Adsorption dans les faujasites

Adsorption dans les faujasites

Les zéolithes sont utilisées dans des procédés de séparation ou en tant que catalyseurs. Dans ces deux applications, leurs propriétés d’adsorption jouent un rôle majeur. Ces propriétés sont dépendantes de la structure du matériau, mais aussi de sa composition chimique. La présence de cations extracharpentes dans les zéolithes cationiques crée des sites d’adsorption très favorables, et la capacité d’adsorption d’un constituant varie suivant la nature du cation extracharpente du matériau. La recherche du meilleur matériau pour un procédé donné est compliqué du fait de la grande diversité de matériaux de type zéolithique existants. Il est donc nécessaire de rationaliser ces phénomènes d’adsorption, ce qui passe notamment par l’utilisation et le développement de méthodes de simulation pour modéliser les phénomènes d’adsorption. L’IFP avec le LCP se sont lancés, depuis un peu plus d’une décennie, dans le développement de champs de forces et de méthodes pour décrire et prédire les phénomènes d’adsorption. Les zéolithes de structure faujasite, par exemple, sont utilisées dans les procédés de séparation dans l’industrie pétrochimique. Le procédé Eluxyl développé par l’IFP [8] et le procédé Parex développé par UOP [4–7, 263, 264] sont deux procédés de séparation des isomères du xylène utilisant des zéolithes de type faujasite. Le para-xylène, utilisé comme composé de base pour la synthèse de polyesters, doit être séparé des trois autres isomères du xylène : le méta- et l’orthoxylène et l’éthyl-benzène. L’étape la plus délicate du procédé de séparation est la séparation du para-xylène et du méta-xylène ; leurs points d’ébullition étant très proches, l’utilisation de techniques de distillation est impossible. L’utilisation de matériaux poreux de type faujasite est nécessaire pour mener à bien cette opération. Les études expérimentales de l’adsorption de xylène dans les faujasites sont nombreuses. La nature des cations extracharpentes du matériau est d’une grande importance : la sélectivité de la séparation dépend de la nature de ce cation. Les faujasites de type Y contenant du lithium [107] et du sodium [102, 107, 108] sont sélectives pour le méta-xylène alors que ces mêmes matériaux échangés au potassium [107, 109, 110], au rubidium [107], au césium [107] ou au baryum [102] sont sélectifs pour le para-xylène. Le procédé Eluxyl développé par l’IFP utilise comme tamis moléculaire une zéolithe de type faujasite complètement échangée au baryum alors que le procédé Parex met, lui en jeu, un matériau faujasite échangé au potassium. Les études expérimentales d’adsorption et de co-adsorption dans des faujasites complètement échangées avec du baryum ont permis de mettre en évidence différentes caractéristiques du processus de co-adsorption :– La sélectivité d’adsorption dépend du rapport Si/Al du matériau. La zéolithe BaY est plus sélective vis-à-vis du para-xylène que la zéolithe BaX. – La sélectivité d’adsorption évolue au cours du remplissage du matériau en para- et métaxylène. – La sélectivité d’adsorption dépend du taux d’hydratation de la structure. Le plus souvent, une faible quantité d’eau peut diminuer la sélectivité d’adsorption mais il existe des cas où elle augmente, comme par exemple dans le cas de la zéolithe BaY . La modélisation moléculaire a été principalement centrée sur l’étude des propriétés des faujasites contenant uniquement du sodium [52,58,62]. Toutefois, dans une étude récente, Di Lella et al. ont développé des champs de forces pour modéliser des zéolithes contenant des cations différents du sodium [61]. Cette étude propose une méthode générale pour le calcul d’un champ de forces à partir de propriétés physiques du cation I , elle peut être facilement appliquée au cas du baryum. L’étude de la co-adsorption de méta et de para xylène en utilisant ces champs de forces permet de retrouver l’inversion de sélectivité observée expérimentalement entre les faujasites contenant du sodium et celles contenant du potassium. Dans ce modèle, les cations sont représentés sous forme classique, contenant une charge électrostatique et un centre de force de type Lennard-Jones. La polarisabilité des molécules adsorbées (en particulier des molécules d’eau) et celle des cations n’est prise en compte qu’implicitement. Enfin les phénomènes de transfert de charges, sans doute existant dans le cas de zéolithes contenant du baryum (notamment dans l’interaction entre le baryum et les molécules d’eau) ne sont pas pris en compte explicitement par un modèle classique. L’influence de l’eau sur la sélectivité d’adsorption des xylènes dans la faujasite reste encore relativement mal comprise. L’augmentation de la sélectivité est expliquée par des effets entropiques créés par la gène stérique engendrée par la présence de molécules d’eau dans les supercages [112,265]. La localisation des molécules d’eau à l’intérieur de la porosité du matériau reste relativement mal connue. Afin de comprendre l’effet de l’eau sur la sélectivité d’adsorption, des méthodes et des modèles de simulation moléculaires ont été développés conjointement par l’IFP et le Laboratoire de Chimie Physique d’Orsay (LCP). La première étape de cette étude est de construire un modèle capable de reproduire les aspects thermodynamiques de l’adsorption d’eau dans les faujasites [62,81]. Séverine Buttefey, Christelle Beauvais et Angela Di Lella dans le cadre de leurs thèses, ont développé des potentiels pour étudier l’adsorption de l’eau dans les faujasites [61]. Ces modèles permettent de prédire les réorganisations cationiques qui ont lieu au cours de l’adsorption. L’adsorption d’eau dans des faujasites de différents Si/Al contenant du sodium mais aussi d’autres cations monovalents ont pu être modélisés. L’étape suivante est de reproduire l’influence d’une faible quantité d’eau sur la thermodynamique de l’adsorption des xylènes

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Faujasite contenant du sodium

L’adsorption d’eau a été étudiée dans la zéolithe Na52Y par simulation moléculaire de type Monte Carlo par Christelle Beauvais, puis Angela Di Lella dans le cadre d’une collaboration entre le LCP, l’IFP et le groupe de Jean-Pierre Bellat à l’Institut Carnot de Bourgogne (Dijon). Dans le cadre de cette thèse, nous nous sommes intéressés plus particulièrement au phénomène d’adsorption à basse pression dans la faujasite où nous avons cherché à expliquer la présence d’une hystérésis. Dans un premier temps, je rappelle les résultats obtenus par Angela Di Lella dans le cadre de sa thèse, puis j’exposerai en détail les résultats expérimentaux obtenus par Jean-Pierre Bellat et je montrerai les résultats obtenus par simulation dans cette étude.

III.1.1 Adsorption dans la Na52Y 

Angela Di Lella a, dans le cadre de sa thèse, calculé l’isotherme d’adsorption de l’eau dans la Na52Y. Les résultats obtenus par simulation ainsi que les données expérimentales obtenues par Jean-Pierre Bellat et al. [266] sont reportées sur la figure III.1. L’accord entre les données expérimentales et la simulation est très bon. Par simulation, les quantités adsorbées à haute pression calculées par simulation sont légèrement surestimées par rapport aux données expérimentales. Inversement, les quantités adsorbées à basse pression sont légèrement sous-estimées. Il faut noter que le modèle utilisé n’a fait l’objet d’aucun ajustemen particulier pour reproduire ces données. Le potentiel est issu d’une combinaison de potentiels utilisés d’une part pour étudier l’adsorption d’alcanes dans les zéolithes purement silicées et d’autre part pour étudier des solutions aqueuses contenant des cations. Ce champ de forces reproduit correctement la thermodynamique de l’adsorption. La localisation des cations extracharpentes au cours de l’adsorption d’eau a été calculée à partir des résultats de la simulation. Les résultats sont reportés sur la figure III.2. Dans la zéolithe anhydre, les cations occupent les sites I, I’ et II, la configuration est (12,8,32)I . On observe ensuite un déplacement des cations, depuis les sites I vers les sites I’ lorsque le nombre de molécules d’eau situées dans les cages sodalites augmente. En effet, les molécules d’eau présentes dans les cages sodalites «tirent» les cations situés dans les sites I vers les sites I’ où ils peuvent être solvatés. On observe une corrélation entre le nombre de molécules d’eau dans les cages sodalites et le nombre de cations situés en site I’. Le mécanisme d’adsorption dans les cages sodalites peut être décomposé en deux étapes : – Les premières molécules d’eau qui s’adsorbent dans les cages sodalites se placent autour des 8 cations qui sont déjà en site I’. – Ensuite l’adsorption des molécules suivantes se traduit par un déplacement des cations des sites I au sites I’, jusqu’à atteindre 16 cations en sites I’ et 32 molécules d’eau dans les sodalites. 

Hystérésis à basse pression

Le phénomène d’adsorption/désorption dans les zéolithes est connu pour être parfaitement réversible. Du fait de la taille de leurs pores, on ne s’attend pas à observer d’hystérésis dans ces matériaux. Dans les faujasites par exemple, il est communément admis qu’aucune boucle d’hystérésis n’est observée à condition que le matériau ne soit pas modifié I . Contrairement à ce qui était attendu, Jean-Pierre Bellat et al., ont récemment observé la présence d’une boucle d’hystérésis à basse pression lors de l’adsorption d’eau dans la zéolithe faujasite Na52Y [266]. Le même type d’hystérésis avait déjà été observé par les mêmes auteurs dans deux autres matériaux de type faujasite, la BaY et la BaX [77]. L’hypothèse avancée à l’époque par ces auteurs était que cette hystéresis était liée à l’existence d’un déplacement de cations lors de l’adsorption, sans qu’aucune preuve expérimentale ne soit apportée. Je présente ici le travail que nous avons fait au cours de l’été 2007, avec le groupe de Jean-Pierre Bellat pour expliquer l’origine de cette boucle d’hystérésis.

Isotherme d’adsorption

 Les résultats obtenus par le groupe de Jean-Pierre Bellat concernant l’adsorption d’eau dans la zéolithe Na52Y (notée NaY par la suite) sont reportés sur la figure III.3. Comme nous l’avons vu dans la partie précédente, l’isotherme d’adsorption d’eau dans la NaY est une isotherme de type I. Elle est réversible entre 0.1 et 30 hPa. Dans la partie des faibles pressions cependant, une boucle d’hystérésis est observée. La désorption n’est pas complète ; une petite quantité d’eau (≃18 molécules par maille) n’est pas désorbée, à très faible pression et à température ambiante. Seule une réactivation du matériau permet d’éliminer ces molécules d’eau. Une nouvelle adsorption, sans réactivation intermédiaire, conduit à une isotherme similaire à celle obtenue lors de la désorption. Les cycles suivants d’adsorption/désorption sont réversibles. 18 molécules d’eau par maille ne sont pas éliminées à température ambiante, même à pression très faible. Si on réactive l’échantillon, on reproduit alors la première courbe d’adsorption, puis de désorption. De tels phénomènes d’hystérésis ont été observés dans d’autres matériaux comme les charbons actifs, les silicates lamellaires et les polymères [268–275]. Dans ces matériaux, l’existence de l’hystérésis est expliquée par la présence de très petites cavités existantes ou qui peuvent être créées par le gonflement du matériau lors de l’adsorption par exemple, dans lesquelles les molécules s’adsorbent et sont ensuite piégées. Cependant, dans le cas de la faujasite NaY, la déformation du matériau au cours de l’adsorption est faible, et il n’y a pas la possibilité de créer ce type de cavités, qui n’existent pas dans un matériau bien cristallisé. 

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