et météorologie ([DAG07]). – Le filtre de Kalman d’ensemble : il a été proposé par Evensen en 1994 [EVE03]. Cette technique d’assimilation présente une alternative au filtre de Kalman étendu sans faire d’hypothèse sur le caractère Gaussien des bruits. Cette technique est une alliance entre une méthode de Monté Carlo et une méthode du filtre de Kalman étendu. Cela présente l’avantage d’ˆêtre plus adapté aux grands systèmes et de mieux traiter les fortes non-linéarités. – Les filtres de Kalman réduits ([HOT01], [DAG07]) : Dans les cas des grands systèmes, le filtre de Kalman de rang plein ne peut ˆêtre utilisé car les multiplications, les inversions et le stockage des matrices sont impossibles. Pour résoudre ce problème, il est possible de faire l’hypothèse que la physique du modèle est contrôlée par un nombre réduit de variables. Dans cette catégorie on trouve les filtres de Kalman réduits RRSQRT, SEEK, SEIK, etc. Nous ne nous intéresserons pas à eux car cette thèse ne traite pas des systèmes de grandes tailles tels que ceux utilisés en océanographie et météorologie.
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