Le ciment et son hydratation
Le béton est un matériau résultant d’un mélange de ciment, d’eau et de granulats. Il est largement utilisé et convoité pour ses propriétés à l’état frais comme à l’état durci. Il peut prendre n’importe quelle forme souhaitée, atteindre une résistance en compression importante tout en restant à faible coût. Dans un mélange, des matériaux de tailles différentes peuvent être ajoutés comme des granulats, du sable, du ciment, des ajouts cimentaires (SCMs pour Supplementary Cementitious Materials en anglais) etc. (Aïtcin & Flatt, 2016). Le ciment est un liant hydraulique et sa chimie et les réactions à l’origine de sa prise sont au cœur de nombreuses recherches afin d’analyser et de comprendre les mécanismes qui en découlent. Le ciment Portland est une poudre obtenue à partir de l’argile et du calcaire qui subissent d’importantes modifications pour obtenir une fine poudre réactive. L’origine des roches, leurs compositions et le procédé thermique qu’elles subissent sont à l’origine de variations non significatives sur le ciment produit (Aïtcin & Flatt, 2016).
De plus, le type de four utilisé peut lui aussi faire varier la composition chimique du matériau fini. Cependant, elle reste sensiblement la même et le ciment Portland ordinaire est composé de quatre phases telles que l’alite (C3S), de belite (C2S), d’aluminium tricalcite (C3A) et d’aluminoferrite tétracalcique (C4AF). Ces phases sont principalement composées des minéraux de silice (SiO2), de chaux (CaO), d’aluminium (Al2O3) et d’oxide de fer (Fe2O3). Elles comprennent également de faibles concentrations de magnésium (MgO), de soufre (SO3) et de sodium (Na). Lorsque ces phases sont au contact de l’eau, elles vont réagir et créer des liens entre les particules présentes dans le mélange. L’hydratation du ciment est un processus de dissolution et de précipitation des quatre phases qui ne se produisent pas simultanément. Les ions contenus dans ces phases vont donc se retrouver en solution autour des grains de ciment comme sur la Figure 1.1 (Caruso, Mantellato, Palacios, & Flatt, 2016).
Les superplastifiants
Les superplastifiants (SPs) peuvent être d’origine naturelle ou synthétique. Les plus connus et les plus utilisés sont les naphtalènes, les mélamines et les polycarboxylates d’éther (PCEs) qui sont tous les trois d’origine synthétique (Aïtcin & Flatt, 2016). Cependant, certains anciens superplastifiants tendent à se faire dépasser par les PCE qui ont été développés dans les années 1980 et sont donc les adjuvants les plus répandus de nos jours (Aïtcin & Flatt, 2016; Hanehara & Yamada, 1999; Puertas, Santos, Palacios, & Martínez-Ramírez, 2005). Leur action consiste à disperser et à éloigner les particules de ciment les unes des autres (Yoshioka, Tazawa, Kawai, & Enohata, 2002). Leur efficacité leur permet d’être présents dans tous les bétons nécessitant une haute résistance ou une grande fluidité du béton. Les PCEs ont des caractéristiques structurales moléculaires en forme de peigne comme il l’est illustré dans la Figure 1.4 où les chaines moléculaires du superplastifiant entourent les grains de ciment. Cette forme lui permet d’améliorer la fluidité du béton tout en réduisant la proportion d’eau (le rapport eau/ciment) nécessaire au matériau pour le mettre en œuvre (Marchon, Juilland, Gallucci, Frunz, & Flatt, 2017). Elles sont les molécules les plus résistantes des superplastifiants et évitent la ségrégation présente lors de l’utilisation d’autres polymères de la même famille.
Les agents modificateurs de viscosité
L’agent modificateur de viscosité (VMA) est employé pour stabiliser les pâtes cimentaires. Il permet de réduire le rapport eau/ciment, mais aussi d’augmenter le seuil d’écoulement au regard de la viscosité (Benaicha, Roguiez, Jalbaud, Burtschell, & Alaoui, 2015; Kolawole, Combrinck, & Boshoff, 2019; Leemann & Winnefeld, 2007). Les chaines de polymères constituant l’adjuvant s’enchevêtrent créant des liaisons Van der Waals entre les particules. Cette création de ponts induit un blocage des molécules d’eau contenues dans le mélange. Elle va également favoriser la formation de gel de C-S-H, produit d’hydratation du ciment, ce qui est à l’origine de l’augmentation de la viscosité. La stabilité de la pâte au repos est donc améliorée et la microstructure est renforcée. En effet, Saric-Coric (2003) a rapporté que pour des mélanges contenant du VMA, la matrice était plus dense et plus compacte ce qui témoigne d’un état avancé sur l’hydratation du ciment dans un mélange homogène (Benaicha et al., 2015; Grabiec, 2013; Khayat & Ghezal, 2003). Le VMA est capable d’éviter la ségrégation en maintenant une cohésion entre les différents composants de la pâte cimentaire. Des améliorations concernant la résistance à la ségrégation verticale ont été observées tout en augmentant la résistance à la compression du matériau à l’état durci (Grabiec, 2013). En effet, il va avoir une action sur le maintien de la cohésion des différents composants du mélange ce qui est davantage apprécié pour la mise en place de bétons autoplacants (Benaicha et al., 2015).
Les nanoargiles
Les nanoargiles sont des particules minérales de taille inférieures à celles du ciment. Elles sont employées pour les propriétés rhéologiques qu’elles confèrent aux matériaux cimentaires lors de leur ajout. Ainsi, elles augmentent la viscosité et le seuil d’écoulement ce qui est vivement recherché pour des bétons autoplaçants. Leur utilisation est répandue pour l’impression 3D, car elles sont capables de stabiliser le matériau lorsqu’il est extrudé et stabilise la pâte une fois imprimée (Marchon et al., 2018). De par leur petite taille, elles se placent alors dans les cavités créées par les grains de ciment offrant davantage de foyers d’hydratation à la matrice cimentaire. L’addition de nano argile peut donc apporter une amélioration concernant l’hydratation du ciment (Quanji, Lomboy, & Wang, 2014). Les surfaces des particules chargées électriquement vont permettre de lier les nano argiles entre elles permettant de stabiliser la microstructure. Elles augmentent donc la capacité à rétablir la microstructure quand le matériau est déformé (Kawashima, Kim, Corr, & Shah, 2012; Quanji et al., 2014). Lorsque des pâtes cimentaires sont réalisées avec des nano argiles, un effet épaississant est observé. Elle est due à la floculation des particules entre elles et non pas par l’adsorption de celles-ci par les molécules d’eau. Ce phénomène est observé instantanément après son ajout au mélange sans aucune modification de comportement dans le temps. Lorsque 0,3% de nanoargile est ajouté, une augmentation de la viscosité est constatée (Kazemian, Yuan, Cochran, & Khoshnevis, 2017). Cependant, pour des dosages allant de 1 à 3% de masse de ciment, l’ajout peut entrainer une perte de fluidité (Dejaeghere, Sonebi, & De Schutter, 2019; Mirgozar Langaroudi & Mohammadi, 2018).
Les accélérateurs
Les accélérateurs sont utilisés afin d’accélérer la prise du ciment et la résistance à « court terme » d’un matériau cimentaire. Il existe plusieurs types d’accélérateurs. Ceux à base de chlorures de calcium accélèrent les phases d’hydratation C3S et C3A. Ils sont appelés les accélérateurs de prise. Ils sont à éviter en présence d’armatures en acier. D’autre part, certains ne peuvent stimuler que la phase C3S. Ceux-là contiennent du sucrose et stimulent la formation d’ettringite ainsi que la floculation de la structure. Ce sont les accélérateurs de durcissement (Aïtcin & Flatt, 2016; Odler & Abdul-Maula, 1987). Les accélérateurs peuvent être mélangés avec d’autres types d’adjuvants. En effet, lors de son usage compilé avec un superplastifiant ou un entraineur d’air, aucun effet négatif n’a été constaté (Aïtcin & Flatt, 2016). Les plus efficaces et les moins couteux sont les accélérateurs à base de chlorure de calcium. Cependant, ils ont d’importants effets secondaires, car ils corrodent les aciers d’armatures. Son utilisation est par conséquent restreinte et normée. Aujourd’hui, les plus intéressants et les plus convoités sont ceux à base de sels d’aluminium sans alcali, car ils n’ont aucune répercussion concernant la santé et la durabilité des aciers et ne diminuent pas la résistance à long terme (Aïtcin & Flatt, 2016; Marchon et al., 2018; Christian Paglia, 2000). Les accélérateurs pour le béton projeté sont différents de ceux utilisés pour d’autres utilisations. Ils contiennent des sels d’aluminium et des silicates qui détiennent des mécanismes différents. Lors de la projection de béton, le matériau fluide doit devenir suffisamment visqueux afin d’adhérer à la paroi en moins d’une seconde. Le matériau doit à la fois être solide, homogène et gagner en résistance rapidement (Aïtcin & Flatt, 2016; Lootens, Lindlar, & Flatt, 2008). Dans ce type d’adjuvants, certains acides sont ajoutés ce qui peut nuire à la résistance en compression à long terme.
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