Adolescence et détresse psychologique
Détresse psychologique. Le concept de détresse psychologique renvoie à un état global caractérisé par une souffrance émotionnelle subjective, en réponse à des difficultés personnelles ou sociales, où se manifestent des symptômes comme la peur, l’anxiété, la tristesse ou la dépression (Derogatis, 1994; Institut de la statistique du Québec, 2012; Office des professions du Québec, 2013). Il est à noter que la présence de détresse psychologique n’indique pas nécessairement un trouble mental diagnostiqué, mais qu’il y a présence de symptômes pouvant être à la source de certaines difficultés (Conseil médical du Québec, 2001). Considérant que les symptômes d’anxiété et de dépression sont parmi ceux les plus souvent observés chez les adolescents (Institut de la statistique du Québec, 2012; Marcotte, 2013; Michaud & Ambresin, 2014; Turgeon & Gendreau, 2007) ils sont sujets à préoccupation.
L’adolescence est une période développementale qui sépare l’enfance de l’âge adulte et elle comporte des changements importants sur les plans biologique, cognitif, émotionnel, juridique et social (Cloutier, 1996). L’adolescence est une période de transition et dans certains cas, de crise, dont l’issue influence la capacité d’adaptation de la personne à la vie d’adulte. L’adolescence dite normale implique inévitablement divers conflits psychologiques et sociaux, mais les discordes significatives ne sont pas le lot de la majorité des relations parent-adolescent (Prinz et al., 1979). Les conflits s’avèrent souvent transitoires et n’aboutissent pas toujours à des troubles psychologiques caractérisés (Michaud & Ambresin, 2014; Zimmermann & Brodard, 2014). Toutefois, diverses études ont permis de constater la présence d’une détresse psychologique importante auprès d’une certaine proportion d’adolescents (Institut de la statistique du Québec, 2012; Lye, 2012). L’Institut de la statistique du Québec (2012) estime d’ailleurs à 20% la proportion d’adolescents québécois éprouvant une détresse psychologique sérieuse durant cette période marquant le passage entre l’enfance et l’âge adulte. De plus, la présence de difficultés psychologiques importantes sous la forme de détresse peut constituer une menace au développement considérant que la détresse psychologique peut aussi se poursuivre au-delà de l’adolescence (Chabrol, 2004).
Les troubles psychologiques incluant la détresse psychologique chez l’adolescent ont des causes complexes et diverses (Chabrol, 2004) étant donné que plusieurs changements développementaux s’opèrent chez l’adolescent et peuvent avoir une certaine incidence sur la manière dont il se perçoit, ainsi que sur son ajustement psychosocial (Alsaker, 2014). Outre les changements biologiques majeurs, l’adolescence est également synonyme de maturation identitaire (Lannegrand-Willems, 2014), de développement cognitif (Lehalle, 2014) et de diverses modifications dans les relations interpersonnelles (Coslin, 2013).
La détresse psychologique chez l’adolescent en fonction du sexe. Les différences liées au sexe concernant la santé mentale, sur le plan statistique, apparaissent à l’adolescence (Lye, 2012). De nombreux auteurs (Lønfeldt, Marin, Silverman, Reinholdt-Dunne, & Esbjørn, 2017; Nelemans, Hale Iii, Branje, Hawk, & Meeus, 2014; Picard et al., 2007; Smokowski, Bacallao, Cotter, & Evans, 2015; Tak, Van Zundert, Kleinjan, & Engels, 2015) observent que les filles présentent un niveau plus élevé de détresse psychologique que les garçons, comme on le constate au Québec où 28% des filles présentent une détresse psychologique élevée, contre 14% des garçons (Institut de la statistique du Québec, 2012). Les symptômes anxieux et dépressifs sont plus souvent observés chez les filles comparativement aux garçons, et ce pour toute la durée de l’adolescence, de 13 à 17 ans (Institut de la statistique du Québec, 2012). Les changements hormonaux et pubertaires survenant chez la fille entre 11 et 15 ans, ainsi que leur sensibilité aux relations interpersonnelles et aux émotions qui y sont impliquées, pourraient expliquer en partie cet écart (Lye, 2012).
La détresse psychologique de l’adolescent selon l’âge. En plus du sexe qui est un facteur important considérant la détresse psychologique des adolescents, l’âge est également intimement lié à des variations dans l’expression de la détresse psychologique. Certains troubles sont plus fréquemment rencontrés chez les préadolescents, alors que d’autres sont plus fréquemment présents chez les adolescents plus âgés (Carr, 2006). Également, il est observé que la proportion de jeunes qui se situent au niveau élevé de détresse psychologique ou qui souffrent d’anxiété et de dépression tend à augmenter avec l’âge (Institut de la statistique du Québec, 2012; Lye, 2012) et le pourcentage d’adolescents ayant une détresse psychologique élevée est de 25% en secondaire 5, comparativement à 16% en secondaire 1 (Institut de la statistique du Québec, 2012). Différents auteurs observent que l’anxiété est plus marquée chez les adolescents plus âgés comparativement aux plus jeunes (Bergeron, Valla, & Gauthier, 2007; Kozina, 2014; Lye, 2012; Mallik, Ghosh, & Chattopadhyay, 1986). La période d’adolescence marque également une augmentation de la dépression comparativement à l’enfance, et l’âge d’apparition d’une première dépression se situe entre 11 ans et 14 ans (Marcotte, 2013), la dépression étant plus fréquente chez les adolescents plus âgés que chez les préadolescents (Carr, 2006). Il semble donc que la détresse psychologique, tant dans sonaspect anxieux que dépressif, tend à augmenter au fil des ans chez les adolescents. Comme la détresse psychologique semble tantôt prendre une forme anxieuse, tantôt une forme dépressive, il devient important de mieux comprendre chacune des typologies de même que les facteurs individuels et environnementaux susceptibles de contribuer à leur émergence.
La détresse psychologique dans son aspect anxieux. Le concept d’anxiété fait référence à la présence de peurs, de pensées concernant le danger, d’appréhension, de nervosité, d’inquiétudes et de diverses réactions comportementales impliquant de l’évitement (Lohmann, 2015). Elle se manifeste à travers des symptômes émotionnels, comportementaux, cognitifs, sociaux et physiques (Carr, 2006; Lohmann, 2015). L’anxiété peut générer un fonctionnement perturbé par la présence de réponses anxieuses exagérées à diverses situations (Rogé & Chabrol, 2003) et peut se présenter de manière amoindrie sous forme de stress lors de diverses situations, ou encore sous forme de troubles anxieux diagnostiqués (A.P.A., 2013). Sous forme de troubles diagnostiqués, l’anxiété a une prévalence chez l’adolescent variant entre 0,9% et 16%, les troubles les plus fréquents étant la Phobie spécifique et le Trouble d’anxiété sociale (A.P.A., 2013). Une comorbidité est souvent observée également entre l’anxiété et la dépression (A.P.A., 2013; Rogé & Chabrol, 2003). Concernant l’influence du sexe, l’anxiété semble plus présente chez les filles que chez les garçons (Bergeron et al., 2007; Nelemans et al., 2014; Picard et al., 2007). L’anxiété chez l’adolescent peut favoriser l’émergence de difficultés de fonctionnement et de développement, notamment sur les plans social, scolaire,professionnel et amoureux, et il devient également plus à risque de consommer des substances psychotropes (A.P.A., 2013; Monfette & Boisvert, 2007; Storch & McKay, 2011).
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