Accompagnement infirmier dans la maladie chronique

Mathieu a six ans, il a de la peine à respirer. Depuis quelques mois, un point sur sa poitrine l’oppresse. Il angoisse quand il pense à sa prochaine « crise », c’est ainsi que maman l’appelle, ce « truc » sur sa poitrine. Marise, est assise en tailleur face au terrain de jeu de son école. Elle regarde ses camarades courir et rire, une petite larme s’échappe. Elle la sèche du revers de sa main et s’en va. Elle ne veut pas être ainsi vue par ses petits copains. Elle a 9 ans. Thomas, 14 ans, a rencard avec la belle Marlène. Il flippe. Il la trouve tellement belle, il se trouve tellement diffèrent. Il voudrait lui dire qu’il l’aime et se promener tranquillement dans le parc. Il déteste son corps, ce traître pas cool. Asthme, mucoviscidose, drépanocytose, voilà, entre autres maladies chroniques, des termes bien barbares pour eux. Mathieu ne sait pas encore écrire correctement le nom de sa maladie, c’est juste un truc bizarre. Marise ne comprend pas les grands qui lui parlent de ce bidule qui fatigue. Un jour elle a même eu très peur quand on lui a dit qu’on allait, peut-être, lui donner le poumon de quelqu’un d’autre. Pourtant ils avaient bien insisté sur le mot « peut-être », pour la rassurer. Thomas déteste sa maladie, tout simplement.

Ils sont des millions dans le monde, comme des étoiles clairsemées dans un ciel obscur, à se poser des questions, à se sentir isolés, à se demander pourquoi. Le cheminement d’un enfant vers l’adolescence est un moment essentiel. L’identité se façonne, pas après pas. Lorsque l’enfant comprend qu’il est un être individuel, il prend conscience de lui-même et par conséquent de l’autre. Cette dualité le réconforte, mais amène aussi son lot de questionnements. Il se compare à l’autre.

L’enfant malade doit trouver son identité en associant l’objectif au subjectif de son être. D’un point de vue objectif, tout semble lui faire comprendre qu’il est diffèrent. Que son corps n’a pas eu droit aux meilleures pièces de fabrication. Le subjectif lui donne un peu d’espoir, même si son corps est défaillant, il peut prétendre tout de même à atteindre le sommet de son évolution personnelle. Pour chacun d’eux, la nuit les questionne. Parfois ils pleurent, parfois ils voudraient cesser de se poser tant de questions. Le sommeil arrive, comme un libérateur. Plus de douleurs, ni de questions envahissantes. Seulement des rêves. Leur imagination leur permet de devenir des héros, plus rien ne les arrête ou ne semble impossible. Malheureusement le réveil s’impose. Retour à la réalité. Ce travail est né du questionnement suivant : Comment font-ils, ces petits héros du quotidien, pour pouvoir donner du sens à l’expérience qu’ils traversent ? Comment les accompagner dans leur cheminement, vers une compréhension plus profonde d’eux-mêmes ?

La spiritualité touche à l’intime, au personnel. Chacun de nous a choisi d’exposer sa vision reliée à cette dimension, à son parcours et à ses questionnements. Les voici, en guise de préambule à la problématique.

Clémence « Il y a 4 ans, traversant une période difficile et pour faire face au stress, je commence à m’intéresser à la pleine conscience, la méditation, la sophrologie ou encore l’hypnose. Cela m’a ouvert les portes de mon “intérieur”, permis un voyage introspectif dans lequel je n’ai cessé d’aller et venir. Puis, j’ai débuté mon Bachelor infirmier et j’ai tout de suite été confrontée à des situations difficiles (la maladie, la mort, la finitude) me rappelant la vulnérabilité et l’impuissance de l’Homme, plus particulièrement du soignant, face à la maladie. Pour prendre du recul, me préserver, je m’aperçois que ces approches méditatives sont une ressource précieuse pour moi. C’est suite à un voyage de plusieurs mois, de nombreuses lectures sur le Bouddhisme et sur la perception de la mort, que j’intègre le mot “spiritualité”. J’ai découvert avoir besoin de spiritualité pour apaiser mes questionnements, rester dans l’instant présent. La créativité, l’inspiration par la nature, l’imaginaire et la pleine conscience font partie intégrante de “ma”spiritualité. J’ai beaucoup travaillé avec les enfants. C’est une population qui a toujours suscité ma curiosité. Leur capacité à créer leur propre monde, leur imaginaire sans limite et leur curiosité me fascinent et me transportent. Je me suis alors demandée comment eux, sans le savoir, parviennent-ils à faire face à la maladie? Comment moi, en tant que soignante, puis je percevoir puis répondre à leurs besoins spirituels? Existe-il des outils ou cela dépend-il de la sensibilité et l’habileté du soignant?” » .

César « Je me suis souvent posé des questions en lien avec la vie, la mort, le pourquoi des choses. Des rencontres, des lectures, qui souvent sont arrivés à des moments charnière de ma vie, difficiles parfois, m’ont permis de visualiser un cheminement intérieur, propre à moi-même, qui me permettait de devenir plus conscient de mon être intérieur. J’ai alors remarqué que l’évolution de ma personnalité, apportait des changements dans la perception du monde qui m’entourait. C’est alors que ce questionnement avait émergé : à partir de quel moment sommes-nous capables de comprendre le monde, dans son aspect le plus personnel et intime ? Comment sont comprises et comment se manifestent chez les enfants les notions de la construction de l’identité, des valeurs, des aspirations, de la spiritualité ? Pourquoi avons-nous cette faculté à nous questionner sur le monde qui nous entoure, et aussi de nous questionner et de rechercher notre propre essence ? Ces questions de type philosophicospirituelles, sont des questions qui font irruption dans la pratique du soignant, constamment. Je les ai souvent rencontrées, et j’ai souvent constaté que la spiritualité est un sujet sensible. » .

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Giulia « Il y a quelques temps en arrière, j’ignorais complètement le concept, si nous pouvons le définir ainsi, de “spiritualité”. Provenant d’un pays catholique et d’une famille religieuse pratiquante, j’ai toujours associé la spiritualité à la religiosité. Une rencontre me fut indispensable pour ouvrir mon esprit à une nouvelle conception du terme. Cette rencontre m’a initiée au questionnement sur le sens de la vie, de la mort, de la maladie. Ceci s’emmêlant aux expériences de maladie et mort vécues durant les stages. Aujourd’hui, je commence à me rendre compte de l’importance de se questionner perpétuellement sur qui sommes-nous, nos croyances et valeurs. Confronter mes valeurs et croyances antérieures avec celles issues d’une longue réflexion, qui n’est pas et ne sera jamais terminée, n’est pas simple. Ceci demande beaucoup d’énergie et de volonté mais je me rends compte jusqu’à quel point cela m’enrichit. Forte de ma réflexion, j’ai vécu mes derniers stages différemment et parfois avec un sentiment de frustration. En effet, je me suis rendue compte que la dimension spirituelle est très peu nommée dans les soins. Pourtant, à plusieurs reprises la notion de personne comme être “biopsycho-social et spirituel” est présente dans les services de soins. Je me suis donc posée les questions suivantes: “Y a-t-il vraiment un sens de l’explorer? Ou bien, est-elle une sphère trop intime pour qu’elle soit “explorable”? De quelle manière une personne manifeste un besoin spirituel ? Et comment puis-je déceler ce besoin et y répondre?”. »

Les expériences personnelles et vécues durant les stages, ont nourri allégrement discussions et débats autour de cette thématique. Finalement, le constat suivant s’est imposé : nous avions des approches à la spiritualité totalement différentes. Loin de s’avérer un point négatif, cela a permis de comprendre que ce qui nous unissait était la prise de conscience d’une dimension plus élevée, nous permettant d’évoluer vers un degré de conscience plus subtil et intime.

Constatant durant nos stages que la dimension spirituelle était difficile à explorer chez les enfants et les adolescents, nous avons décidé de partir à la rencontre d’infirmiers et aumôniers afin d’aiguiser notre vision sur ce sujet. Les modules à option de troisième année «Soins palliatifs » et « EnfantFamille », ont eux aussi rajouté quelques éléments supplémentaires à notre édifice en construction.

Table des matières

1 Introduction
2 Problématique et question de recherche
2.1 Origine de notre questionnement
2.2 Intérêt de la question pour le contexte socio-sanitaire
2.3 Intérêt de la question pour la discipline infirmière
2.4 Question de recherche
2.5 Concepts centraux
2.5.1 Développement de l’enfant
2.5.2 Spiritualité
2.5.3 Le Human Caring de Jean Watson
3 Méthode
3.1 Base de données
3.1.1 Recherche par mots-clés
3.1.2 Recherche dans les bases de données
3.1.3 Cross-referencing
3.2 Périodiques et ouvrages consultés
3.3 Autres sources
3.4 Résultats des recherches
4 Processus de sélection
4.1 Première étape : critères d’inclusion et d’exclusion
4.2 Deuxième étape : grille de lecture critique
4.3 Troisième étape: articles retenus
5 Analyse des articles
5.1 Benore, E., Pargament, K-I., & Pendleton, S. (2008). An Initial Examination of Religious Coping in Children With Asthma. The International Journal for the Psychology of Religion, 18(4), 267-90.
5.2 Breland-Noble, A-M., Wong, M-J., Childers, T., Hankerson, S., & Sotomayor, J. (2015). Spirituality and Religious coping in African-American youth with depressive illness. Mental Health, Religion & Culture, 18(5), 330-41.
5.3 Bull, A., & Gillies, M. (2007). Spiritual needs of children with complex healthcare needs in hospital. Paediatric Nursing, 19(9), 34-38.
5.4 Cotton, S., Grossoehme, D., & McGrady, M. (2012). Religious Coping and the Use of Prayer in Children With Sickle Cell Disease. Pediatrics Blood Cancer, 58(2), 244-49
5.5 Cotton, S., Grossoehme, D., Rosenthal, S-L., McGrady, M-E., Roberts, Y-H., Hines J., & Tsevat, J. (2009). Religious/Spiritual Coping in Adolescents with Sickle Cells Disease: A Pilot Study. Journal Pediatrics Hematology Oncology, 31(5), 313-18.
5.6 Cotton, S., Kudel, I., Humenay, Roberts, Y., Pallerla, H., Tsevat, J., Succop, P., & Yi, M. (2009). Spiritual Well-Being and Mental Health Outcomes in Adolescents With or Without Inflammatory Bowel Disease. Journal of Adolescent Health, 44(5), 485-492.
5.7 Cotton, S., Larkin, E., Hoopes, A., Cromer, B-A., & Rosenthal, S-L. (2005). The impact of adolescent spirituality on depressive symptoms and health risk behaviors. Journal of Adolescent Health, 36, 529 e7- 529 e14.
5.8 Kamper, R., Cleve, L-V., & Sevedra, M. (2010). Children With Advanced Cancer: Responses to a Spiritual Quality of Life Interview. Journal for Specialists in Pediatric Nursing, 15(4), 301-6.
5.9 Pendleton, S-M., Cavalli, K-S., Kenneth, I., Nasr, P., & Nasr, S-Z. (2002). Religious/Spiritual Coping in Childhood Cystic Fribrosis: A Qualitative Study. Official Journal of the American Academy of Pediatrics, 109, 1-11.
5.10 Reynolds, N., Mrug, S., Hensler, M., Guion, K., & Madan-Swain, A. (2014). Spiritual Coping and Adjustment in Adolescents With Chronic Illness: A 2-Year Prospective Study. Journal of Pediatric Psychology, 1-10.
6 Comparaison des résultats
7 Discussion et perspectives
7.1 Analyse des résultats
7.1.1 Rapport avec Dieu
7.1.2 Religion / Spiritualité comme stratégie de coping
7.1.3 Bien-être global
7.2 Liens avec avec le Human Caring de Jean Watson
7.3 Implications et propositions pour la pratique
7.4 Perspectives de recherche
7.5 Limites de la revue de littérature
8 Conclusion

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