Utilisation des Lunettes haut débit dans la bronchiolite en service de pédiatrie générale
INTRODUCTION
La bronchiolite est une affection aigue virale des voies respiratoires inférieures. Elle est le plus souvent causée par le virus syncytial humain (VRS) [1]. Elle représente la majorité des hospitalisations des nourrissons en France [2]. Le traitement de la bronchiolite aigue est symptomatique et consiste à prendre en charge la détresse respiratoire et les complications associées, notamment les difficultés alimentaires [3, 4].
De nombreuses études se sont intéressées à l’intérêt des lunettes haut débit (LHD) dans le traitement de la bronchiolite. C’est une modalité d’assistance respiratoire non invasive qui fournit aux patients des mélanges de gaz conditionnés (chauffés et entièrement humidifiés) via l’interface de la lunette nasale [5]. Elle exerce des effets potentiellement bénéfiques par plusieurs mécanismes : une diminution de la résistance inspiratoire, un lavage de l’espace mort anatomique du nasopharynx, une réduction du travail métabolique liée au conditionnement des gaz, une amélioration de la conductance des voies respiratoires et de la clairance mucociliaire par l’inhalation de gaz chauffés et humidifiés et la production d’un faible niveau de pression positive dans les voies respiratoires [6, 7].
Ce support ventilatoire auparavant réservé aux unités de soins intensifs pédiatriques (USIP) semble de plus en plus utilisé dans les services d’accueil des urgences pédiatriques et dans les unités de pédiatrie générale. L’objectif de notre étude est de faire un état des lieux sur l’utilisation des LHD dans la prise en charge de la bronchiolite en France dans ces deux entités et de préciser les critères de mise en place et de sevrage ainsi que les modalités de surveillance.
MATERIEL ET METHODE
Type d’étude
Il s’agit d’une étude observationnelle multicentrique réalisée sur la période épidémique 2017-2018 auprès des services de pédiatrie générale et d’accueil des urgences pédiatriques (SAUP) sur le territoire national.
Critères de sélection
Les centres hospitaliers sélectionnés devaient obligatoirement comprendre un secteur identifié d’activité pédiatrique. La liste nominative des médecins avec leurs adresses mails était obtenue auprès de la Société Française de Pédiatrie (SFP). Un courriel comprenant un questionnaire standardisé était adressé à l’ensemble des médecins travaillant au sein de ces services. Nous avons considéré qu’un centre avait répondu quand au moins un médecin avait rempli le questionnaire.
Recueil des données
Le questionnaire (annexe 1) était rempli en 5 minutes en ligne via le logiciel Google document®. Il comprenait :
En première partie la ville d’exercice, la fonction du médecin (interne, assistant ou chef de clinique, praticien hospitalier, professeur des universités-praticien hospitalier ou autres)), le lieu d’exercice (Centre Hospitalier Universitaire CHU, Centre hospitalier général CHG), l’âge et le sexe du médecin, l’existence ou non d’un service de soins intensifs ou de réanimation au sein de l’hôpital et l’existence ou non de LHD hors service de réanimation ou soins intensifs.
En 2ème partie, le questionnaire, qui n’était accessible qu’aux médecins utilisant des LHD hors USIP, s’intéressait plus précisément à ce dispositif permettant de définir les pathologies éligibles. Les données suivantes étaient recueillies : le nombre d’appareils disponibles, les critères de mise en place/retrait, les paramètres initiaux de réglage, le mode d’alimentation associé, les complications rencontrées, le mode de surveillance instauré, les critères de transfert en réanimation, et enfin l’intérêt subjectif ressenti des LHD en service de pédiatrie générale. Pour cette partie, les items étant à réponses multiples, chaque médecin pouvait donner plusieurs réponses. (Annexe 1)
Le questionnaire a été envoyé le 20 mars 2018 puis 4 relances ont été réalisées pour obtenir la réponse d’au moins 1 médecin par centre hospitalier.
Analyse statistique
L’analyse consistait en une analyse descriptive des résultats obtenus pour chaque question. L’analyse statistique était conduite sous SPSS® (version 20). Les fréquences en nombre et en pourcentage étaient déterminées pour l’ensemble des critères évalués. Le résultat présenté est la fréquence des réponses pour lesquelles le critère était renseigné et applicable. Un test Chi2 était utilisé lors des croisements des différentes variables entre elles. Les résultats étaient comparés selon le lieu d’exercice (CHU/CHG). Le seuil de signification pour tous les tests était fixé à 0.05.
Les résultats étaient interprétés en 1er lieu par centre hospitalier pour les questions de disponibilités des LHD et d’organisation au sein d’un service, puis en 2ème lieu par médecin pour les questions concernant les modalités d’utilisation et les données d’efficacité des LHD.
RESULTATS
Sur 166 hôpitaux contactés, 135 centres ont répondu (81.3%), 96 CHG et 39 CHU. Au total 217 médecins ont répondu à la première partie du questionnaire, 130 médecins exerçant en CHG (60%) et 87 en CHU (40%) (Figure 1). Toutes les régions ainsi que tous les CHU étaient représentés (Figure 2).
Description de la population
La majorité des médecins interrogés était des praticiens hospitaliers (n=167; 76.9%), et des assistants/chefs de clinique (n=28; 12.9%). La population était majoritairement féminine (n=145; 66.8%), avec un âge moyen de 35 ans. La plupart travaillait en service de pédiatrie générale (n= 144, 66.4%) et en SAUP avec une unité d’hospitalisation de courte durée (UHCD) (n=83, 38.2%).
Réponses par hôpital (n=135)
Une unité de soins intensifs pédiatriques (USIP) était présente dans 74 des 135 centres (54.8%). Soixante-douze hôpitaux utilisaient des LHD hors USIP (53.3%), principalement les CHG (59.4% vs 38.5% des CHU,). Les LHD étaient utilisées surtout en pédiatrie générale (n=54, 75%), puis aux urgences (n=8, 11.1%), en pneumopédiatrie (n=6, 8.3%), et en UHTCD (n=4, 5.5%). D’autres dispositifs de ventilation non invasive, principalement C-PAP, étaient présents dans 60 (83.3%) des centres utilisant les LHD (CHG 91%, CHU 53% p= 0.002). Les LHD y étaient aussi utilisées dans d’autres pathologies pour 55 (76%) hôpitaux (principalement dans l’asthme).
Le nombre moyen d’appareils disponibles dans les différents services était : pour la pédiatrie générale de 1.88 en CHG et 1.40 en CHU (p= 0.242) avec une médiane CHG et CHU confondus de 2 (+/-1.396); pour la pneumopédiatrie de 0.05 en CHG et 1 en CHU (p=0.00); pour les urgences de 0.28 en CHG et de 0.67 en CHU (p=0.023); et pour l’UHCD de 0.26 en CHG et de 0.40 en CHU (p=0.538).
La surveillance se faisait principalement par monitorage cardiorespiratoire continu (n=58, 80.6%) ou oxymétrie pulsée (SpO2) continue (n=44, 61.1%), pour certains centralisés sur le poste central (PC) infirmier (n=35, 49.3%). Le personnel soignant avait en moyenne 2.7 enfants sous LHD et évaluait les constantes en moyenne 8.6 fois par 24 heures ; il n’y avait pas de différence significative entre les CHU et CHG.
Réponses par praticien (n=217)
Le questionnaire s’est poursuivi pour les 109 médecins qui possédaient des LHD dans leur service. Les 2 critères de mise en place les plus fréquents étaient plutôt subjectifs (Tableau 1). Les réglages initiaux comprenaient un débit de 2L/kg/min avec une FiO2 permettant d’obtenir une SpO2 entre 94 et 98%. Le mode d’alimentation associé était principalement l’alimentation entérale continue (AEC n=55 ; 51.9 %) ou l’hydratation intraveineuse (IV n=53, 50%).
Les critères de transfert en réanimation étaient majoritairement les signes de lutte intenses (n=71 ; 65.1%), une hypercapnie > 60 mmHg (n=75 ; 68.8%), l’appréciation subjective du praticien (n=55 ; 50.5%), et la présence de 3 apnées en 1 heure (n=49 ; 45. %). Les critères d’arrêt de LHD (Tableau 2) étaient principalement l’amélioration des signes de lutte et l’appréciation subjective du praticien. Seuls 5 pédiatres sur les 39 répondeurs (12.8%) rapportaient des complications notables à type d’accidents mécaniques : pneumothorax (n=2) et pneumo-médiastin (n=1) et d’effets indésirables cutanés à type d’escarre de la narine (n=2). La majorité (n=26 ; 66.7%) ne rapportait aucune complication.
La majorité des médecins avaient un avis positif sur les LHD. Parmi les répondeurs, la majorité (n=92/104, 88.5%) pensaient que les LHD amélioraient la symptomatologie et le confort du nourrisson. Près de 2/3 (n=69/104, 66.3%) disaient qu’il fallait développer ce dispositif en pédiatrie. Les réponses aux autres questions étaient obtenues chez seulement 43 médecins. Onze sur 43 (25.6% des répondeurs) suggéraient que les LHD soient utilisées dans un service proche d’une réanimation, en attendant un transfert en USIP, par exemple en l’absence d’amélioration après 3-4h d’utilisation ou pour palier un service de réanimation plein, ou en attendant un SAMU. D’autres (n=14/43, 32.6 %) soulevaient un manque de formation aux LHD du personnel, un effectif infirmier insuffisant pour une utilisation en sécurité, l’absence de protocoles écrits pour la mise en place et le sevrage. Près de la moitié (n=18/43, 41.9%) jugeaient les LHD faciles d’utilisation avec un sentiment de diminution du taux de transfert en réanimation.
