Cours acteurs du concile réception et périodisation dans le cas de Cuba, tutoriel & guide de travaux pratiques en pdf.
Réception et périodisation dans le cas de Cuba
Finalement, avant de poursuivre avec l’analyse de la réception du concile Vatican II à Cuba, nous voulons préciser les concepts que nous avons utilisés dans notre recherche. Que comprenons-nous par réception? Quelle périodisation assumons-nous pour développer notre recherche? Et, dans notre thèse, qui sont les acteurs de la réception de Vatican II dans le contexte cubain ?
Si les concepts de réception énoncés ci-haut et développés par certains auteurs latino-américain apportent des éléments significatifs, nous assumons le concept exposé par le professeur Gilles Routhier dans l’ouvrage « La réception d’un concile 462». Selon lui, la réception est « un processus spirituel par lequel les décisions proposées par un concile sont accueillies et assimilées dans la vie d’une Église locale et deviennent pour celle-ci une vivante expression de la foi apostolique 463». Or, la réception d’un concile est un processus qui s’étend dans la durée, par conséquent il n’est pas homogène, dans son intérieur il y a certaines étapes. Ici, une première question sera, quel critère devons-nous suivre pour déterminer les frontières de chaque période de la réception? Pouvons-nous assumer une périodisation acceptable pour tous les contextes comme celui développé par le professeur Silva?
La périodisation de la réception est un processus complexe qui doit tenir compte non seulement des documents conciliaires et des actions de la hiérarchie de l’Église universelle, mais des caractéristiques propres du terrain dans lequel la réception aura lieu. L’analyse globale464 – économique, politique, sociale, culturelle, etc.— ne doit pas être négligée au moment d’établir une périodisation de la réception dans les différents contextes. Guidé par cette analyse, Gilles Routhier observe deux étapes dans la périodisation de la réception du concile, elles sont, l’étape kérygmatique et l’étape de la réception pratique, les deux étapes répondent à une analyse qualitative. L’étape kérygmatique se rapporte aux efforts des pasteurs « pour promouvoir efficacement les décisions conciliaires »465, tandis que l’étape de réception pratique, « correspondrait à l’assimilation des enseignements conciliaires dans la vie et le corps ecclésial 466». Comme tout processus qui a lieu dans le domaine de l’histoire entre les deux étapes on ne peut pas définir une frontière délimitant de manière précise où se termine une étape et où commence l’autre. La frontière demeure ambiguë, la réception pratique s’initie dans l’étape de la réception kérygmatique. Les enseignements conciliaires sont assimilés et intégrés à la vie des Églises à mesure que les textes et les décisions conciliaires son comprises et acceptées. En disant ceci, il est claire pour nous que les étapes de la réception du concile se déplacent dans le temps d’un contexte à un autre. Il n’existe pas une périodisation universelle, valable pour tous les contextes, les particularités de chaque contexte déterminent la durée et l’intensité de chaque étape. Pour cette raison, dans notre recherche, nous mettons de côté les théories visant à enfermer les étapes de la réception de Vatican II dans des limites chronologiques universelles, pour privilégier l’analyse quantitative des étapes de la réception du concile.
Au sujet des étapes de la réception du concile, nous nous sommes aussi appuyé sur le critère apporté par Fernando Berríos dans l’œuvre « Teología de los signos de los tiempos latinoamericanos 467». Ici, l’auteur introduit les termes « première réception » et « pleine réception » dans la réflexion de la réception de Vatican II dans le sous-continent. La première réception comprend la période qui s’étend entre 1959 – qui coïncide avec la première convocation au concile – et 1968 – lorsque le CELAM célèbre sa deuxième conférence générale — . Selon l’auteur, la Conférence de Medellin fut pour l’Amérique Latine ce que le concile fut pour l’Église universelle, d’où l’importance d’assumer Medellin comme une frontière divisant deux périodes. La première étape se caractérise par les efforts quelque peu dispersés de la part des conférences épiscopales nationales pour mettre en œuvre les enseignements du concile. Au cours de cette première période, la région ne reste inerte et le concile produit déjà des fruits, mais les fruits de la réception restent plutôt à l’intérieur des conférences nationales. Par rapport à la deuxième phase, la pleine réception qui démarre avec Medellin, l’auteur dira :
On pourrait affirmer que Medellin mène une vrai inculturation latino-américaine de l’Esprit du concile Vatican II, en raison de sa capacité démontrée de capter les intuitions les plus profondes du concile et de parvenir à son incarnation créative en réponse aux questions complexes du continent. Il convient de souligner, que cette réception se développe à travers l’exercice de la collégialité épiscopale, c’est-à-dire comme un effort partagé par les Églises particulières de l’Amérique latine, représentées par leurs pasteurs, afin de définir en communion et non individuellement, l’orientation fondamentale pour l’action pastorale dans le continent468.
Cette périodisation, qui repose sur les changements qualitatifs provoqués par la réception du concile en Amérique Latine et sur les réponses des conférences épiscopales nationales, contient des éléments pouvant aider à la compréhension de la réception de Vatican II à Cuba. Néanmoins, comme nous le verrons plus tard, il y a des moments où ces approches n’expliquent pas la complexité du cas cubain.
Une dernière remarque concerne les acteurs de la réception de Vatican II. Ici, nous partageons le point de vue de Victor Codina, qui souligne que les membres de l’Église « ne sont pas une masse inerte »469, ils sont aussi responsables de leur propre transformation. Hiérarchie, clergé et membres des églises, tous deviennent acteurs de la réception du concile. Néanmoins, il faudra souligner que le niveau de participation des acteurs de la réception peut varier en fonction de l’étape vécue. Au cours de l’étape kérygmatique, la hiérarchie catholique sera un acteur de première ligne : ils reçoivent les documents et les décisions conciliaires et les promeuvent parmi les membres des églises. Ici, il ne s’agit pas seulement de promouvoir les documents, de les faire connaître tels qu’ils ont été écrits. Dans certains cas, en raison du faible niveau culturel des membres des églises, ils doivent les « traduire » dans un langage simple et compréhensible à la majorité. Le changement apparaît lorsque les membres des Églises ont compris les documents et surtout lorsqu’ils ont reconnu que les enseignements y contenus apportent quelque chose de positif à la vie de l’Église. Ceci dit, nous sommes en mesure d’exposer les particularités de la réception du Vatican II à Cuba.
Première réception et premières transformations
Le 20 février 1959, sous recommandation du pape Jean XXIII, le nonce apostolique Luigi Centoz, demanda à la conférence des évêques catholiques de Cuba la liste contenant les noms des évêques à participer au Concile Vatican II470. La liste initiale comprenait quatre évêques : Monseigneur Enrique Pérez Serantes, archevêque de Santiago de Cuba ; Monseigneur Manuel Rodríguez Rozas, évêque de Pinar del Río ; Monseigneur José M. Rodríguez Domínguez, évêque de Matanzas et Monseigneur Carlos Riú Anglés, évêque de Camagüey. Des quatre participants seuls deux évêques, celui de Matanzas, Monseigneur José M. Rodríguez Domínguez et celui de Pinar del Rio, Monseigneur Manuel Rodríguez Rozas, purent assister aux quatre sessions471. Pour sa part, Monseigneur Pérez Serantes ne put pas y participer. Concernant l’évêque du diocèse de Camagüey, Riú Anglés, le père Carlos Manuel de Céspedes Garcia Menocal, vicaire général de l’archidiocèse de La Havane, dans une entrevue publiée dans la revue numérique Cuba posible, raconte un épisode vraiment lamentable. À l’époque, Carlos M. de Céspedes était un jeune séminariste séjournant à Rome. Il connut personnellement les évêques cubains participant dans le concile. Sur monseigneur Riú, un homme très cubain selon lui, il dira :
Riú Anglés, s’en était allé en 1962 (de Cuba). Il assista à la première session du Concile Vatican II, mais il ne rentra jamais. Il fit bien de ne pas retourner, par ailleurs, il en avait été persuadé à Rome. Il était malade des nerfs à cause des questions concernant la révolution. Quand je le vis à Rome, où j’habitais encore, il était détruit psychologiquement 472.
Participer dans les séances du concile, ainsi que dans d’autres activités ou célébrations hors du pays signifia pour les catholiques cubains en plus d’un grand défi, la possibilité de ne jamais retourner au pays. En 1961, le Conseil de ministres, par la loi 989/1961473, mit en place un instrument juridique pour contrôler le mouvement migratoire des Cubains. En vertu de cette loi, le gouvernement créa le permis d’entrée et de sortie (en vigueur jusqu’à 2012), aussi connu sous la dénomination de carte blanche. Mais en quoi consistait cet instrument ? Tout citoyen cubain ou étranger résidant au pays, que ce soit pour sortir du pays ou pour y rentrer, avait besoin d’un permis décerné par les autorités cubaines d’immigration, en plus, bien sûr, un visa émis par le pays d’accueil. Ce permis devint un instrument de contrôle très efficace entre les mains du gouvernement474. Par ce permis, le gouvernement pouvait empêcher la sortie de toute personne portant des informations importantes pouvant endommager l’image que le parti-État exportait de lui-même. Dans d’autre cas, le gouvernement, en permettant la sortie et refusant le retour, pouvait se débarrasser des personnes constituant un danger pour les plans totalitaires du gouvernement. Le fait de sortir légalement du pays n’assurait absolument pas le retour et, devant cette réalité, certains prêtres choisirent de ne pas quitter la nation475. La décision de demeurer au pays à tout prix garantit la continuité de la pastorale de conservation476, la seule œuvre possible dans des telles conditions. Néanmoins, cette décision accentua aussi l’isolement du catholicisme cubain en empêchant l’introduction tant des documents et enseignements du concile Vatican II que des débats les plus actuels s’y déroulant.
La diffusion des nouvelles sur le Concile Vatican II, ainsi que l’introduction et la reproduction des documents conciliaires constituent l’un des grands enjeux de l’Église du silence. Les premiers documents et informations arrivent au pays en 1963, leurs porteurs sont deux des évêques participant aux séances du concile. C’est là, en 1963, où on peut situer le début de la première phase de la réception de Vatican II à Cuba477, phase dans laquelle Cuba entra de pair avec l’Amérique Latine. Même si, il faut le souligner, les transformations les plus significatives auront lieu entre les années 1965 et 1970.
Au retour des sessions, les deux évêques participant au Concile offrirent des conférences et conversations tant dans leurs diocèses et paroisses que dans les couvents afin de faire connaître le concile et les traits fondamentaux de la rénovation encouragée par le Concile478. Et quant aux documents, ceux-ci, une fois analysés par la conférence des évêques, étaient distribués dans les diocèses. La reproduction des documents se faisait dans les églises où existaient les moyens, las « hermanas cooperadores »479, qui étaient en charge des travaux. Le travail de dactylographier et distribuer les documents était fait dans des conditions presque clandestines. Une fois encore, la pression du gouvernement fut un obstacle à la systématisation de la reproduction des documents, conférences et traités portant sur le Concile. Entre 1961, l’Année de l’éducation, et 1965, l’Année de l’agriculture, le gouvernement créa le mécanisme pour mener le changement idéologique. Le gouvernement s’assura le monopole des publications et de la chaîne de distribution des publications, prend en main toutes les maisons d’édition, les librairies, bibliothèques, etc. Dans le domaine de l’éducation, il s’assure de la formation professionnelle et idéologique des futurs enseignants480, des contenus à enseigner et du matériel à utiliser dans les cours. Ce faisant, le gouvernement garantit que le marxisme devienne la lecture obligée des citoyens. Ainsi, la création, reproduction ou distribution de littérature dont le contenu n’était pas analysé ou n’était pas en accord avec le marxisme-léninisme était considéré comme propagande ennemie. La diffusion de toute autre source ou matériel d’enseignement non contrôlé par le gouvernement était considérée comme de la propagande ennemie, et les responsables étaient condamnés comme des traîtres. Lorsqu’en 1976 la Parti-État introduit dans la structure juridique du pays la Constitution socialiste, cette idée y demeurera481. Vers les années 1965-1966, le travail des « hermanas cooperadoras »482 cessa à cause des pressions du gouvernement et de la crainte.
Acteurs des premières transformations
Les premiers changements se tiennent au niveau de la ritualité liturgique (Sacrosanctum concilium), le rôle des laïcs dans l’évangélisation (Décret sur l’apostolat des laïcs Apostolicam actuositatem) et, dans une moindre mesure, dans la réforme de la discipline dans les Séminaires (Décret sur la formation des prêtres Optatam totius). À cette époque eurent lieu d’autres changements sur le plan organisationnel.
En 1962, le gouvernement autorise la rentrée au pays des jeunes séminaristes formés à Rome, dont le père Carlos Manuel de Céspedes García y Menocal. En 1965 plusieurs prêtres expulsés en 1961 reviennent, dont le père Francisco Oves483. Ces deux prêtres, le père Carlos Manuel de Céspedes et Francisco Oves, deviendront des figures clés du catholicisme cubain à l’ère communiste. Le père Oves serait nommé par Paul VI évêque auxiliaire de La Havane. Pour sa part, le père Carlos Manuel de Céspedes Garcia y Menocal figure parmi les plus notables intellectuels du catholicisme cubain, et de la nation, du XXe et XXIe siècle. Ses travaux lui valurent d’être nommé membre de l’Académie royale de la langue espagnole. Par rapport à sa position dans le catholicisme cubain, Monseigneur Carlos M. de Céspedes occupa plusieurs postes d’importance dans l’univers catholique cubain : Vice-recteur du Séminaire El Buen Pastor, recteur du Séminaire San Carlos y San Ambrosio, Secrétaire général de la conférence d’évêques catholiques de Cuba, chancelier de l’archevêché de La Havane et Vicaire du diocèse de La Havane, entre autres. Selon ses propres mots, ses deux passions ont toujours été Cuba et l’Église cubaine.
Au cours de la même année de 1965, le gouvernement autorise la rentrée de certains prêtres et religieux et religieuses étrangers, notamment des Espagnols, Canadiens et Belges. Les Espagnols seront disséminés parmi les six diocèses, les Belges seront concentrés dans le diocèse de Camagüey et les Canadiens retourneront à la ville d’où ils avaient été expulsés, Matanzas. Malgré cette petite ouverture, les relations avec l’État demeuraient tendues. Ainsi, en 1967 le gouvernement annulait le permis de séjour octroyé deux années auparavant aux trois prêtres belges sous l’accusation de faire du prosélytisme parmi la jeunesse de la ville de Camagüey484. Tous ces prêtres furent les premiers vecteurs de l’introduction des enseignements et des documents du Concile.
La réforme conciliaire toucha, elle aussi, la dynamique du Séminaire San Carlos et San Ambrosio. Lorsqu’en 1966 le Séminaire diocésain Le Bon Pasteur fut confisqué, les étudiants et professeurs durent retourner à l’ancien Séminaire de San Carlos et San Ambrosio. L’édifice qui, dorénavant, accueillera les prêtres en formation, avait cessé de fonctionner comme séminaire en 1943, pour devenir palais cardinalice. À cette date, toute l’activité formative, pédagogique et spirituelle avait été transférée au Le Buen Pastor. À ce moment, sous la direction du prêtre Carlos Manuel de Céspedes certaines réformes furent introduites. La discipline devint plus souple. Désormais les séminaristes pouvaient utiliser leurs heures libres pour sortir hors du bâtiment du séminaire, en augmentant les possibilités d’interaction entre les séminaristes et le monde culturel, social, intellectuel entourant le séminaire à cause de sa position géographique privilégiée, en laissant derrière eux des années d’affermissement presque monastique. Par rapport à l’entrée au séminaire, l’âge d’entrée fut fixé à 15 ans à la condition d’avoir réussi le niveau d’études secondaires suivant la norme en vigueur dans le système d’enseignement professionnel de la nation. Néanmoins, la perte du séminaire moderne El Buen Pastor, la peur dont la population était devenue la proie, notamment les jeunes, et les obstacles empêchant l’arrivée au pays d’un clergé formé et éclairé par les enseignements du concile Vatican II, limitèrent la portée de la réforme conciliaire au niveau de la formation de prêtres.
Au cours du mois de mai 1967, l’une des transformations les plus significatives de la période se produit, la dissolution de l’Action catholique cubaine. Suite aux premiers affrontements avec la politique officielle, l’épiscopat avait prévu d’intégrer toutes les organisations catholiques du pays dans l’Action catholique. Ainsi, la Jeunesse ouvrière catholique, la Jeunesse étudiante catholique, la jeunesse universitaire catholique, des organisations inexistantes dans la pratique (à cause de la persécution dont les jeunes chrétiens faisaient l’objet à l’époque, de l’interdiction d’étudier aux universités, de la discrimination en matière d’emploi, de la crainte d’être envoyés aux UMAPS, entre autres) furent réunies dans l’ AC485. Les ordres Mariaux, Tertiaires Dominicains, Franciscains, Carmélites, les Chevaliers de Colomb, et d’autres486, furent aussi intégrés à l’Action catholique, néanmoins, la fusion d’autant d’organisations à buts différents provoqua un certain chaos du point du vue organisationnel et de ses fins. Par ailleurs, rappelons que l’Action catholique avait été créée dans le but d’augmenter la présence et la force du catholicisme dans certains domaines de la vie nationale, alors, dans ces conditions nouvelles, ses membres étaient exposés à des problèmes sociaux sérieux. Cette situation mit en péril l’efficacité et l’existence même de l’Action catholique cubaine à un moment où le concile Vatican II proposait d’autres structures organisationnelles afin de relancer le travail des laïcs. En même temps, l’ACU, ayant reconnu les problèmes auxquels elle se heurtait, proposa dans l’assemblée nationale du 2 février 1967 de remettre entre les mains de la Conférence les fonctions pour lesquelles l’organisation avait été créée, et par cet acte l’organisation cessait d’exister. Au mois de juin de 1967, les évêques convoquent une assemblée interdiocésaine à Cienfuegos afin de donner une nouvelle organisation au travail des laïcs. Ainsi nait Apostolado Seglar Organizado à Cuba487 (l’Apostolat de laïcs à Cuba).
En 1967, le Vatican convoqua la célébration du III Congrès international de l’apostolat des laïcs. En janvier, le pape Paul VI avait envoyé une lettre à la conférence des évêques catholiques portant essentiellement sur la formation des prêtres, l’unité de l’Église et les nouvelles formes de l’apostolat de laïcs dans les régimes communistes488. Ce fait nous amène à penser que la participation des laïcs cubains présentait un intérêt particulier pour l’évêque de Rome. C’était la première fois depuis 1959 qu’une délégation cubaine composée de laïcs sortait du pays. La délégation cubaine comprenait six dirigeants de l’Apostolat des laïcs489, et Monseigneur Azcárate, évêque auxiliaire de La Havane, présida la commission. Selon l’un des participants, Raúl Gómez Treto, le Congrès, célébré du 11 au 18 septembre 1968, fut un moment d’interaction avec d’autres réalités similaires à celle de Cuba, durant lequel beaucoup de laïcs comprirent le besoin d’accepter les nouvelles conditions sociopolitiques du pays et d’abandonner la vision conservatrice adoptée jusqu’à ce moment. Si les laïcs voulaient se faire entendre au milieu de la société, ils devraient changer de stratégie490. Pour Pablo M. Alfonso, secrétaire de la délégation cubaine, la rencontre avec d’autres participants fut un peu contradictoire : d’un côté il put percevoir des inquiétudes similaires à celles des laïcs cubains, soit la relation entre les laïcs et la hiérarchie catholique, l’introduction des changements dans le domaine de la liturgie, les nouvelles structures adoptées par l’Action catholique et d’autres organisations catholiques internationales, etc. Mais, en même temps, il put constater la perception erronée et déformée des laïcs latino-américains par rapport à la révolution cubaine491. Pour lui, l’écart existant entre les expériences de vie entre les catholiques latino-américains et les catholiques cubains était très évident. Ces écarts reflétant des contextes différents devaient inévitablement conduire à des réflexions théologiques différentes et à l’élaboration de théologies différentes.