Adressage vers les hépatocytes
La première partie de ce projet porte sur la synthèse d’un adresseur et de sa conjugaison avec la molécule antivirale, SRO91. Cet adresseur a été envisagé en tant que dérivé du galactose, fonctionnalisé en position anomère par un espaceur hydrophile. En effet, les galactosides sont souvent employés dans des stratégies de vectorisation pour cibler les hépatocytes grâce à leur forte interaction avec les récepteurs aux asialoglycoprotéines (ASGPRs). La conjugaison avec la molécule active se fait par l’utilisation d’un espaceur apportant de la flexibilité et limitant de possibles interactions entre une molécule cargo et les récepteurs, et dont la nature et la longueur influencent grandement l’affinité.
structure, localisation, expression et ligands naturels
Les récepteurs aux asialoglycoprotéines (ASGPRs pour asialoglycoprotein receptors) sont les premiers récepteurs de types lectines à avoir été identifiés chez les mammifères. Ces glycoprotéines membranaires ont initialement été découvertes par Ashwell et Morell grâce à leur étude sur le métabolisme des glycoprotéines plasmiques chez les mammifères.114,115 En effet, les ASGPRs permettent de maintenir l’homéostasie des glycoprotéines plasmiques grâce à la reconnaissance et l’endocytose des glycoprotéines désialylées, portant un résidu galactose (Gal) ou N- acétylgalactosamine (GalNAc) terminal. Les glycoprotéines sont ainsi internalisées par endocytose clathrine-dépendante et se dissocient du récepteur dans le milieu acide de l’endosome. Elles migrent alors vers les lysosomes où elles sont dégradées.
Les ASGPRs sont principalement exprimés à la surface des cellules du foie, les hépatocytes, avec entre 100 000 et 500 000 sites d’interaction par cellules. De fait, ces récepteurs jouent un rôle primordial dans certaines pathologies comme les hépatites A et B ou les virus Marbug. Même si des études ont montré que le virus de l’hépatite C était capable de se lier efficacement aux récepteurs, cette possibilités, le trimère comportant deux unités H1 et une unité H2 est la plus abondante118 et celle qui montre la meilleure interaction avec des protéines désialylées telles que l’asialoorosomucoïde (ASOR), l’asialofétuine ou l’asialotransferrine. Les sous-unités H1 et H2 sont des protéines transmembranaires de type II dont la structure est généralement composée d’un domaine intracellulaire d’environ 40 acides aminés en position N-terminale, un domaine transmembranaire d’environ 20 acides aminés, une tige extracellulaire de 80 acides aminés et enfin un domaine de reconnaissance du glycoside (CRD pour carbohydrate recognition domain) d’environ 140 acides aminés (Figure 42).
Les régions transmembranaires sont responsables de l’oligomérisation du récepteur. Elles sont constituées d’heptades caractéristiques des structures en superhélices α, et sont indispensables à la l’activité du récepteur. En effet, il a été montré que l’ASOR n’était pas lié ou internalisé dans des cellules où les sous-unités H1 ou H2 ne sont pas co-exprimées. était en interaction à la fois avec les résidus 185Gln, 187Asp, 189Glu, 210Asn et 211Asp du CRD et avec les fonctions alcool en position 3 et 4 du glycoside. De plus, ces dernières sont également capables d’établir des liaisons hydrogène avec les résidus cités précédemment. Enfin, la partie apolaire du galactoside (incluant les carbones 3 à 6) est impliquée dans des interactions hydrophobes avec la chaîne latérale du résidu 189Trp (Figure 43A).
Adressage vers les hépatocytes
Les ligands utilisés pour le ciblage des ASGPRs sont nombreux (Figure 44). Qu’ils soient naturels (asialoorosomucoïde, asialofétuine, asialocéruloplasmine, asialotransferrine, arabinogalactane, pullulane ou Sito-G) ou d’origine synthétique, ces composés présentent généralement un résidu galactoside terminal, GalNAc étant plus afin que Gal pour le récepteur (GalNAc présente une activité comportent un ou plusieurs Gal ou GalNAc fonctionnalisés par un espaceur en vue de réaliser une conjugaison avec un cargo. Il est important de signifier l’influence de l’espaceur sur l’activité d’un tel conjugué. D’une part, l’utilisation de motifs hydrophiles tels que des glycols permet d’apporter de la solubilité et d’éloigner le ligand du cargo pouvant potentiellement gêner l’interaction avec le récepteur. D’autre part, dans le cas de conjugués multivalents, la longueur de l’espaceur et la nature du répartiteur déterminent l’angle et la distance entre les résidus galactoside afin de correspondre au mieux à la configuration du récepteur. Lee et al. ont synthétisé un conjugué Gal-Naphtalimide utilisé pour de l’imagerie intracellulaire.123 Le système utilisé est composé d’un galactose et d’un naphtalimide séparés par un espaceur triéthylène glycol. Le naphtalimide est fonctionnalisé par le carbamate de 2,2’-dithioéthanol de manière à masquer le fluorophore.
Ce conjugué permet ainsi de discriminer des cellules malades de cellules saines en utilisant le déséquilibre entre le glutathion sous sa forme réduite (GSH) et sa forme oxydée (GSSG) comme c’est le cas dans certaines pathologies (cancer, maladie de Parkinson, maladie d’Alzheimer, etc.). En effet, l’utilisation d’un tel système permet l’interaction avec les ASGPRs et donc l’internalisation du composé dans les hépatocytes par endocytose. Si la proportion de GSH est trop importante, le motif 2,2’-dithioéthanol sera réduit libérant le fluorophore, après cyclisation intramoléculaire. Il est alors possible de détecter par imagerie les hépatocytes présentant un défaut en GSH qui ne présente pas de fluorescence, par rapport aux cellules saines qui sont marquées (Schéma 31). Ce système a ainsi permis de discriminer des hépatocytes avec un taux réduit de GSH et des cellules saines par microscopie confocale. De plus, l’injection du conjugué par voie intraveineuse chez le rat a montré une meilleure accumulation dans le foie que le fluorophore marqué ne portant pas de motif Gal.