Accidents & maladies professionnelles

Cadres, professions intellectuelles supérieures & professions intermédiaires

Les professions intermédiaires

Des « classes moyennes » ? L’appellation « professions intermédiaires » est un regroupement de professions qui forme un grand ensemble – un donné -, résultat d’une construction élaborée selon certains critères et qui ne peut être totalement homogène. Dans une perspective d’analyse plus ciblée sur les notions de stratification et de classes sociales, cette catégorie de travailleurs aurait tendance à être assimilée à ce que l’on appelle les classes moyennes ou les classes moyennes-supérieures ; même si, pour plusieurs raisons, les rapports et les correspondances entre catégories socioprofessionnelles (CSP) et classes sociales répondent parfois d’une logique assez complexe, ce qui explique que les confusions entre les premières et les secondes sont fréquentes. Il est néanmoins utile et même conseillé d’établir des correspondances entre catégories socioprofessionnelles et classes sociales. L’étude des professions intermédiaires – notamment dans leur rapport au travail – nous incite d’ailleurs à apporter certaines précisions, à formuler quelques remarques générales qui s’appliquent à l’ensemble des catégories socioprofessionnelles. La plupart des données statistiques d’ordre économique, social et culturel sur les individus et les ménages sont fournis à travers la grille des catégories socioprofessionnelles (tout comme les données sur la santé, la mortalité, la morbidité que nous utilisons : les indications chiffrées 201 relatives à l’espérance de vie, par exemple, nous sont elles aussi livrées à travers la grille des CSP. On parlera plus couramment – et surtout plus objectivement – de l’espérance de vie à 35 ans d’un ouvrier non qualifié que de l’espérance de vie au même âge d’un membre des classes inférieures. Une étude rigoureuse des inégalités sociales de santé en fonction de la classe sociale ne peut donc être menée à bien si elle n’est pas précédée d’une analyse précise des mêmes questions en fonction, cette fois, de l’appartenance à telle ou telle catégorie sociale). Aussi, les CSP demeurant des indicateurs imparfaits mais tangibles des positions de classes, ces éléments statistiques représentent un instrument essentiel pour l’étude des classes. Cependant, dans la mesure même où les principes de construction diffèrent, on ne peut généralement tenir les groupes socioprofessionnels pour des classes et vice et versa1 . Car si la profession classe – un travail, au-delà de la pratique d’un métier, implique une condition -, elle n’est pas la seule à le faire. La dénomination « professions intermédiaires » est une création de la nouvelle nomenclature des professions et catégories socioprofessionnelles. Deux tiers des membres du groupe occupe effectivement une position intermédiaire entre les cadres et les agents d’exécution, ouvriers ou employés. Les autres sont intermédiaires dans un sens plus figuré (cf. « classes moyennes »). Ils occupent des fonctions dans l’enseignement, la santé et le travail social ; parmi eux, les instituteurs, les infirmières, les assistantes sociales, les éducateurs spécialisés. Quant au niveau de certification scolaire ou universitaire, plus de la moitié des membres du groupe ont désormais au moins le baccalauréat. Leur féminisation, assez variable, reste toutefois très limitée dans les professions techniques.

Travail & santé

Tout en étant attentifs à ne pas minimiser, ou, pire encore, à occulter la question de la souffrance au travail que peuvent vivre et ressentir les membres des professions intermédiaires, il convient, selon nous, avant toutes choses, de rappeler combien les conditions de travail que connaissent ces professions ont peu de choses à voir avec celles que nous avons été amenés à déchiffrer précédemment (exécutants/subalternes peu qualifiés : ouvriers, employés). Tant dans les conditions de travail en elles-mêmes, c’est-à-dire dans la nature des tâches à accomplir, dans la diversité des situations et des contextes de travail (environnement professionnel), que dans l’impact que peuvent avoir celles-ci sur la santé des salariés. Les multiples enquêtes de la DARES (conditions de travail) nous permettent de constater, en premier lieu, que les membres des professions intermédiaires sont exemptés de la part non négligeable de pénibilités, de contraintes et de risques professionnels qui continue à fragiliser durablement les catégories professionnelles « inférieures », faiblement pourvues en capital scolaire et donc congédiées aux activités subalternes. Si l’on s’en tient, pour commencer, aux seules pénibilités physiques, qui font des dégâts notables dans les rangs ouvriers (chez les employés de commerce aussi), on observe, en revanche, que celles-ci se manifestent de manière beaucoup plus discrète dans le monde des professions intermédiaires ; certainement parce que le corps, au sein de ces professions, n’est pas l’outil de travail par excellence. Moins sollicité que dans les métiers manuels (ou différemment ? moins violemment ?), il est aussi moins soumis et moins exposé à l’usure quotidienne et aux pathologies diverses, ainsi qu’aux risques professionnels et aux dangers3 . Si pénibilités il y a, nous verrons qu’elles sont plus de l’ordre de la charge mentale, comme c’est généralement le cas pour la plupart des métiers qui se sont affranchis d’un rapport physique au travail, laissant place à des tâches qui répondent plus d’un travail intellectuel que manuel. La « tête », davantage sollicitée, se retrouve donc en première ligne face aux pénibilités du travail…

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Accidents & maladies professionnelles

Il en va de même des risques d’accidents du travail. Les professions intermédiaires, comparativement aux ouvriers, sont nettement moins exposées à ce type de dangers5 . L’environnement professionnel est difficilement comparable et les outils de travail n’ont pas la même taille, et encore moins le même degré de dangerosité (entre chuter du haut d’un bâtiment, se faire rouler dessus par un engin de plusieurs tonnes et tomber d’une chaise dans son bureau ou recevoir un dossier sur le pied, les dommages physiques et les séquelles ne sont pas tout à fait les mêmes !). Pour preuve, parmi toutes les catégories socioprofessionnelles, les professions intermédiaires de la fonction publique sont celles qui connaissent le taux d’accident le plus faible (juste devancées par les cadres du public) ; alors qu’en tête de ce triste classement siègent toujours les ouvriers de l’artisanat et de l’industrie, suivis des magasiniers/manutentionnaires et, dans une moindre mesure, des ouvriers agricoles6 . On relèvera néanmoins un cas qui fait exception, parmi les catégories intermédiaires : celui des métiers de la santé et du travail social. Sans qu’ils soient pour autant surexposés aux risques d’accident du travail, les salariés de cette branche déclarent nettement plus d’accidents que les autres membres du groupe (professions intermédiaires de l’enseignement, de la fonction publique, des administrations, du commerce, techniciens, contremaîtres et agents de maîtrise). On peut penser que ce degré supérieur d’exposition trouve son explication principale dans le fait que ces professions – infirmiers psychiatriques, aides soignant(e)s, éducateurs, etc. -, plus que d’autres, sont amenées à encadrer et à gérer un public difficile et parfois violent (gestion de crises, contention physique, agressions, etc. : professionnels plus « exposés » physiquement). La question de la souffrance morale et psychique, dans les services sanitaires ou sociaux, mériterait aussi d’être soulevée, même si elle touche probablement davantage les employé(e)s de ce secteur : les syndromes d’épuisement professionnel ou burn out, constatés dans ces services, sont essentiellement dus à une combinaison de fatigue extrême et d’insatisfaction chronique vis-à-vis des résultats du travail7 . En ce qui concerne les maladies professionnelles8 , résultant soit de l’exposition plus ou moins prolongée à des produits toxiques, voire à des substances cancérogènes, ou, dans un registre relevant plus de l’organisation du travail, d’un travail répétitif, intensif et pénible physiquement (générateur de TMS, pathologies du dos, etc.), on peut établir un constat identique à celui que nous avons dressé pour les accidents du travail : les professions intermédiaires sont relativement peu confrontées aux facteurs de nocivité susceptibles de provoquer, à plus ou moins brève échéance, des pathologies professionnelles. Pour considérer le seul cas de l’exposition à des cancérogènes, seuls 11% des membres des professions intermédiaires étaient, en 2003, confrontés à ce risque sur leur lieu de travail ; rappelons que pour la même année, la proportion s’élevait à 31% pour les ouvriers qualifiés..

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