Agrégation et Agglomération
L’agrégation est le rassemblement d’un groupe de particules dispersées en solution qui peuvent par consolidation former un agglomérat. Le processus d’agrégation dépend : – du TRANSPORT – le transport des deux particules l’une vers l’autre, dû à la diffusion Brownienne ou au mouvement du fluide à une distance suffisamment grande pour qu’il n’existe pas d’interactions colloïdales – de l’ATTACHEMENT – l’attachement est la conséquence des interactions colloïdales qui sont sensibles à une distance plus petite que la taille de la particule. Les particules ont donc besoin de se rapprocher pour que l’interaction soit significative. Après collision, les interactions entre les particules doivent être telles qu’il y ait la formation d’un contact permanent. Il existe aussi des forces de répulsion qui empêchent la formation de l’agglomérat. La nature de l’interaction dépend de la nature de la surface de la particule et de la chimie de la solution. Les interactions colloïdales sont attractives (du type Van der Waals ou d’attraction hydrophobique) ou répulsives du type répulsion électrique. L’effet des interactions colloïdales est souvent traduit par un facteur d’efficacité qui est le rapport entre la vitesse d’agrégation et la vitesse limite du transport. Si l’efficacité est égale à un, toutes les collisions donnent lieu à la formation d’un agrégat permanent parce que les forces d’adhésion des surfaces l’emportent sur celles de la répulsion. La présence de forces de répulsion diminue l’efficacité de collision, pouvant même empêcher l’agrégation. La force d’attraction de courte distance peut augmenter l’efficacité d’agrégation. L’interaction entre les particules dépend de la chimie de la solution (pH, force ionique), laquelle peut être ajustée de façon à contrôler la valeur de l’efficacité de collision. Dans le processus d’agrégation, la rencontre des particules se solde par une collision, dont nous supposerons dans la suite qu’elle est binaire.
Collision et agrégation : selon Smoluchowski
La plupart des modèles de la vitesse d’agrégation sont basés sur le travail de Smoluchowski (1917) qui en a conçu les bases fondamentales avec l’introduction des définitions des différents mécanismes de collision et la notion d’efficacité de collision [18]. La première définition d’agrégat considère un ensemble de particules dispersées (particules primaires) qui, après une période d’agrégation, forment des agrégats de différentes tailles et concentrations (concentrations en nombre de particules de taille i, Ni et en particules de taille j, Nj) [6]. Le nombre de collisions Jij, par unité de temps et de volume de suspension est proportionnel au produit des deux concentrations des espèces qui entrent en collision i et j. Il est donné par l’Eq.2.1 où kij est la constante de vitesse de collision qui dépend de la taille des particules et de leur mécanisme de transport. Les collisions entre trois particules, même pour les solutions à concentration élevée, ne seront pas prises en compte [6]. J ij = kijN iN j ( 2.1 ) Au moment de la collision, en raison des forces interparticulaires et des tailles relatives de particules, toutes les collisions ne conduisent pas à la formation d’un agrégat (efficacité de collision : α≠1). S’il existe une forte répulsion entre les particules, l’efficacité de collision est nulle. Quand il existe des forces d’attraction entre les particules et que les forces de répulsion ne sont pas trop intenses, l’efficacité de collision est proche de 1 [6]. La vitesse de collision dépend plus du transport des particules que des interactions colloïdales parce que ces dernières ne sont actives que lorsque les particules sont presque en contact. Quand l’efficacité de collision est égale à 1, la vitesse d’agrégation est égale à la vitesse de collision [6]. L’analyse de la cinétique d’agrégation est plus facile quand l’étape de transport est séparée de l’étape de consolidation. Cette approximation n’est pas valide quand il existe des interactions hydrodynamiques ou visqueuses de grande distance susceptibles d’influencer les trajectoires des particules .
Mécanismes de collision
Collision pericinétique
Le mouvement Brownien gouverne le mouvement des petites particules. Le mouvement des particules est composé d’une série de parcours indépendants et aléatoires, conséquences de la collision entre les particules du colloïde et les molécules de fluide autour de la particule [6]. Le coefficient de diffusion d’une particule isolée D0 est constant pour un fluide non-liant. Celui-ci dépend du coefficient de friction ξ, de la constante de Boltzmann kB et de la température absolue T, au travers de l’équation de Stokes-Einstein [6] : B D 0= kBT ξ ( 2.3 ) Le coefficient de diffusion dans le cas particulier d’une particule sphérique dépend du rayon de la particule ai et de la viscosité dynamique du fluide μ [6]. Di = kBT 6πai μ ( 2.4 ) Le flux de diffusion Jd d’un ensemble de particules sphériques de même taille sans interaction entre elles est décrit selon la première et seconde loi de diffusion de Fick où n est la densité en nombre des particules [6]. J d = −D0∇n ( 2.5 ) ∂n ∂t = D0∇2 n ( 2.6 ) En admettant qu’une particule i se dirige par diffusion vers une particule j dans un repère lié à celle-ci, et que celle-ci la capture, il y aura selon Smoluchowski la formation d’un gradient de concentration radiale vers la sphère j.
Collision orthocinétique
Lorsque le processus d’agrégation pericinétique avance dans le temps, la probabilité de rencontre péricinétique entre agrégats de tailles différentes augmente avec la taille (cf. Figure 2.2) à taille constante de la seconde particule, alors que, pour les particules de même taille, elle reste constante. L’augmentation du rayon de collision est largement compensée par un coefficient de diffusion plus petit. Le transport des 36 Chapitre 2 : Agrégation et Agglomération particules induit par le mouvement du fluide augmente de manière importante la vitesse de collision entre les particules. Ce type d’agrégation s’appelle agrégation orthocinétique [6]. L’agrégation orthocinétique en milieu turbulent a été étudiée par Camp et Stein (1943). Ils ont supposé que les collisions entre les particules, compte tenu de leur taille, se produisent à l’intérieur de petits tourbillons isotropes correspondant à l’échelle de Kolmogoroff. À l’intérieur de ces tourbillons, le fluide subit un cisaillement laminaire uniforme [6]. Le régime turbulent est caractérisé par des tourbillons de différentes tailles. Les plus grands ont une taille similaire à la taille de la cuve ou de l’agitateur. L’énergie passe des tourbillons de grande taille vers des tourbillons de plus en plus petits, en cascade [6]. On passe ainsi des grands tourbillons (domaine énergétique de la turbulence) à des tourbillons de taille moyenne (domaine inertiel) et enfin à des petits tourbillons qui disparaissent par dissipation visqueuse (domaine visqueux). Sur la Figure 2.1 est représenté un champ de cisaillement laminaire uniforme où la vitesse du fluide varie linéairement dans une direction perpendiculaire à la direction du flux. Les particules dans la partie supérieure du cylindre circulent de la gauche vers la droite et les particules dans la partie inférieure, de la droite vers la gauche. Les particules suivent les lignes de flux avant la collision. La fréquence de collision peut être calculée en supposant un flux de particules qui passe au travers d’un cylindre de rayon Rij dont l’axe passe par le centre de la sphère fixe j. Après le choc, la position relative de la particule est différente [6].
Comparaison entre les vitesses
Le modèle d’agrégation orthocinétique, initialement prévu dans le cas d’un cisaillement laminaire peut être aussi acceptable pour des collisions turbulentes entre particules de taille plus petite que l’échelle de Kolmogoroff. Les différences entre les différentes constantes de vitesse d’agrégation dans le cas d’une agrégation entre une particule de 1 μm et une particule ayant une taille comprise entre 0,01-10 μm sont présentées sur la figure suivante, Figure 2.2. Selon la Figure 2.2, l’agrégation pour des particules de petite taille (<0,6 μm) se fait selon un mécanisme péricinétique et pour des particules de taille supérieure selon un mécanisme orthocinétique. La constante de vitesse est minimale pour deux particules de même taille. Le point de croisement des courbes (0,6 μm) est fonction de la taille de la particule de référence, qui vaut ici 1 μm. Les constantes de vitesse de collision seront affectées par la présence d’interactions colloïdales et hydrodynamiques, par l’importance relative des différents mécanismes et par la taille des particules. 2.3. Efficacités d’agrégation Le traitement mathématique réalisé précédemment est basé sur l’hypothèse que toutes les collisions forment un agrégat. Expérimentalement, cette hypothèse n’est pas correcte. Il faut donc introduire une efficacité de collision ou d’agrégation ou fraction de collisions qui conduisent à la formation d’un agrégat stable. L’efficacité de collision est difficile à calculer parce qu’elle diminue avec l’existence d’interactions répulsives entre les particules, avec les interactions de double couche électrique ou les interactions stériques. Les interactions hydrodynamiques ou visqueuses retardent aussi le rapprochement des particules qui entrent en collision entre elles. Les collisions résultant de la diffusion sont affectées de différentes façons par cette interaction. Il est donc difficile d’avoir un traitement mathématique complet. L’introduction de ces effets dans la vitesse de collision se traduit par l’efficacité de collision.