ACTIVATION DES LYMPHOCYTES T GAMMA DELTA DANS LES CANCERS

ACTIVATION DES LYMPHOCYTES T GAMMA DELTA DANS LES CANCERS

Les fonctions cytolytiques et anti-tumorales des cellules NK 

Contrairement aux autres cellules immunitaires qui vont acquérir progressivement leur activité cytolytique, les cellules NK et les lymphocytes T γδ présentent l’intérêt majeur  d’être déjà « prêtes à tuer ». Les cellules NK matures peuvent être définies comme des lymphocytes très granuleux. Ces granules contiennent à la fois des perforines (protéines perturbant l’intégrité membranaire) et des granzymes (famille d’enzymes protéolytiques), responsables de la cytotoxicité des cellules NK . Lorsque les cellules NK interagissent avec leurs cellules cibles, une synapse immunologique va se former, permettant l’exocytose de ces granules pour conduire à la lyse spécifique de la cellule cible .De plus, les cellules NK sont capables de tuer les cellules tumorales en utilisant des molécules de la famille des tumor necrosis factor (TNF). Les cellules NK expriment à la fois du TNF soluble et membranaire, et l’activation des cellules NK va induire l’expression de ligands de mort, comme le ligand FAS (FASLG ou TNFSF6) et le TNF-related apoptosis-inducing ligand (TRAIL) à la surface des cellules NK . Après liaison de ces ligands, les récepteurs de mort exprimés à la surface des cellules cibles (comme par exemple FAS) peuvent activer la cascade enzymatique des caspases permettant leur apoptose  . Ainsi, les cellules NK présentent des fonctions cytolytiques leur permettant d’exercer une fonction anti-tumorale directe. De plus, les cellules NK peuvent exercer des fonctions anti-tumorales indirectes car elles régulent les cellules T via la modulation des CPA décrites dans la partie précédente de ce chapitre (partie I.I.A. de cette introduction). Par exemple, un cross talk entre les cellules NK et les DC peut mener à l’engagement du récepteur activateur NKp30 (ou NCR3), permettant la production d’IFN-γ par les cellules NK entraînant l’activation des DC. De plus, la manipulation des cellules NK dans les cancers permet d’initier des réponses immunitaires protectrices et durables à différents niveaux, impliquant plusieurs types cellulaires et notamment les lymphocytes T. Par exemple, il a été montré que le blocage du checkpoint receptor T cell immunoreceptor with Ig and ITIM domains (TIGIT) prévient l’exhaustion des cellules NK et permet l’obtention d’une réponse immunitaire T spécifique de la tumeur dépendante des cellules NK  . L’implication des cellules NK dans l’immunité anti-tumorale a été démontrée dans des modèles de cancers solides mais aussi hématologiques. En effet, différentes études réalisées sur un grand nombre de patients ont montrées la valeur pronostique d’une cytotoxicité périphérique médiée par les cellules NK chez des patients atteints de cancers solides  . Cependant, la cytotoxicité médiée par les cellules NK n’est pas toujours corrélée à une forte expression de récepteurs activateurs sur ces cellules. En effet, une équipe a montré que les cellules NK infiltrées dans les tumeurs de patients atteints de cancers du poumon non à petites cellules (NSCLC) exprimant différents marqueurs d’activation (NKp , CD  ou encore HLA-DR) présentaient un potentiel cytotoxique altéré . Cette faible   cytotoxicité peut en partie s’expliquer par la présence des cellules NK dans le stroma et non en contact direct avec les cellules tumorales observée dans des biopsies des patients atteints de NSCLC de cette étude. La réponse immunitaire innée permet une détection rapide des cellules anormales afin de les éliminer avant qu’elles ne provoquent des dégâts importants. Cependant les cellules tumorales développent des mécanismes spécialisés pour échapper à la détection par l’immunité innée ou bloquer son arsenal de mécanismes destructeurs. 

 Principaux effecteurs de l’immunité anti-tumorale adaptative 

Lorsque les mécanismes délétères ne sont pas bloqués par les cellules de l’immunité innée, les cellules de l’immunité adaptative (ou acquise) rentrent en jeu afin de court-circuiter ces mécanismes d’évasion grâce à un système de reconnaissance très adaptable. Ainsi, la protection fournie par le système immunitaire adaptatif est essentielle à la survie puisque des enfants nés avec des déficits immunitaires adaptatifs doivent recevoir des greffes de moelle osseuse afin d’assurer leur survie. L’immunité adaptative dépend des propriétés très spécialisées des lymphocytes et de leurs produits, et se distingue de l’immunité innée par trois aspects (voir Tableau 1). Premièrement, plutôt que d’avoir un répertoire définit de récepteurs reconnaissant des molécules conservées chez les micro-organismes, les lymphocytes ont un seul type de récepteur mais avec un répertoire quasi-illimité de variants qui peuvent reconnaitre virtuellement n’importe quelle molécule, appelée « antigène ». La seconde caractéristique qui différencie l’immunité acquise de l’immunité innée est le délai d’apparition de la réponse immunitaire. En effet, les réponses immunitaires adaptatives ne s’amorçent que quelques jours après une infection à cause de la nécessaire expansion clonale des rares cellules qui reconnaissent initialement les antigènes qui les stimulent. La troisième spécificité de l’immunité acquise est la mémoire immunitaire, grâce à laquelle la réponse adaptative qui met des jours à se développer lors d’une première rencontre avec un pathogène, sera presque immédiatement effective en cas d’infection ultérieure par le même micro-organisme. Cette propriété est la base persistante de l’immunité et de l’efficacité de la vaccination. Les molécules du CMH qui présentent les antigènes peuvent être de deux classes : CMH I ou CMH II. Les peptides qui se lient aux molécules CMH des deux classes sont générés par des systèmes enzymatiques distincts et opérants dans des compartiments cellulaires différents. Les cavités de liaison des peptides des deux classes de molécules ont des propriétés distinctes, spécifiquement adaptées à la capture de peptides d’origines   variées et dans des environnements très différents. En effet, les peptides qui se lient aux molécules CMH de classe I sont produits par des protéases du cytosol et du réticulum endoplasmique (RE) qui génèrent des produits de dégradation de taille uniforme. En revanche, les peptides qui lient les molécules CMH de classe II sont les produits d’une série de protéases du compartiment endo-lysosomal, dans lequel les produits ultimes de la dégradation des protéines sont les acides aminés qui les constituent, et la cavité ouverte des molécules CMH de classe II est adaptée à la capture de produits intermédiaires de cette dégradation. De plus, ces différences se reflètent sur la façon dont les peptides sont attachés dans les cavités. Les cellules de l’immunité adaptative regroupent les lymphocytes T αβ (LT CD4 et CD8) et les lymphocytes B. Elles répondent plus spécifiquement à un antigène donné par rapport aux cellules de l’immunité innée car elles sont entièrement dirigées contre une cible particulière. Dans ce chapitre, nous ne détaillerons que les lymphocytes T αβ.

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Principaux mécanismes d’activation des lymphocytes T αβ 

L’activation des lymphocytes T αβ naïfs (CD4+ ou CD8+ ) requiert la presence de trois signaux complémentaires  : Le signal 1 correspond à la reconnaissance de l’antigène tumoral présenté par la DC via les molécules de CMH dont la classe diffère suivant s’il s’agit d’un LT CD4 ou LT CD8   . Les lymphocytes T CD4 et CD8 naïfs circulent dans le sang et la lymphe jusqu’à ce qu’ils rencontrent un antigène, accompagné de molécules co-stimulatrices B7, qu’ils reconnaissent à la surface d’une DC dans un tissu lymphoïde secondaire. Lors de cette étape, un des évènements clé est la phosphorylation d’immunoreceptor tyrosine‐based activation motifs (ITAMs) au niveau de quatre composés du complexe TCR/CD3 : CD3γ, CD3δ, CD3ε et TCR-ζ. Cette phosphorylation est effectuée par différentes tyrosines kinases de la famille Src (notamment Lck) et entraine par la suite le recrutement puis la phosphorylation de ZAP70. L’activation de ZAP70 aboutit entre autre à la phosphorylation des molécules LAT. Tous ces évènements vont activer différentes voies de signalisation comme la cascade Ras/ERK MAPK, la voie Ca/Calcineurin/NF-AT ou encore la voie PKC/NF-κB. Le signal 2 correspond au stimulus secondaire de co-stimulation. Ce signal 2 est nécessaire pour l’activation des cellules T puisqu’en présence du signal 1 mais en l’absence   du signal 2 ces dernières deviennent anergiques. Le récepteur de co-stimulation le plus important est CD28, constitutivement exprimé à la surface de 95% des LT CD4+ et 50% des CD8+ naïfs humains. Le récepteur CD28, reconnaissant les ligands CD80 et CD86, fournit en effet un signal de co-stimulation essentiel à la croissance et à la survie des cellules T. Il existe également d’autres récepteurs de co-stimulation, comme par exemple le récepteur inducible T cell costimulator (ICOS), dont l’expression est induite après activation des LT et va moduler la co-stimulation des cellules T. Ainsi, ces récepteurs de co-stimulation ont un rôle pivot dans la biologie des cellules T puisqu’ils déterminent le devenir du signaling du TCR. Ces deux signaux simultanés (signal 1 et signal 2) participent à la formation d’une synapse immunologique (SI). Brièvement, une SI est composée de trois complexes d’activation : central, périphérique et distal (appelés respectivement cSMAC, pSMAC et dSMAC), contenant des molécules spécifiques qui sont cruciales pour la formation et la fonction de la SI. Au niveau de la cSMAC, on retrouve notamment le TCR, le CD3, LAT ou encore CD28. Enfin, le signal 3 correspond à l’expression de différentes cytokines exprimées par les LT CD4+ (notamment l’IL-1) et les LT CD8+ (comme l’IL-12, l’IFN-α/β), qui vont permettre l’expansion et les fonctions effectrices de ces lymphocytes  . Ces différents signaux stimulent la prolifération et l’acquisition de fonctions effectrices par les cellules naïves. Les cellules T CD8 migrent dans les tissus pour y exercer leur action cytotoxique ; les cellules T CD4 peuvent migrer dans les follicules lymphatiques pour activer les cellules B ou se disperser dans les tissus périphériques pour coordonner ensuite l’action d’autres cellules. Ainsi, tous ces évènements aboutissent à l’activation des lymphocytes, leur permettant d’exercer leurs fonctions effectrices, notamment anti-tumorales. 

Table des matières

REMERCIEMENTS
RÉSUMÉ
ABSTRACT
LISTE DES ABRÉVIATIONS
INTRODUCTION
PARTIE I. Principaux effecteurs de l’immunité anti-tumorale et mécanismes de la réponse immunitaire
I.I. Principaux effecteurs de l’immunité anti-tumorale innée
I.I.A. Les cellules dendritiques
I.I.B. Les cellules NK
I.I.B.1. Les récepteurs de cellules NK
I.I.B.2. Les fonctions cytolytiques et anti-tumorales des cellules NK
I.II. Principaux effecteurs de l’immunité anti-tumorale adaptative
I.II.A. Principaux mécanismes d’activation des lymphocytes T αβ
I.II.B. Les lymphocytes T CD4
I.II.C. Les lymphocytes T CD8
PARTIE II. Les lymphocytes T Vγ9Vδ2
II.I. Développement et répertoire des LT Vγ9Vδ2
II.I.A. Développement
II.I.B Répertoire
II.II. Fonctionnalités des LT Vγ9Vδ2
II.II.A. Pléiotropie fonctionnelle et plasticité cellulaire
II.II.B. Implication des LT γδ dans l’immunité tumorale2
II.III. Sous-populations de LT Vγ9Vδ2
II.IV. Réactivité des LT Vγ9Vδ2
II.IV.A. Antigènes reconnus par les LT Vγ9Vδ2
II.IV.A.1. Phosphoantigènes
II.IV.A.2. Les alkylamines et aminobiphosphonates
II.IV.B. Reconnaissance des phosphoantigènes par le TCR Vγ9Vδ2
II.IV.C. Partenaires impliqués au cours de la reconnaissance des PAgs par les LT Vγ9Vδ2
II.IV.C.1. Les butyrophilines
II.IV.C.2. F1-ATP synthase, Apo A1 et ABCA1
II.IV.C.3. RhoB
II.IV.C.4. La Périplakine
II.IV.D. Récepteurs complémentaires à la réactivité des LT Vγ9Vδ2
II.IV.D.1. Les NKRs
II.IV.D.2. Les Toll-like receptors
II.IV.D.3. Les récepteurs aux cytokines
II.IV.D.4. Les molécules d’adhésion
II.V. Applications cliniques des LT Vγ9Vδ2
II.V.A. Immunothérapie anti-cancéreuse conventionnelle
II.V.B. Nouvelles stratégies d’immunothérapies à base de LT γδ
DÉMARCHE SCIENTIFIQUE ET OBJECTIFS DES TRAVAUX DE RECHERCHE
RÉSULTATS
Résultats

Partie I L’activation des LT Vγ9Vδ2 par les phosphoantigènes peut être altérée par un
réacheminement de RhoB dans les cancers du poumon
I.I. Contexte et objectifs du projet
I.II. Introduction sur la protéine RhoB
I.II.A. Structure de RhoB
I.II.B. Régulation de RhoB
I.II.C. Techniques d’étude de RhoB dans les cellules
I.II.D. Fonctionnalités de RhoB dans les cancers
I.II.E. Fonctionnalités de RhoB dans l’immunité
I.III. Publication scientifique
I.IV. Résultats complémentaires
I.V. Conclusion .
Résultats – Partie II
L’auto-activation des LT Vγ9Vδ2 par les phosphoantigènes solubles indépendante des cellules cibles ne requiert pas de contact cellulaire et dépend des butyrophilines et du TCR
II.I. Contexte et objectifs du projet
II.II. Résultats
II.III. Conclusion
DISCUSSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE

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