MULTIPLICITÉ DES TYPES D’ACCORDS
Le droit international de l’investissement est en perpétuelle évolution. De sources historiques des principes coutumiers de protection des étrangers, il s’est ensuite rapidement développé au travers des nombreux accords internationaux à partir de la fin des années 1980. Un grand nombre de traités d’investissement a été conclu par la majorité des Etats afin de favoriser les flux d’investissements globaux. L’investisseur d’un Etat partie à un traité est protégé de la manière prévue par ce traité lorsqu’il réalise des investissements dans un autre Etat également partie à ce traité. Ces protections sont nécessaires au développement et au bon fonctionnement du droit international d’investissement. Le droit des investissements internationaux regroupe une multitude de types d’accords. Souvent repris sous la dénomination d’ « accords d’investissement internationaux » (AIIs), les traités d’investissement constituent le socle actuel du droit des investissements. Ils consistent principalement en trois types d’accords : les traités bilatéraux d’investissement (TBIs), les traités multilatéraux d’investissement et les accords commerciaux. A côté de ces accords, les contrats d’Etat complètent les relations entre les investisseurs étrangers et les Etats dans lesquels ils investissent.
Les traités bilatéraux d’investissement (TBIs)
Les traités bilatéraux sont, comme leur nom l’indique, des traités conclus entre deux Etats en vue de favoriser les investissements étrangers sur leur territoire. Ce sont les traités les plus nombreux parmi les traités d’investissement : ils représentaient, en 2014, près de 90 pour cent des traités d’investissement avec plus de 2900 TBIs. C’est la raison pour laquelle nous nous pencherons plus en détails sur ce type d’accord dans la suite de l’exposé.
Les traités multilatéraux d’investissement
Les traités multilatéraux sont des accords conclus entre plus de deux Etats, mais sont pour le reste fort semblables aux TBIs. Ils ne se sont pourtant pas autant développés que les TBIs, quoiqu’ils auraient eu pour avantage de simplifier le cadre des sources conventionnelles. Cette limitation des accords multilatéraux s’explique en grande partie par l’échec du projet d’accord multilatéral sur l’investissement (AMI) négocié de manière secrète entre 1995 et 1997 par les 29 Etats de l’OCDE qui affecta sensiblement les Etats occidentaux. Ils n’ont d’ailleurs pas réitéré l’expérience sous la même forme, ce qui n’empêche pas pour autant certains traités multilatéraux portant sur la protection de l’investissement de naître, comme par exemple le Mercosur, l’accord de l’ASEAN ou encore l’ALENA.
Les traités bilatéraux ou multilatéraux de nature économique
Les accords commerciaux ont, quant à eux, pour objectif premier de favoriser les échanges de biens entre deux ou plusieurs Etats et de promouvoir de manière plus générale le commerce entre ces Etats. Ils ne sont cependant pas dépourvus d’influence en matière d’investissement. En effet, il est possible que certaines obligations applicables en matière de commerce dans le cadre de ces accords trouvent à s’appliquer à des opérations d’investissement au regard des critères retenus ou que des chapitres spécifiques à l’investissement soient insérés dans l’accord. Dans le premier cas, les champs d’application du droit commercial et du droit de l’investissement finissent alors par se recouper. On mentionnera, à titre d’exemple, les accords de l’OMC tels que le GATS ou encore les accords ADPIC , mais également les nouveaux accords de libre-échange que l’UE négocie depuis sa reprise de compétence en matière d’investissement en 2009. Les deux plus importants en terme de médiatisation sont le CETA (AECG) conclu avec le Canada et le TTIP avec les Etats-Unis.
Les contrats d’Etat
Parallèlement à ces AIIs conclus entre Etats, il convient, pour la compréhension ultérieure du sujet traité, de présenter succinctement « les contrats d’Etat ». Tout comme les traités, ce sont des contrats internationaux qui favorisent le développement économique. On les définit comme des contrats soumis au droit international et signés entre un investisseur étranger (personne privée) et un Etat.
Leur évolution a fortement contribué à la naissance du droit international de l’investissement. Ils n’était en effet pas tout de suite clair auprès des parties à l’accord si les contrats d’Etats se voyaient appliquer le droit national de l’Etat avec lequel l’investisseur avait conclu le contrat ou si, au contraire, c’était le droit international qui devait s’appliquer. On ne parlait d’ailleurs pas encore de contrats d’Etats à ce moment. Avec le temps, les contrats d’Etats ont évolués et ont alors soit prévus directement de se voir appliquer le droit international, soit indirectement. C’est, dans ce deuxième choix, à travers des clauses de stabilisation et d’intangibilité prévues au contrat, qui ont pour effet de « geler » le droit national, que la nature des contrats d’Etat ne pouvait être juridiquement possible que si le droit international s’y appliquait. L’autonomie des volontés au sein des contrats a donc conduit les relations à s’internationaliser indéniablement et créant ainsi les contrats d’Etat.
TRAITÉS BILATÉRAUX D’INVESTISSEMENT (TBIS)
De leur dénomination plus complète « Traités bilatéraux de protection et de promotion des investissements », les TBIs sont les accords d’investissement internationaux les plus nombreux parmi les AIIs avec un total de 2957 TBIs en 2016 d’après le rapport mondial de l’investissement publié par la Conférence des Nations Unies au Commerce et au Développement (CNUCED), organe subsidiaire de l’assemblée générale des Nations Unies qui vise à développer l’économie mondiale en intégrant au mieux les pays en voie de développement. L’objet principal des TBIs est double : d’une part, la protection des investissements, d’autre part, la promotion de l’Etat d’accueil des investissements étrangers. Ils ont par conséquent pour but de fournir aux investisseurs étrangers une série de protections dans l’Etat d’accueil afin que ceux-ci soient plus enclins à aller investir dans cet Etat et ainsi favoriser le développement économique de l’Etat en question.
Bien qu’en constante évolution depuis les années 90, le contenu générale des TBIs reprend des dispositions systématiques. Les traités comprennent en premier lieu une définition de la notion d’investissement, pour ensuite développer une série de protections substantielles dont l’investisseur peut se prémunir. Après cette série de clauses de protection des investissements, une clause compromissoire vient enfin donner l’accès à l’investisseur à un tribunal arbitral au cas où l’Etat ne respecterait pas ses engagements.
Nous nous contenterons de définir les règles du traité qui nous paraissent importantes en vue d’appréhender les différents droits et protections dont les investisseurs et les Etats peuvent se prévaloir dans une procédure arbitrale. Parmi les règles substantielles de protection des investissements, on retrouve des règles visant la non-discrimination des investisseurs étrangers par renvoi au traitement des investisseurs nationaux, à savoir la clause de traitement national et la clause de la nation la plus favorisée. On retrouve également des règles qui constituent des standards minimums de droit international, à savoir la clause de la pleine et entière protection et sécurité, la clause du respect des engagements et la clause du traitement juste et équitable qui se prêtent à de multiples difficultés d’interprétations à cause du flou qui entoure ces termes. La dernière clause qui fera l’objet d’un développement est celle de protection contre l’expropriation. On y distinguera l’expropriation directe et l’expropriation indirecte qui pose nettement plus de problèmes en la matière. Enfin, nous présenterons de manière rapide la clause de résolution des différends puisqu’elle fera l’objet d’un développement plus complet dans la suite de l’exposé .
Clause de traitement national
Le traitement national constitue un élément fondamental parmi les protections des investisseurs. Il consiste pour l’Etat à s’engager à traiter les investisseurs étrangers de manière tout aussi favorable que les investisseurs nationaux se trouvant dans les mêmes conditions. Bien qu’il soit repris dans la plupart des TBIs, la règle de traitement national n’est pas reprise systématiquement dans tous les traités. Les traités ne reprenant pas cette règle prévoient néanmoins le traitement juste et équitable qui pourrait s’apparenter à une obligation générale de non-discrimination impliquant les mêmes effets que ceux du traitement national .
Cette clause n’est pas toujours bien vue par les Etats qui tendent à protéger leur économie nationale. C’est pourquoi certains Etats, en grande partie des Etats en développements qui reconnaissent cette disparité de traitement entre les investisseurs nationaux et les investisseurs étrangers, tentent de limiter les effets de cette clause.
I. INTRODUCTION |