Caractéristiques de la tropopause extratropicale
C’est en 1902 que le m´et´eorologiste fran¸cais L´eon Teisserenc de Bort fit officiellement part de la d´ecouverte d’une zone isotherme au dessus de la basse atmosph`ere. Il baptisa cette enveloppe la stratosph`ere, car les mouvements de l’air s’y effectuent par couches horizontales ”en strates”, en raison de la forte stabilit´e verticale.
D´efinition
De fa¸con conventionnelle, la tropopause est d´efinie selon l’organisation mondiale de m´et´eorologie (WMO) comme ´etant le niveau le plus bas o`u la temp´erature d´ecroit au plus de 2oK/km sur une couche de 2km. Alternativement, la tropopause est d´efinie chimiquement comme ´etant le niveau o`u la concentration d’ozone atteint environ 80 ppbv (Bethan et al., 1996 [25] ; Thouret et al., 2006 [170]). En effet, la concentration d’ozone croit g´en´eralement fortement dans la stratosph`ere `a cause de l’effet de barri`ere de la tropopause, tandis que sa concentration dans la troposph`ere est relativement constante suivant la hauteur.
Cependant, lorsque l’on consid`ere les flux de masse des ´echanges STE, il est plus pra-tique d’utiliser une d´efinition dynamique de la tropopause, bas´ee sur le tourbillon potentiel d’Ertel (Potential Vorticity en anglais, PV) (Hoskins et al., 1985 [82]) mesure du rapport du tourbillon absolu sur la profondeur effective du vortex.
La d´efinition dynamique de la tropopause avec le PV permet de d´ecrire les foliations de tropopause comme des repliements de cette derni`ere. Elle permet de d´efinir une surface a` travers laquelle calculer des flux de masse et d’ozone pour ´etudier les ´echanges STE ( eg Danielsen, 1968 [45], Haynes and McIntyre, 1990 [75]). Elle permet ´egalement de dissocier les processus dynamiques et diabatiques des ´echanges STE dans le calcul de flux de masse a` travers la tropopause (Wirth, 1995 [174]). Cependant son utilisation peut ˆetre limit´ee pour le calcul de flux dans les syst`emes convectifs, o`u les champs de tourbillon potentiel sont fortement perturb´es. L’utilisation de param`etres dynamiques tels que la temp´erature potentielle ´equivalente est alors plus efficace (eg Mullendore et al., 2005 [120])
Il est maintenant conventionnel de d´efinir la tropopause dynamique par une valeur particuli`ere de PV (eg, Holton et al., 1995 [80]). Diff´erentes valeurs seuil ont et´ utilis´ees comme d´efinition. Celles-ci sont de 1 pvu (Shapiro, 1978 [155]), 2pvu (Appenzeller et al., 1996 [16]), 3pvu (Spaete et al., 1994 [157]) et 3.5 pvu (Hoerling et al., 1991, 1993 [79]). Actuellement, la valeur la plus fr´equemment utilis´ee est celle correspondant a` 2pvu, qui est notamment adopt´ee par le CEPMMT (Grewe et Dameris, 1996 [72] ; Blonsky et Speth, 1998 [151]).
Une ´etude r´ecente de Haynes et Shuckburgh (2000) [77] a montr´e en utilisant le pa-ram`etre de diffusivit´e effective que la tropopause ne peut pas ˆetre associ´ee `a une valeur de PV pr´ecise. Dans cette ´etude, la tropopause correspond au minimum de diffusivit´e effective sur chaque surface isentrope. Le param`etre de diffusivit´e effective est calcul´e `a partir de l’´equation d’advection diffusion `a l’aide de champs de vent isentropiques et sur un syst`eme de coordonn´ees de latitude ´equivalente. La diffusivit´e effective est repr´esentative de la fa-cilit´e du transport et du m´elange s’op´erant sur les surfaces isentropes. La valeur de PV associ´ee au minimum de diffusivit´e effective varie en fonction de la surface isentrope et de la saison. La valeur moyenne de PV du minimum de diffusivit´e effective tourne autour de 2pvu aux moyennes latitudes.
La tropopause en tant que couche
La troposph`ere est caract´eris´ee par un faible tourbillon potentiel et une faible stabilit´e statique, et la stratosph`ere par un fort tourbillon potentiel et une forte stabilit´e statique. A l’interface entre ces deux r´egions, la tropopause agit comme une barri`ere dynamique et chimique (Ambaum, 1997 [12]).
La forte stabilit´e de la stratosph`ere r´eduit les m´elanges verticaux qui se font `a une ´echelle temporelle de l’ordre du mois. Le m´elange dans la troposph`ere est plus rapide avec un temps caract´eristique de l’ordre de quelques heures `a quelques jours. Les processus de transport `a travers la tropopause se font le long des surfaces isentropes `a grande ´echelle (transport adiabatique), ou `a travers les surfaces isentropes `a petite ´echelle (transport diabatique). Ainsi les processus dynamiques `a l’´echelle synoptique et `a m´eso-´echelle doivent ˆetre pris en compte dans l’optique de d´ecrire pr´ecisemment les processus de transport et de m´elange a` travers la tropopause.
Pour une clart´e dans la classification des ´echanges STE, il est n´ecessaire de subdiviser autrement la troposph`ere et la stratosph`ere a` l’aide de trois couches :
– Le monde du dessus ou overworld.
– Le monde du milieu ou middleworld.
– Le monde du dessous ou underworld.
Le monde du dessus est la partie de la stratosph`ere o`u les surfaces isentropiques ne coupent jamais la tropopause. Quant au monde du dessous, il correspond `a la partie de la troposph`ere o`u les surfaces isentropiques ne coupent jamais la tropopause. Le cas contraire se produit dans le monde du milieu.
La partie stratosph´erique du monde du milieu est appel´ee la plus basse stratosph`ere (ou lowermost stratosphere en anglais). La limite entre le monde du milieu et le monde du dessus coincide plus ou moins avec la surface isentropique 380K.
Pour atteindre la troposph`ere, les masses d’air dans le monde du dessus doivent descendre a` travers les surfaces isentropiques et donc subir des processus diabatiques de refroidisse-ment qui durent pendant plusieurs mois.
De mˆeme, les masses d’air dans le monde du dessous ne peuvent atteindre la stratosph`ere qu’en traversant les surfaces isentropiques. Ces processus diabatiques dans la troposph`ere prennent quelques heures `a quelques jours. Dans le monde du milieu, l’air peut ˆetre trans-port´e de la basse stratosph`ere vers la troposph`ere et inversement par transport adiabatique le long des surfaces isentropiques.
La composition chimique de la basse stratosph`ere dans le monde du milieu est donc un m´elange entre de l’air stratosph´erique qui descend diabatiquement du monde du dessus (faiblement charg´e en CO et humidit´e, charg´e en ozone) et de l’air troposph´erique qui traverse la tropopause extratropicale par un transport adiabatique (potentiellement charg´e en CO et humidit´e, faiblement charg´e en ozone). La basse stratosph`ere aux moyennes la-titudes se caract´erise donc par des structures chimiques compliqu´ees, suivant l’action des processus de transport et de m´elange aux ´echelles globales, synoptiques et m´eso-echelle.
Revue des processus STE aux moyennes latitudes
Traditionnellement, le couplage dynamique entre la troposph`ere et la stratosph`ere ´etait vu comme une influence de la troposph`ere sur la stratosph`ere, la troposph`ere agissant comme une source d’ondes de Rossby et d’ondes de gravit´e se propageant verticalement dans la stratosph`ere. Cependant, les preuves par l’observation et la mod´elisation montrent que la stratosph`ere ne joue pas un rˆole passif dans ce couplage mais peut agir sur les conditions de surface.
Alors que dans la pr´evision m´et´eorologique et la mod´elisation du climat il est habituel de d`esaccentuer le rˆole de la stratosph`ere, il existe maintenant des preuves d’une influence dynamique de la stratosph`ere vers la troposph`ere. Les quantit´es d’a´erosol inject´es par ´eruption volcanique dans la stratosph`ere agissent sur le temps et le climat de surface (Robock 2000 [148]). L’op´erateur d’inversion de PV montre ´egalement qu’une ´evolution du PV dans la basse stratosph`ere modifie les champs de vent et de temp´erature dans la troposph`ere (Hartley et al., 1998 [73] ; Ambaum and Hoskins, 2002 [13] ; Black, 2002 [27]).
A travers la structure verticale du mode annulaire de l’hemisph`ere nord (NAM en anglais), Baldwin et Dunkerton (1999 [20], 2001 [21]) montrent une propagation des per-turbations de la haute stratosph`ere vers la tropopsh`ere. Baldwin et al. (2003) [22] montrent ´egalement que l’´echelle de temps des variations troposph´eriques est plus grande lorsqu’il existe une forte propagation des ondes de Rossby dans la stratosph`ere. La prise en compte dans les mod`eles de ces liens dynamiques entre stratosph`ere et troposph`ere permettrait d’augmenter les scores en pr´evision du temps et d’´etendre les ech´eances des pr´evisions dans le temps (Baldwin et al., 2003 [22]).
Les ´echanges STE sont une autre manifestation de ce couplage. Depuis les ann´ees 90, de nombreuses ´etudes ont port´e sur les ´echanges `a travers la tropopause en raison de leur impact sur les concentrations chimiques troposph´eriques. Les changements de concen-tration de l’ozone stratosph´erique (la couche d’ozone) impliquent des changements sur la quantit´e d’UV re¸cue au sol, mais aussi sur la quantit´e d’ozone stratosph´erique re¸cue dans la troposph`ere. Ce flux stratosph´erique d’ozone peut mˆeme contribuer `a la concentration d’ozone en surface (eg Danielsen, 1968 [45] ; Zeng and Pyle, 2003 [190]). Les processus d’´echanges de la stratosph`ere vers la troposph`ere ont et´ fortement document´es, tandis que les ´echanges de la troposph`ere vers la stratosph`ere n’ont pas eu la mˆeme attention du fait du manque d’observation de ces ph´enom`enes. Cependant les flux massiques du trans-port de la troposph`ere vers la stratosph`ere ( Troposphere to Stratosphere Transport, TST) et du transport de la stratosph`ere vers la troposph`ere (Stratosphere to Troposphere Trans-port, STT) sont d’un ordre de grandeur plus important que le flux net stratosph´erique (c’est-a`-dire la diff´erence des deux flux STT-TST), et donc il est important d’en connaitre les 2 composantes pour estimer au mieux le bilan chimique troposph´erique. Nous allons a` pr´esent aborder une revue des principaux processus d’´echange.
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