Sommaire: Nobles et titres de la sarthe de 1789 à la république des ducs enracinement d’une aristocratie provinciale
Introduction générale
Première PARTIE : Les familles nobles et titrées
Chapitre I : Un dénombrement difficile
1 – Une population qui reste numériquement stable
2 – Des familles nucléaires restreintes
3 – Des familles nobles vieillissantes
4 – Les mutations de la résidence nobiliaire
Chapitre II: Une vie de famille concentrée autour du grand-père, le plus ancien du lignage
1 – La noblesse, une caste qui se referme ?
2 – Les mariages nobles sont-ils toujours arrangés ?
3 – Les relations amoureuses
4 – La famille, l’enfant et son éducation
5 – La mort, une épreuve qui se prépare
Chapitre III : Les lignages sarthois présentent-ils un ensemble ou un contour homogène ?
1 – Le déclin de la petite noblesse au XVIII e siècle et le redéploiement de la grande aristocratie dans le département
2 – Aristocratie homogène ou groupe de titrés composites ?
3 – Nobles et titrés dans l’imaginaire social
4 – La constitution d’une noblesse d’apparence
Chapitre IV : La famille, cadre économique de la rente foncière
1 – Des niveaux de fortune très hiérarchisés
2 – Des stratégies matrimoniales destinées à la préservation du patrimoine
3 – Les successions pèsent lourd dans l’économie du domaine
4 – Des héritages souvent contestés
5 – Des patrimoines grevés par les rentes à distribuer
Deuxième PARTIE : Entre destins nationaux et implication dans la vie politique locale
Chapitre V : L’importance des réseaux de relation
1 – Des familles cimentées par la peur de la violence révolutionnaire
2 – Des nébuleuses d’influence politique qui s’appuient sur des réseaux traditionnels
3 – Le rôle des sociétés secrètes
Chapitre VI: Des familles impliquées dans les affaires nationales
1 – Des nobles favorables à la révolution politique
2 – Les nobles ont-ils boudé l’Empire ?
3 – La Restauration monarchique : entre opportunisme et convictions royalistes ?
4 – Le libéralisme face à la montée du républicanisme et socialisme
5 – De l’apprentissage de la république au renouveau du légitimisme
Chapitre VII: Les nobles restent les principaux cadres de la société provinciale
– Discours liminaire : la géographie politique à l’époque d’André Siegfried
1 – L’invention de la politique pendant la Révolution et l’Empire
2 – L’apprentissage du consensus politique sous la Restauration et la Monarchie de Juillet
3 – De la Seconde République au Second Empire : entre apprentissage de la démocratie et consécration du parti de l’ordre
– Les débuts de la III République : épilogue sur le déterminisme social d’André Siegfried
Chapitre VIII :L’investissement dans la vie sociale de la nation et du département
1 – L’engagement militaire : honneur et patrie
2 – Défendre les cadres de l’Eglise pour éduquer, secourir et soigner
3 – Tisser les réseaux de la modernisation agricole
4 – La noblesse : une caution sociale pour le monde des assurances et des banques
Troisième PARTIE : Les fondements de la puissance économique des nobles
Chapitre IX : Une évolution économique et sociale de l’Ouest qui reste favorable aux nobles
1 – Des élites enracinées dans une périphérie du grand commerce et de la révolution industrielle
2 – De la solidité de la fortune foncière après la Révolution
3 – Les nobles : des propriétaires terriens dans un contexte de révolution agricole
4 – La noblesse et la promotion de la modernité économique
Chapitre X : La terre, base principale de la fortune nobiliaire
1 – Le maintien de l’emprise foncière de la noblesse dans le premier XIX siècle
2 – Les domaines nobles à l’époque du recul de la grande propriété : 1847-années 1890
3 – Origines et structures des patrimoines fonciers
4 – La propriété foncière dans un contexte possible de diversification des ressources
Chapitre XI : Les enjeux de la modernisation agricole : prospérer et contribuer au progrès de tous sans se ruiner
1 – L’affaiblissement de la rente foncière : une menace permanente
2 – Les modes de faire-valoir : des révélateurs de l’intérêt de l’aristocratie pour son domaine
3 – La ferme-modèle : entre emblème d’une prospérité terrienne et réalité du progrès agricole
4 – Les enjeux de l’enseignement agricole : faire face à la pénurie de main-d’œuvre par la formation, la modernisation et l’amélioration des conditions de vie à la campagne
Chapitre XII :La diversification des sources de revenus et des activités.
1 – Le point de départ : l’agression permanente des contraintes du quotidien
2 – Investir dans l’immobilier urbain et les nouvelles valeurs mobilières
3 – Se mettre au travail, c’est sauver son genre de vie et adhérer à de nouvelles valeurs
4 – Le service de l’État et l’engagement militaire, le renouveau d’une tradition nobiliaire
5 -Entreprendre, jouer le jeu des affaires et profiter de la professionnalisation des carrières
Quatrième PARTIE : Vie de château ou vie parisienne. Les contours de l’identité nobiliaire au quotidien
Chapitre XIII : Le château et l’hôtel particulier, marqueurs de l’identité noble
1 – Cadre de vie et mobilité sur les lieux de résidence
2 – Le château, l’hôtel particulier et la voiture : des identifiants sociaux toujours valables ?
3 – La noblesse : culture de la distinction et de l’altérité au sein des élites
4 – Les cercles et les salons : des creusets de la sociabilité nobiliaire
Chapitre XIV: Les châteaux, entre vie spirituelle et défense de la religion
1 – Culture religieuse et culture nobiliaire
2 – Renaissance d’un héritage culturel et religieux
3 – Piété catholique et nouvelles voies de la spiritualité
4 – La promotion des valeurs chrétiennes : une justification fondamentale du patronage nobiliaire
5 – La défense de la religion : entre enjeux catholiques et évolution de l’identité politique
Chapitre XV : Oisiveté ou investissement de la culture d’élite : le dépassement d’un dilemme
1 – Formation scolaire et culture d’élite
2 – Sortir de l’oisiveté et du cadre quotidien : l’appel des voyages initiatiques
3 – Lire et écrire pour exister
4 – Activité littéraire et importance du prestige intellectuel
5 – Investir son temps libre dans l’érudition locale ou les sociétés savantes
Chapitre XVI : Une civilisation matérielle soumise à l’agression des contraintes du quotidien
1 – Cuisine urbaine et cuisine des châteaux : festins, gourmandise et frugalité
2 – Les bâtisseurs de nouvelles demeures
3 – Le dilemme : réservation du patrimoine ou confort moderne ?
4 – La vie matérielle révèle des loisirs constitutifs de l’identité noble
Cinquième PARTIE : Les acteurs d’une économie domaniale en mutation.
Chapitre XVII : Des liens sociaux très forts avec les dépendants
1 – Les propriétaires titrés et leurs relations avec les producteurs de services
2 – La vie matérielle montre un univers très hiérarchisé
3 – La condition très diverse des cultivateurs et la mise en valeur des terres
4 – Les relations avec les prestataires de services extérieurs au domaine
Chapitre XVIII : Le maintien des productions traditionnelles et l’autarcie rêvée
1 – La rationalisation de la gestion du domaine
2 – La location des terres et les mutations du faire-valoir
3 – Les faisances et les ressources de l’élevage
4 – Les ressources de la réserve, les fourrages et l’exploitation du bois
5 – La persistance d’une semi-autarcie dans le mode d’existence
Chapitre XIX : À l’école des agromanes : entre transformations et diversification des ressources
1 – Les exploitations dans une stratégie de modernisation
2 – La révolution fourragère et les spéculations nouvelles
3 – Le rôle des techniques nouvelles dans l’accroissement de la compétitivité
4 – Compléter les revenus du sol : le développement des nouveaux placements mobiliers et une spéculation opaque sur la terre
Chapitre XX : Un patrimoine bâti de plus en plus difficile à entretenir
1 – L’importance du bâti, sa fiscalité et son assurance
2 – La fièvre des constructions nouvelles, entre mythe et réalité
3 – Le château, transformation et entretien
4 – Les bâtiments annexes dans un programme de reconstruction
5 – Les fermes et les dépendances, entre tradition et modernité
Conclusion générale.
Extrait du mémoire nobles et titres de la sarthe de 1789 à la république des ducs enracinement d’une aristocratie provinciale
Première PARTIE: LES FAMILLES NOBLES ET TITRÉES
CHAPITRE I: UN DÉNOMBREMENT DIFFICILE
Est-il sérieux d’entreprendre une étude démographique généralisable à un corps social aussi réduit que celui de la noblesse ? Selon les calculs 46 effectués, cette élite restreinte représenterait entre 0,52% et 1,80% de la population à la veille de la Révolution. La Sarthe se trouve à proximité de la Normandie où les nobles sont fortement représentés avec 0,66% dans la généralité de Rouen, pour culminer à 1,08% dans celle de Caen.
Cela donne une population comprise entre 1 114 et 1 133 personnes pour les départements de Normandie alors que la Sarthe et la Mayenne se situent dans une tranche de 200 à 249, selon les calculs de Régis Valette 47. L’approche démographique est cependant nécessaire, afin de définir la noblesse dont on parle, la juxtaposition de plusieurs noblesses étant une originalité de la France du XIX.
Jusqu’à présent, beaucoup d’historiens du XIX e siècle 48 siècle ont voulu privilégier l’étude de « la noblesse authentique » au détriment des « nouveaux anoblis » classés sous le terme général de « prétentions nobiliaires 49 ». Mais comment étudier la perméabilité d’un corps social si on ne s’intéresse pas aux individus qui désirent s’y agglomérer ? On s’efforcera de tenir compte ici des noms composés et titrés contrairement au travail statistique de Luc Grosbois 50. Cet auteur a effectué un travail pionnier auquel on doit beaucoup, mais il ne nomme presque jamais les familles. Or, une étude démographique doit privilégier la statistique sans négliger les personnes, au risque de sombrer dans une histoire désincarnée. En effet, les séries de chiffres sont intéressantes dans la mesure où elles fournissent des renseignements sur l’évolution du nombre et des structures des familles. La famille noble est-elle aussi nombreuse qu’on pourrait le penser ? En quoi peut-elle se distinguer des familles bourgeoises ou autres ?
On peut ensuite essayer d’étudier l’évolution démographique de la noblesse dans ses dynamiques de corps social perméable ou replié sur lui-même. Forme-t-elle une élite qui réussit à se perpétuer avec ses propres forces ? Enfin, on présentera une répartition géographique de la noblesse dans la Sarthe, en essayant de dégager les principales évolutions au cours de la période choisie. Les constats effectués justifient-ils une étude centrée sur un département aussi hétérogène que celui de la Sarthe ?
1. Une population qui reste numériquement stable au XIX e siècle
L’élite qui nous intéresse est étroitement héritière de dynamiques démographiques issues de l’Ancien Régime. Il faut en rappeler quelques traits pour la compréhension de ce qui va suivre sachant que l’on bénéficie d’un renouvellement de l’historiographie dans ce domaine. Depuis 1984, les travaux de Jean-Marie Constant 51 ont permis de calculer les densités nobiliaires avec plus de précision grâce aux documents de comparution émis dans le cadre des institutions d’Ancien Régime. En 1995, cette nouvelle méthode a permis à Michel Nassiet de dresser une carte de la densité de la population noble vers 1700 52. Il apparaît que notre département, en situation moyenne, jouxte des régions de très forte densité nobiliaire. Le littoral de la Manche avec près de 2,5 % de nobles dans la population (moyenne française 1%) constitue un record en France. La Bretagne se montre aussi un foyer vigoureux même si les densités y sont en retrait comparées à celles de la Normandie. Il n’est pas étonnant de constater que le Maine et plus tard la Sarthe 53 aient attiré ces familles bien représentées à côté de la grande aristocratie parisienne. Les chiffres dressés par Jean-Marie Constant pour des régions qui concernent la Sarthe montrent une diminution du nombre de feux pour 1 000 km 2 visible
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Nobles et titres de la sarthe de 1789 à la république des ducs enracinement d’une aristocratie provinciale (6.36 MB) (Cours PDF)