structure et composantes du modèle économique d’exploitation
Après l’élaboration d’une typologie fonctionnelle et sa validation par les techniciens et les professionnels (Taché, 2000 ; Alary et al, 2001), nous sommes entrés dans la phase de mise au point et de construction des modèles économiques. Il s’agit d’élaborer un outil d’analyse et d’aide à la décision publique (planification, conseil aux éleveurs, …) qui se base sur la programmation mathématique et sur ses concepts de frontières de possibilité de production en milieu contraignant.
Par ses aspects heuristique et prospectif, cet outil nous aide à découvrir les incohérences dans la représentation du système étudié et à analyser ses possibilités et ses perspectives d’évolution face à des modifications de son environnement. La construction de cette modélisation se situe tout d’abord au niveau de 6 exploitations types retenues et ensuite au niveau de la région. Cette construction ou plutôt « co-construction » passe par un dialogue pluridisciplinaire associant les chercheurs des autres disciplines, les conseillers, les décideurs, les techniciens et les éleveurs eux-mêmes.
Dans chacun des types d’exploitations, le modèle permet de reproduire les choix de production et les techniques adoptées compte tenu des disponibilités et du mode de gestion des facteurs de production sur l’exploitation, mais aussi des contraintes socio économiques. Une fois accomplies ces étapes, une agrégation de l’ensemble des modèles individuels dans un modèle régional permettra de simuler l’évolution de l’ensemble de la filière et d’étudier l’allocation des ressources et leur répartition, qui découlent du système d’aide et de prix dans un cadre cohérent.
L’application de ces modèles se fait sur un horizon de planification multipériodique de 5 ans. Elle tient compte de l’information disponible sur le futur et des liens techniques et financiers « obligatoires » qui existent entre les périodes. En effet, les éleveurs de gros ruminants ne peuvent élaborer leur plan de renouvellement du cheptel sans considérer le devenir de leur exploitation à moyen ou long terme.
Dans cette application, comme nous l’avons déjà signalé, l’année civile sera considérée comme une unité de raisonnement pour toutes les données comptables et technico-économiques ainsi que pour le mode de gestion annuel des aides et des primes, par contre pour les données relatives à l’alimentation des animaux, la gestion des prairies, la définition des catégories d’animaux et la trésorerie l’unité de raisonnement sera la saison.
Deux saisons (périodes) sont ainsi prises en compte dans le modèle à savoir l’été (décembre-mai) et l’hiver (juin-novembre) car elles représentent les saisons climatiques de la Réunion pour lesquelles le mode de gestion technico-économique des systèmes de production change considérablement. Appliqué à chacune des six exploitations types, le modèle économique d’exploitation permet de reproduire les choix de production et les techniques adoptées compte tenu des disponibilités et du mode de gestion des facteurs de production.
Sa construction vise essentiellement une modélisation de – 27 la conduite d’une exploitation sous l’hypothèse de rationalité de l’agriculteur et face aux différentes conditions techniques, économiques et environnementales. Cet objectif ne peut être, néanmoins, atteint que par une identification et une hiérarchisation des facteurs et des déterminants qui affectent les choix des producteurs.
Parmi ceux ci on peut citer (figure 3) : les activités qui s’offrent à l’agriculteur ses objectifs en terme de revenu, d’organisation du travail, de diversification, de protection des ressources naturelles et de l’environnement, etc. Entrées Sorties Maxi : revenu agricole espéré Mini : les coûts Maxi : capital productif Les objectifs * Plan de production * Plan de production Aides/ Prime Charges directes * Modes de * Modes de récolte récolte Besoins-Travail-Équipements-Bâtiments-Alimentation
Les activités possibles Rendements (Lait, MS), Valeurs alimentaires Prix inputs/ outputs Montant global des aides Les paramètres exogènes Techniques Administratives Environnementales Financières Zootechniques Les contraintes Economiques * Animaux * Animaux achetés et achetés et vendus vendus * Surfaces * Surfaces louées et louées et aménagées aménagées Utilisation des Utilisation des ressources ressources * Montants des aides * Montants des aides reçus reçues * Revenus * Revenus … .
Figure 3. Entrées et sorties du modèle économique les ressources dont il dispose : main d’œuvre, foncier, capital technique, capital financier les contraintes agro-climatiques, bio-physiques, économiques, financières qui conditionnent les choix des pratiques et des itinéraires techniques l’environnement socio-économique dans lequel il évolue I. Les activités productives Cette tâche consiste à spécifier « un univers des activités productives possibles » à partir duquel l’agriculteur élabore la combinaison spécifique de son exploitation.
Cet univers se présente sous la forme d’une matrice technico-économique intégrant, d’un côté, les besoins en ressources, en intrants, en main d’œuvre, en capital… de chaque activité, et de l’autre, les impacts de chaque activité au niveau de la production (rendements, valeurs alimentaires, etc.) en fonction de diverses pratiques de gestion (nombre de coupes, type d’aménagement, potentiel génétique…). L’ensemble de ces besoins et ressources constitue des paramètres exogènes aux modèles, ce qui impose une certaine rigidité dans la lecture du système.
Cependant, si on veut par exemple tester les effets des réformes sur l’extensification au niveau des rendements, il est possible de les faire varier en mettant en concurrence des activités plus ou moins intensives et en introduisant un large éventail d’itinéraires techniques et de pratiques de gestion (par exemple des prairies avec différentes modalités de gestion, types d’aménagements, etc).
Cette matrice est élaborée dans le cas réunionnais sur la base de normes régionales établies par les techniciens des organismes spécialisés (Chambre d’Agriculture, Centre de coopération Internationale – 28 en Recherche agronomique pour le Développement (Grimaud et al, 1999 ; Tillard et al, 1997), Etablissement Départemental de l’Elevage, Société d’Intérêt Collectif Agricole en Lait, Union des Associations Foncières et Pastorales,…) ainsi que des données issues des fiches technico-économiques des différentes spéculations pratiquées sur les exploitations enquêtées (voir annexe 2).