Le poids de l’histoire dans le peuplement de l’île
L’histoire de Sainte-Marie montre qu’elle a subi de nombreux apports de communautés étrangères. Différents passages ou établissements de populations laissent dans l’île des descendants comme les Arabes, les Makoa, les Malata ou les créoles mais aussi un fort métissage.
Les installations des Arabes et des pirates
D’après les écrits, il est fort probable que les premiers occupants de l’île Sainte-Marie soient des Arabes. Ensuite, sont arrivés les pirates. Afin de mieux connaître l’histoire du peuplement de l’île Sainte-Marie, notre recherche s’est focalisée sur les mythes, dont celui de Boraha.
La légende de Boraha
Il existe deux versions concernant cette légende.
La première concerne l’histoire d’un bateau qui a échoué au large, à l’est de Sainte-Marie.
Parmi les naufragés, Boraha a été sauvé par un sorokay qui la transporté sur son dos jusqu’à Nosimbavy, une île qui devait se situer à l’est de Sainte-Marie.
D’après la tradition orale, c’était la seule île habitée et uniquement par des femmes.
Ces femmes ne voulaient pas d’homme sur leur île ; durant leur absence, Boraha rencontra une vieille dame qui le cacha. A leur retour, sentant une odeur masculine, les femmes fouillèrent vainement toutes les habitations ; mais Boraha a pu s’échapper et continuer sa route vers l’ouest où il y avait une autre île. Il s’installa sur cette île pour fonder une famille mais l’origine de sa femme demeure inconnue.
La deuxième version raconte que Boraha habitait déjà l’île Sainte-Marie. Après être parti au large pour une pêche aux baleines, il fit naufrage. Un sorokay le sauva et l’emporta à Nosimbavy. Il vécut la même histoire avec les femmes. Le sorokay le ramena à l’île Sainte-Marie où il s’installa. En échange du service rendu par le requin, Boraha chercha un bénitier pour servir de la nourriture au sorokay. Ce dernier creusa le fond de la mer pour se procurer de l’eau douce. On dit que l’eau qui a jailli est à l’origine de la source d’eau douce sous-marine située au sud-est de la presqu’île d’Ampanihy.
Cette source est considérée comme un lieu sacré dénommé Amboaboaka où autrefois se faisaient des sacrifices de zébus en vue de l’obtention de la bénédiction des ancêtres. A cause de cette légende, il est interdit aux Sainte-mariens de manger ou de tuer un sorokay.
Des historiens comme Flacourt pensent que les Zafi Ibrahim qui figurent parmi les premiers habitants de l’île Sainte-Marie, sont des descendants de Boraha.
Les apports bien marqués des Zafi Ibrahim
La fin du 10ème siècle est caractérisée par l’arrivée des commerçants arabes dans la partie occidentale de l’Océan Indien. Au vu de la dénomination « Nosy Ibrahim » ou l’île d’Abraham, il semble que l’île Sainte-Marie faisait partie des zones sous l’influence des Arabes et des Juifs. Cette présence des groupes arabes est justifiée par de nombreux noms de familles sainte-mariennes d’origine arabe comme : BARAKA, BAKOIZE, HOUSSARI etc.
Selon Etienne Flacourt, « les Zafi Ibrahim », c’étaient des lignés d’Abraham, puis qu’ils tenaient quelques coutumes du judaïsme, ne connaissant ni Mahomet ni ses califes Concernant les coutumes, ils célébraient le samedi, jour qu’ils chômaient mais non le dimanche ou le vendredi. Cette célébration du samedi est encore maintenue pour les fêtes rituelles sainte-mariennes.
Pendant les fêtes rituelles, jusqu’à l’heure actuelle, ils tuent parfois un zébu. La gorge de l’animal doit être coupée par un de leur chef nommé filohabe. Si le zébu n’a pas été égorgé par le filohabe, personne n’a le droit d’en consommer la viande.
Flacourt affirmait dans son oeuvre que « cette nation est très superstitieuse et quand ils devraient mourir de faim, ils ne voudraient pas manger d’une bête ou volaille à laquelle nous aurions coupé la gorge …, à moins que ce ne fut le philoube qui eut coupé la gorge aux volailles ou à la bête dont nous mangerions la viande1 »
Les commerçants Arabes pratiquaient la traite des nègres dans l’ouest de l’Océan Indien et sur la côte orientale de l’Afrique d’où la présence d’éléments makoa à Sainte-Marie.
Le bref passage des Portugais et l’arrivée des pirates
La présence des occidentaux en particulier des Portugais est à signaler au début du XVI ème siècle ; mais ils n’ont pas laissé beaucoup de traces sauf le nom de l’île qu’ils ont baptisée « l’Isle Sancta Maria ».
L’Isle Sancta Maria est devenu un port d’escale des flottes étrangères et un quartier général des pirates à l’époque de la piraterie au XVIII ème siècle.
La période de 1700 à 1720 est marquée par l’exacerbation du terrorisme en mer ou des groupes d’individus aventuriers appelés pirates. Ils parcourent les mers pour piller. Au moment du développement du commerce sur la route des Indes, ces pirates ont été chassés de la mer des Antilles et se sont rabattus à Sainte-Marie.
Ils se sont implantés sur la côte orientale malgache entre Tamatave et Vohémar, à Foulpointe, Fénérive-Est, Sainte-Marie et dans la baie d’Antongil.
Les pirates ont choisi l’île Sainte –Marie afin de trouver un endroit favorable à la cachette et où il est facile d’abriter les bateaux contre le vent d’est. L’îlot Forban, un site favorable à l’installation de leur repaire est devenu un lieu de partage des butins.
Les pirates sont de diverses origines et nationalités : Américains, Français et une forte proportion de pirates d’origine anglaise. Yvette Sylla affirme qu’« ils formaient un groupe cosmopolite composé de membres issus d’horizons sociaux variés allant des nobles gentlemans aux simples marins mais où prédomine l’élément anglais 2»
Selon A. Ramaholimihaso, ils étaient au nombre de 200 à 1200 personnes
Parmi eux, il y avait des pirates célèbres, à savoir Thomas White, T. Howard, Avery, Taylor… et d’anciens capitaines ou officiers de la marine comme Kidd, Tew.
Les pirates s’intégraient facilement dans la société existante. Ils continuaient à pratiquer le troc dans lequel ils échangeaient des bijoux précieux, étoffes… contre du riz, des épices, du miel… .
Ils étaient considérés comme de petits souverains locaux. Ces derniers épousaient des femmes malgaches et donnèrent naissance aux Malata.
Les Malata étaient bien intégrés dans les clans malgaches. Ils étaient respectés et étaient souvent désignés comme dirigeants d’un clan. Ratsimilaho était l’un des chefs malata qui, grâce à son autorité, a pu unifier les Betsimisaraka du Nord et du Sud.
Après cette unification, on l’appela Ramaromanompo. Il eut deux héritiers appellés Zanahary et Betty. Zanahary s’établit sur la partie Betsimisaraka et sa soeur consanguine Betty, régna à Sainte Marie. Cependant, la reine ne régna que peu de temps à cause de la mainmise française sur l’île.
L’influence de la présence française
A partir de 1642, des traitants français effectuaient des visites par le biais de la compagnie des Indes .Ces flux d’étrangers européens ont pris fin lors du massacre des blancs à Fort Dauphin en 1671. Mais à Sainte-Marie, les Français vont revenir par deux fois à partir de 1750.
L’oeuvre du caporal Bigorne
C’était un caporal français dans le service de la marine de Bourbon. Il abandonna son navire pour s’installer dans l’île suite à une dispute avec son chef. Il y rencontra la princesse Betty et cette rencontre se termina par un mariage.
Pour satisfaire la demande de son mari, Betty accepta de signer l’acte de cession de Sainte- Marie le 15 juillet 1750. Cette convention permettait aux français dirigés par Bigorne d’aménager l’îlot Madame et les camps militaires.
En 1753, le premier établissement des Français connaît un échec suite à une révolte de la population en raison du pillage du tombeau de Ramaromanompo à Antevibe. Ainsi, jusqu’en 1761, la France n’effectua qu’un commerce d’escale à Madagascar et Sainte-Marie fut abandonnée.
L’échec de la deuxième possession française et le départ des colons
En 1818, le gouvernement français adopte une nouvelle politique coloniale qui se concrétise par la mise en concession de la côte est malgache par Sylvain Roux. Le mouvement a commencé par la prise en possession de Sainte-Marie, le 15 Octobre 1818.
Cette deuxième possession française sur Sainte-Marie se heurte à un nouvel échec. En effet, les Anglais, soutenus par le roi Radama I, contestent la présence des Français dans l’île.
Ils envoient des soldats pour attaquer Foulpointe et l’île Sainte-Marie. Ranavalona Ière, arrivée au trône en 1828, hostile aux étrangers, fait chasser les étrangers. Les colons de Sainte-Marie concernés par la manifestation décident de partir.
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