Absolutisme et droit de résistance le paradoxe d’une théorie politique

Absolutisme et droit de résistance le paradoxe d’une théorie politique

C’est l’union de la multitude qui a donné naissance au peuple en tant que corps politique. Ce corps, parce que désormais capable d’une volonté et d’une action une, peut maintenant instituer la personne publique. Cette personne qui porte le nom de souverain n’est, de près ou de loin, concernée par le pacte social. Aucun contrat ne le lie au peuple et il n’est soumis à aucune loi car une fois institué, le souverain se hisse au-dessus de la mêlée et nul ne peut lui ravir son pouvoir. C’est en cela justement que réside le caractère absolu de son pouvoir que Raymond Polin se charge de décrire : « Le souverain dispose d’un pouvoir absolu, c’est-à- dire d’un pouvoir qui n’est soumis ni à des lois divines, ni à des lois humaines, ni même au contrat, auquel il n’a point été partie. Ce pouvoir ne peut, sous peine d’effondrement, ni L’Etat chez Hobbes, est un pouvoir absolu. La représentation figurée du Léviathan nous offre l’image parfaite de sa puissance. En attirant notre attention sur cette image, Lucien Jaume fustige l’attitude des commentateurs de Hobbes qui, depuis plus de trois siècles, n’ont accordé un intérêt particulier à son égard. A ce propos, il écrit : « En fait, il apparait que, pour Hobbes, cette représentation figurée n’a pas la valeur d’un simple enjolivement, mais exprimait sa vision profonde de la spécificité, de la réalité, et enfin de l’unité du Commonwealth »34. Pour Jaume, cette représentation figurée du Léviathan est plus qu’une métaphore. Elle est un modèle qui présente « l’Etat comme être incarné, personnage géant à figure humaine, dominant les champs et les villes, et composé lui-même d’êtres humains .

En philosophie politique, c’est à l’intérieur d’un pouvoir royal que le terme absolutisme trouve son vrai sens. Nous pouvons définir l’absolutisme comme une doctrine selon laquelle le pouvoir royal est absolu. En d’autres termes, il s’agit d’un système de gouvernement dans lequel le chef de l’Etat dispose d’un pouvoir sans borne. Cela veut dire que le pouvoir n’a pas de limites et ne peut être partagé avec qui que ce soit ni avec n’importe quel organe ou instance distinct du prince : le Parlement, la seigneurie, etc. En effet, dans la typologie qu’il a faite des régimes politiques, Hobbes a préféré la monarchie institutionnelle à l’aristocratie et qui prévalait au 17e siècle. Déjà avec Bodin, la souveraineté est une et indivisible, ce qui fait que toutes les doctrines politiques du moment qui, pour l’essentiel, sont des réflexions sur le pouvoir absolu, vont tourner autour de cette idée. Mais ce qu’on peut retenir de ces différentes théories absolutistes, c’est moins leur souci de faire l’éloge de la monarchie que de fournir les éléments de base devant participer à l’élaboration d’un Etat souverain.

Les doctrines absolutistes du 17e siècle, comme il a été dit, sont le concentré d’une situation sociopolitique agitée, constatée un peu partout en Europe. Cette crise aux multiples facettes, a eu un retentissement dans la marche des idées dominantes de l’époque. Car comme on le sait, à chaque révolution sociale majeure, correspond un bouleversement théorique sans précédent. Ces troubles occasionnés en grande partie par des guerres, ont largement modifié le paysage politique de plusieurs pays européens. Citons à titre d’illustration, la guerre de Trente Ans (1618- 1648), la Fronde (1648-1653). C’est dans ce climat de vives tentions que Louis XIV accéda au trône en France. Au même moment, et presque sous le même rapport, éclata la guerre civile anglaise avec comme conséquence des frères de Witt. Même dans le domaine intellectuel, on note des soubresauts, notamment avec l’avènement du style baroque et de celui des libertins qui ont fini d’ébranler les certitudes de la pensée rationnelle. Au plan religieux, l’Europe est aussi le théâtre de luttes de nature théologico-politiques avec l’émergence de sectes religieuses comme le jansénisme et le quiétisme. Sous le même registre et nonobstant le degré de rationalité humaine, l’Eglise ne cesse de professer l’idée du droit divin des rois. Pour les ecclésiastiques, le pouvoir politique est d’origine divine et que le roi, parce qu’il est l’élu de Dieu sur terre, possède des vertus surnaturelles lui permettant de gouverner la société civile avec toute la clarté et la lucidité requises.

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Le caractère absolu de l’Etat-Léviathan et les prérogatives du souverain

Par prérogatives du souverain, nous entendons son domaine de compétence ou, pour être précis, les attributions que lui confère l’exercice de son pouvoir. Il s’agit d’un ensemble de dispositions à adopter et de moyens à mettre en œuvre dans un champ d’investigation déterminé afin de répondre favorablement à ses exigences. Et comme ces dispositions et ces moyens n’ont de sens que par rapport à l’homme en tant qu’animateur principal du jeu social, il s’agit alors de se demander l’attitude que le prince doit adopter pour conserver le lien social aussi longtemps que possible. En d’autres termes, comment le souverain doit- il les employer de sorte qu’ils n’entravent pas la liberté individuelle et du coup, bouleverser l’ordre social ? En effet, si une telle situation venait à se produire, chaque homme entrerait de nouveau en possession de son droit naturel d’autoconservation et la société serait dissoute, ce qui n’est pas souhaitable car l’humanité aurait considérablement régressée.

L’absolutisme, dans un schéma purement hobbien, est le seul gage d’une existence sociale durable. Ce régime politique, au regard de ses mécanismes de fonctionnement, permet au souverain de mener à bien la tâche qui lui a été conférée par le peuple, à savoir la préservation de la société, quelque soit le prix à payer. Mais la pérennisation du tissu social passe nécessairement par le respect des pactes instituant la République. Et pour ce faire, pour que l’observance des pactes sociaux soit une réalité, faut-il se soumettre au dictat de la loi divine, ou de la loi naturelle ou bien de celle du souverain civil ? Chez Hobbes, les affaires publiques relèvent du domaine de l’Etat, du « dieu mortel », produit par référence au Dieu immortel dont la puissance est invincible. Si Dieu a créé la nature et la gouverne, l’homme aussi, en mimant l’art divin, a produit une bête politique, l’Etat, chargé de régenter la société selon ses propres lois, indépendamment de celles divines.

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