Aérosolisation des virus à partir du sol
Le virus
Nous avons utilisé la souche MC0 cytopathogène du mengovirus murin (MVM), initialement obtenue par Martin et al. (1996), qui nous a été aimablement fournie par le Pr. A. Bosch (Université de Barcelone, Espagne) avec les cellules BGM (Buffalo Green Monkey Kidney) obtenues par Barron et al. (1970) et utilisées pour la production du virus. Les mengovirus ont été produits en milieu Dulbecco’s modified Eagle (Gibco ®, réf. : 31966047, USA) complété avec 10 % (v/v) de sérum de veau foetal, (Gibco ®, réf. : 10270098, USA), 5 % (v/v) d’acide aminé non essentiel (Fisher, réf. : 11350912), 1 % d’Antibiotique-Antifongique (Gibco ®, Pénicilline Streptomycine (réf. : 15290-018) et Fungizone (réf. : 15290-018) sous une atmosphère à 9 % de CO2 à 37°C. Un inoculum viral d’environ 105 gc est mis en contact pendant 60 min avec des cellules BGM à 90% de confluence en flacons de 175 cm2 (Greiner bio-one, réf. : 660175) ; le milieu de culture est renouvelé ensuite. Après 3 jours d’incubation, le milieu de culture est récupéré avec les cellules (sans action physique ou chimique pour décoller les cellules) et passé aux ultrasons pendant 10 cycles de 15 secondes chacun. La suspension ainsi obtenue est ensuite centrifugée pendant 5 min à 2700 g afin de faire sedimenter les débris cellulaires. Le surnageant est récupéré et aliquoté en doses d’environ 35- 40 mL stocké en tubes stériles de 50 mL (Falcon®) et conservé à -21°C. Pour chacune des expériences sous tunnel ventilé, 3 doses de 35-40 mL à environ 108 gc.mL-1 ont été mises à la température ambiante environ 1 h avant le lancement de l’expérimentation ; 100 mL sont ensuite dilués avec de l’eau pure (type MilliQ) ou de l’eau usée autoclavée pour aboutir à 1 L de suspension virale (1010 gc.L-1). Cette suspension a été apportée de manière aussi homogène que possible 47 à l’aide d’un pulvérisateur. Pour les expériences de qualification des Impingers, l’un des deux types de biocollecteurs utilisés, la suspension virale initiale était diluée au 20ème dans du PBS au 10ème . La quantification du génome du mengovirus murin a été réalisée par RT-qPCR sans étape de préconcentration. En pratique, pour chaque solution de piégeage des Impingers, nous avons extrait entre 55 et 60 µL d’ARN viral à partir des 140 µL d’échantillon au moyen d’un kit d’extraction (kit QIAamp® Viral RNA (Qiagen®,ref : 52906)). Pour les filtres, une extraction directe par tampon de lyse a été réalisée au moyen du kit d’extraction. La RT-qPCR a été réalisée au moyen du kit RNA UltraSense® One-step Quantitative RT-PCR System (Life Technologies ® ref 11732-927) avec les amorces : antisens 5’ – GAAGTAACATATAGACAGACGCACAC – 3’, sens GCGGGTCCTGCCGAAAGT et sonde TaqMan ATCACATTACTGGCCGAAGC décrite par Pinto et al. (2009) selon les recommandations du fabricant. La concentration finale de l’amorce « reverse » est de 1124 nM, 625 nM pour les amorces « Forvard » et 312 nM pour les sondes. Toutes les amplifications ont été réalisées avec l’appareil Mx3005P PCR quantitative (qPCR) (Agilent Technologies, France).
Le sol
Les mesures ont été effectuées sur un cambisol calcaire (classification FAO) du domaine SaintPaul de l’INRA (43°92′ N, 4°88′ E) à proximité d’Avignon. Les propriétés du sol prélevé entre 0 et 10 cm de profondeur, et mesurées au Laboratoire d’Analyse des Sols (LAS-INRA) à Arras (France), étaient les suivantes : CaCO3 362 g.kg-1 ; et après décarbonatation, argile 238 g.kg-1 ; limon 227 g.kg-1 ; sable 169 g.kg-1 ; carbone organique 14.3 g.kg-1 ; N total 1.35 g.kg-1 ; N-NH4 + 1.45 mg.kg-1 ; N-NO3 6.89 mg.kg-1. Le pH(eau) du sol et le pH(KCl 1 M) étaient respectivement de 8.38 et 7.75. Les concentrations en Ca2 + , Mg2 + , K+ , et Na+ extraits à l’eau étaient respectivement de 0.114, 0.0089, 0.0653 et 0.0105 g.kg- 1 ; la concentration en Cl- et en S total extraits à l’eau étaient respectivement de 0.0079 et 0.00487 g.kg- 1. La conductivité électrique de la solution pour un rapport massique solution/sol de 5 était de 0.144 mS.cm-1. Le sol a été maintenu en herbe de 2011 à mars 2014 ; le 12 mars de cette dernière année, il a été retourné sur une profondeur d’environ 15 cm ; le sol a alors été travaillé sur une profondeur d’environ 10 cm successivement par un rotavator le 25 mars, puis à nouveau par un rotavator et une herse rotative le lendemain. La structure du sol obtenue est illustrée par la Figure III.1. La terre en surface était principalement constituée de mottes de 5 à 40 mm de diamètre. Pour chaque expérience in-situ, le sol contaminé par l’expérience précédente était excavé sur environ 10 cm et remplacé par du sol de la même parcelle prélevé à quelque mètres sur la même profondeur. La structure du sol en surface ne présentait pas de différence apparente entre expériences. Figure III.1 : Structure du sol des placettes expérimentales. 48 Les précipitations annuelles moyennes sont de 687 mm pour la période 1989-2014. En 2014, elles ont été plus élevées (969 mm). Entre le début (20 mai) et la fin (10 juillet) des expériences, les précipitations ont été de 138 mm.
Les eaux
Deux types d’eaux d’irrigation contaminées ont été utilisés pour l’irrigation précédant les suivis d’aérosolisation des virus : – de l’eau de type MilliQ ou de l’eau Ultrapure obtenue par filtration et passage sur résine échangeuse d’ions et sous UV ; – de l’eau usée prélevée à la sortie de 8 lagunes utilisées comme complément avant réutilisation au traitement secondaire des eaux usées par boue activée à Clermont-Ferrand. Afin d’éliminer tous les microorganismes (forme végétative et spores) l’eau a été autoclavée 3 fois avec approximativement 12 à 20 h à température ambiante entre chaque autoclavage. L’eau usée contenait 10 mg.L-1 de matière organique en suspension et 24.1 mg.L-1 de carbone organique. Les matières minérales incluent Ca2+ (93.6 mg.L-1), Mg2+ (17.5 mg.L-1), K+ (34.4 mg.L-1), Na+ (87.5 mg.L-1), NH4 + (4.89 mg N.L-1), NO3 – (0.6 mg N.L-1), Cl- (129 mg.L-1) et S total (21.5 mg.L-1), et son pH était de 8.34. La suspension virale épandue est préparée en mélangeant 100 mL de la suspension virale mère avec 900 mL d’eau ultrapure ou d’eau usée autoclavée. Un litre de cette suspension virale est pulvérisée sur les placettes à environ 15 cm du sol de façon à couvrir toute la surface soit 1010 virus déposés. III.2.b. Protocoles expérimentaux et plan d’expérience
Protocole expérimental
Pour chaque expérience sous tunnel, une placette de sol de 0.5 2 m (1 m2 ) préalablement travaillée, voire irriguée, était arrosée uniformément à l’aide d’un pulvérisateur par 1 L d’eau contenant environ 1010 gc.L-1 de mengovirus murin à une date initiale (t=0). La placette était alors recouverte d’un plexiglass de forme plus ou moins hémicylindrique, délimitant un tunnel d’environ 0.24 m2 de section. A une extrémité du tunnel ainsi formé, une cheminée permettait de prélever l’air balayant le tunnel à environ 2 m au-dessus du sol ; à l’autre extrémité, un ventilateur tendait à expulser l’air du tunnel et permettait d’imposer dans le tunnel un vent de vitesse choisie entre 11 et 30 km.h-1 (Figure III.2a-b). Chaque expérience donnait lieu à un suivi in situ pendant 2 à 3 jours ; les dates typiques de changement des impingers et des filtres après le début de chaque expérience étaient de 0.5, 4, 8.3, 22, 27, 33, 48, 56 h.