Activités de préparations hospitalières dans les
établissements publics
Le médicament, denrée de plus en plus sophistiquée, efficace et sensible, constitue une pièce maitresse de la continuité des soins. Il occupe une place de plus en plus importante dans les stratégies thérapeutiques mises en œuvre dans les structures de santé, quelque soit leur niveau administratif et leur spécialisation. Les produits de santé, les médicaments en particulier sont à l’origine de l’importante inflation des dépenses de santé dans les structures de santé, pour les organismes de sécurité sociale et pour les patients, malgré l’avènement des génériques. La très grande diversité de produits de santé, tant en ce qui concerne les formes, leurs présentations, les conditions de leur conservation et leurs modalités de prescriptions se retrouve en milieu hospitalier. Il s’y ajoute une grande complexité dans les aspects réglementaires et techniques qui fondent leur réalisation, leur prescription et leur dispensation. La part qui revient aux préparations hospitalières dans les dépenses budgétaires, en forte progression dans beaucoup de pays, reste faible, comparativement aux spécialités venant de l’industrie pharmaceutique. Un accroissement du nombre et de la quantité de ces préparations dans la consommation des structures sanitaires, outre les économies substantielles réalisées, apportera des réponses adaptées aux besoins spécifiques exprimés pour chaque malade. Notre étude se situe dans l’optique de la proposition d’élaboration d’une politique pharmaceutique globale dans les structures sanitaires et les hôpitaux au Sénégal confrontés ; comme partout ailleurs, à des exigences de plus en plus élevées en termes de qualité et de sécurité des soins. Elle est organisée en trois parties : – une première partie consacrée à la revue de la littérature et aux aspects réglementaires 11 – une deuxième partie faisant l’état des lieux des activités de préparations de médicaments dans les plus grands hôpitaux de la région de Dakar, – une troisième partie formulant des propositions en vue d’une politique pharmaceutique globale inclusive de la problématique des préparations hospitalières dans les structures sanitaires du Sénégal.
ASPECTS RÉGLEMENTAIRES DES PRÉPARATIONS HOSPITALIÈRES
DÉFINITIONS DU MÉDICAMENT ET LES DIFFÉRENTS TYPES DE MÉDICAMENTS
DÉFINITION DU MÉDICAMENT
Selon l’article L5111-1 du Code de la Santé Publique, modifié par Loi n°2007-248 du 26 février 2007 : « On entend par médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l’homme ou chez l’animal ou pouvant leur être administrée, en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique. » Sont notamment considérés comme des médicaments : – les produits diététiques qui renferment dans leur composition des substances chimiques ou biologiques ne constituant pas elles-mêmes des aliments, mais dont la présence confère à ces produits, soit des propriétés spéciales recherchées en thérapeutique diététique, soit des propriétés de repas d’épreuve. -Les produits utilisés pour la désinfection des locaux et pour la prothèse dentaire ne sont pas considérés comme des médicaments. Lorsque, eu égard à l’ensemble de ses caractéristiques, un produit est susceptible de répondre à la fois à la définition du médicament prévue au premier alinéa et à celle d’autres catégories de produits régies par le droit communautaire ou national, il est, en cas de doute, considéré comme un « médicament». Cette loi française est adossée, pour l’essentiel aux dispositions de la directive de la Communauté européenne 2001/83/CE du 6 novembre 2001 modifiée. 14 Le champ d’application de cette définition, loin de se limiter au strict cadre de l’autorisation de mise sur le marché (AMM), permet de distinguer deux notions fondamentales : le médicament par fonction et le médicament par présentation. -La définition du médicament par présentation, dans le souci de protection du consommateur et de contrer tout charlatanisme : « On entend par médicament toute substance ou composition présentée comme…» : ainsi un produit présenté comme possédant des vertus thérapeutiques, même s’il ne les possède pas, sera qualifié de médicament par le juge. S’il ne remplit pas les conditions juridiques du statut de médicament, le fabriquant ou le revendeur sera sanctionné pénalement. -La définition du médicament par fonction : « Ainsi que tout produit pouvant être administré à l’homme ou à l’animal en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions organiques » qui, à l’origine, avait pour objet de faire entrer dans la définition du médicament des produits sans vertus thérapeutiques, mais qui produisaient des effets sur le corps humain, donc potentiellement dangereux (ex. produits de contraste),. Ces produits sont donc qualifiés de médicaments, même si les propriétés annoncées ne sont pas existantes.
LES TYPES DE MÉDICAMENTS
Les médicaments peuvent être classés selon plusieurs critères : – la réglementation, – la méthode thérapeutique, – la consistance physique, – le procédé de fabrication, – le conditionnement, – la voie d’administration. 15 Ces différentes possibilités de classification illustrent la grande diversité de médicaments qui peuvent être présents dans une entité sanitaire et expliquent la complexité de l’approche des aspects réglementaires les concernant. La mise au point de ces différents médicaments est essentiellement industrielle ; mais elle a lieu également dans des structures spécialisées ou qualifiées pour les réaliser : c’est le cas des préparations médicamenteuses hospitalières. Ces préparations ne peuvent être effectuées dans les pharmacies que si un système d’assurance de la qualité a été mis en place, selon les modalités définies, et pour des volumes de production compatibles avec les moyens humains et techniques dont ces pharmacies disposent. Le seuil maximal de production des préparations réalisées en petites séries, dans les conditions définies par les bonnes pratiques de préparation, est fixé à 300 unités par lot. En dehors des classifications habituelles, les médicaments peuvent être envisagés selon leur statut de prescription particulier ou médicaments à prescription restreinte : 1-Les médicaments réservés à l’usage hospitalier : ils ne sont pas disponibles en ville et ne peuvent être prescrits et utilisés qu’à l’hôpital, par des praticiens exerçant dans un établissement public ou privé de santé et ne peuvent être délivrés que par la Pharmacie hospitalière de ce type d’établissement pour des raisons de santé publique et du fait de leurs caractéristiques pharmacologiques ou leur degré d’innovation (exemple certains antirétroviraux, antibiotiques).Réservés aux patients hospitalisés, ils peuvent faire l’objet d’une « rétrocession hospitalière » au bénéfice de patients ambulatoires dans des situations de nécessité bien précises. 16 2-Les médicaments à prescription initiale hospitalière : leur existence est due à la nécessité d’établir en milieu hospitalier le diagnostic de l’affection à traiter. La première prescription doit obligatoirement être rédigée à l’hôpital, mais les ordonnances de renouvellement peuvent être rédigées par un médecin de ville. Cette prescription initiale est réservée, selon l’AMM, aux prescripteurs des établissements de santé publics ou privés, aux établissements de transfusion sanguine, aux services de dialyse à domicile et centres spécialisés de soins aux toxicomanes. Elle peut également être réservée à certains services spécialisés et prescripteurs spécialistes. Le nombre de renouvellements est limité, dans certains cas. L’ordonnance initiale devenant caduque au terme du délai fixé par l’AMM, généralement 6 mois à 1 an. Une nouvelle prescription hospitalière est nécessaire et l’ordonnance de renouvellement peut être prescrite par tout médecin ou réservée à certains spécialistes, de ville ou hospitalier. Pour leur délivrance (ville ou hôpital si double dispensation), le pharmacien doit s’assurer de la conformité à l’AMM, de la qualification ou du titre du prescripteur. Lors du renouvellement, le pharmacien doit s’assurer de la présentation simultanée de la prescription initiale hospitalière. Ces dispositions réglementaires doivent être strictement observées sinon le pharmacien ne doit pas délivrer les médicaments ((exemples des anticholinestérasiques indiqués dans la maladie d’Alzheimer). 3-Les médicaments à prescription hospitalière : ils ne peuvent être prescrits qu’à l’hôpital mais ils sont délivrés dans n’importe quelle pharmacie ou, pour certains, dans les seules pharmacies hospitalières. 4-Les médicaments nécessitant une surveillance particulière: destinés aux maladies faisant l’objet d’une surveillance régulière pendant le traitement (examens complémentaires, consultations plus fréquentes, contrôles biologiques : numération sanguine, par exemple avec un neu- 17 roleptique : la clozapine). Le renouvellement de l’ordonnance est soumis au strict respect de la réglementation. 4-Les médicaments à prescription réservée à certains spécialistes : médicaments difficiles à utiliser ou traitant des maladies complexes. Ils sont délivrés selon les cas en pharmacies hospitalières ou en pharmacies de ville. 5-Les médicaments d’exception : ils requièrent une compétence particulière. La prescription est intitulée « ordonnance de médicaments d’exception ». Si la prescription n’est pas rédigée sur ce support, le médicament ne sera pas délivré (cas de certains immunosuppresseurs, nécessité d’un EEG affirmant le diagnostic de narcolepsie pour obtenir par exemple du modafinil indiqué pour cette maladie). 6-Les Autorisations Temporaires d’Utilisation (ATU) : l’objectif, avec cette catégorie de médicament est de satisfaire des besoins de santé publique, en permettant l’accès à certaines thérapies n’ayant pas d’autorisation de mise sur le marché. Elles ont permis le traitement par de nouveaux médicaments, de plusieurs dizaines de milliers de patients en situation d’échec thérapeutique plusieurs mois avant leur AMM. L’ATU est accordée dans un territoire donné, pour une période donnée, à un médicament qui peut avoir obtenu une AMM ailleurs à l’étranger, ou être un médicament en cours de développement. Comme le stipule leur nom, les ATU sont octroyées à titre exceptionnel et temporaire, aux conditions suivantes : -pour le traitement de pathologies graves ou rares, -en l’absence d’alternative thérapeutique déjà autorisée, appropriée et disponible -et si un rapport bénéfice/risque positif est présumé. Il existe deux types d’autorisation temporaire : -les ATU dites nominatives, pour des médicaments présumés efficaces, indispensables et d’un profil de sécurité acceptable, à la lumière des données disponibles destinés à un seul malade nommément désigné, à la demande et sous la responsabilité du médecin prescripteur. -les ATU de cohorte concernent des médicaments fortement présumés efficaces, d’un profil de sécurité acceptable, ayant atteint un stade avancé de leur développement, par exemple avec un dossier d’AMM en cours de rédaction ou d’enregistrement, destinés à un groupe ou sous-groupe de patients, traités et surveillés suivant des critères parfaitement définis dans un protocole d’utilisation thérapeutique et de recueil d’informations. Elles sont délivrées à la demande du titulaire des droits d’exploitation, qui doit s’engager à déposer une demande d’AMM, dans un délai fixé
INTRODUCTION |