Activité (s) de lecture
Introduction Le rapport du signe à son contexte engage un type particulier de modalité de réception, qui consiste d‘abord en l‘emplacement du lecteur. Roy Harris explique que si le texte écrit doit bien être écrit quelque part, « il faut également qu‘afin de le lire, le lecteur de ce texte se place aussi le point à partir duquel est considéré l‘objet, est ici particulièrement importante429. Jean Davallon prend l‘exemple de la flèche signalétique qui indique la direction de deux musées à un carrefour de rues : « Si la signification qu‘elle peut avoir en tant que signe écrit dépend de son emplacement, cela tient au fait que celui-ci renvoie à la position du visiteur. C‘est du ―point de vue‖ de celui-ci au sens physique et cognitif du terme, que la relation entre l‘emplacement et les signes présents sur la flèche – noms, flèche directionnelle, pictogramme – fait sens. »430 Ce travail de reconnaissance et d‘intégration se déroule à partir de deux éléments qu‘Harris et Davallon qualifient de « programme d‘activités », « projet de visite » et de « reconnaissance », « d‘éléments qu‘il [l‘usager] connaît par ailleurs »431. Un certain nombre de remarques s‘impose ici. La première consiste en une discussion de la notion de « programme » qui semble bien convoquer les différentes catégories du faire : usage, pratique, activité. Quel est le genre de faire que la notion de programme qualifie ? C‘est l‘objet de la première partie de cette introduction. La deuxième remarque analyse la relation entre l‘activité de lecture et les contextes d‘usage dans lesquels elle peut prendre place. Elle est traitée dans la deuxième partie de cette introduction. En effet, l‘objectif général de ce nouveau chapitre est d‘interroger les relations entre texte, lecture du texte, et visite. Ce chapitre cherche donc à examiner, très précisément, le rapport qui existe entre la préfiguration par le texte d‘une pratique de lecture, la ou les figurations entre le lire et le visiter, l‘appel à l‘implication corporelle du lecteur-visiteur et la ressaisie de tous ces éléments par l‘ajustement.
Questionnement autour de la notion de « programme »
La notion de programme est ici cruciale, car elle convoque à la fois la question de l‘anticipation de la communication par le dispositif, la représentation de l‘usager dans la communication et surtout elle est, finalement, une façon de penser l‘ajustement comme une adéquation plus ou moins grande à une succession de tâches, ce qu‘il faut mettre en débat. Nous avons longtemps cherché à comprendre ce que caractérisait cette notion de « programme d‘activités » et, notamment, si elle désignait le programme du lecteur en chair et en os. Jean Davallon utilise le terme de programme pour caractériser « la logique de l‘activité qu‘il [le lecteur] est en train d‘effectuer »432, mais aussi les compétences de l‘utilisateur réel. On trouve, par exemple, dans L‘exposition à l‘œuvre, « chacun sait, par exemple, que des séries d‘objets archéologiques (des fragments de poteries, ou toute autre série d‘éléments) n‘ont de sens que pour le spécialiste. Lui seul possède le programme lui permettant de donner du sens aux variations de forme, de techniques ou de fabrication que le profane peut (éventuellement) percevoir, mais difficilement comprendre »433. En réalité, la notion de « programme d‘activités », telle qu‘elle a été développée dans le cadre d‘une théorie de l‘écriture, désigne très spécifiquement l‘anticipation de l‘usage dans le texte, c’est-à-dire de la figure du lecteur. C‘est le travail sur les sites médiateurs de Gallica, qui nous a permis de clore le questionnement : les auteurs font la différence entre deux contextes programmatiques, en d‘autres termes, deux versants de ce contexte, concret et médiatique. Le contexte concret correspond au programme du lecteur réel, empirique ; et les auteurs mentionnent, à ce titre, que c‘est à ce lecteur qu‘on pense inévitablement en premier.