Classification
La situation phylogénétique des Myxosporidies demeure très incertaine ; pendant longtemps, elles ont été considérées comme un Phylum à part des Eucaryotes, jusqu’à ce que relativement récemment, la phylogénie moléculaire fondée sur le gène de l’ARN 18S montre que ce sont des Métazoaires, très vraisemblablement des Eumétazoaires. La simplicité de leur organisation doit donc être considérée comme secondaire, résultat de la vie parasitaire. Les cellules à filament polaire ressemblent à des cnidocytes des cnidaires, ce qui a permis d’avancer l’hypothèse selon laquelle les Myxosporidies seraient des cnidaires parasites. Le gène de l’ARN 18S contient des caractères propres et l’absence de feuillets embryonnaires serait le résultat d’une perte secondaire due à la vie parasitaire (LECOINTRE & LE GUYARDER, 2001).
CANNING et OKAMURA (2004) proposent une nouvelle classification fondée sur celle de KENT et al. (2002b) à l aquelle ils ajoutent une nouvelle classe, celle des Malacosporea. Cette nouvelle classification se présente comme suit :
Phylum : Myxozoa Grassé, 1970
Classe des Myxosporea Bütschli, 1881.
• Ordre des Bivalvulida Schulman, 1959.
– Sous ordre des Sphaeromyxina Lom & Noble, 1984 : il comporte une famille et un genre ;
– Sous ordre des Variisporina Lom et Noble, 1984 : il comporte 10 familles et 33 genres ;
– Sous ordre des Platysporina Kudo, 1919 : il comporte une famille et 11 genres.
• Ordre des Multivalvulida Schulman, 1959 : il comprend 6 familles et 7 genres.
Classe des Malacosporea Canning, Curry, Feist, Longshaw & Okamura, 2000.
• Ordre des Malacovalvulida Canning, Curry, Feist, Longshaw & Okamura, 2000.
-Famille des Saccosporidae Canning, Okamura & Curry, 1996.
Genre Buddenbrockia Schröder, 1910.
Genre Tetracapsuloides Canning, Tops, Curry, Wood & Okamura, 2002.
Cycle de développement
La plupart des espèces de Myxosporidies connues sont monoxènes. Cependant d’importants travaux de r echerche ont été réalisés et ont permis de déc rire quelques espèces de Myxosporidies à cycle dioxène, comme Myxobolus cerebralis.
En effet en 1983, WOLF & MARKIW ont signalé que le cycle de développement de M. cerebralis avait lieu chez un poi sson salmonidé, hôte définitif et un oligochète, Tubifex tubifex (Müller, 1774), hôte intermédiaire. D’autres auteurs ont montré que, outre M. cerebralis, beaucoup de Myxosporidies se développent aussi bien chez un oligochète que c hez un pol ychète mais le plus souvent chez un ol igochète (El-MATBOULI & HOFFMANN 1989, 1993 ; GROSSHEIDER & KÖRTING 1992 ; El-MATBOULI et al.,1992a et b ; BENADJIBA & M ARQUES 1993 ; YOKOYAMA et al., 1993 ; USPENAKAYA 1995 ; TROUILLIER et al., 1996 ; BARTHOLOMEW et al., 1997 ; El-MANSY & MOLNAR 1997a et b ; El-MANSY et al., 1998 a et b ; SZÉKELY et al., 1998 ; SZÉKELY et al., 1999a et b ; ESZTERBOUER et al., 2000). Il en est de même de Myxobolus pseudodispar (Gorbunova) dont le cycle de développement est également dioxène avec, comme hôte intermédiaire Tubifex tubifex et hôte définitif Rutilus ritulus (L). (SZÉKELY et al. 2001). Dans la plupart de ces études, les auteurs ont infecté un ol igochète ou pol ychète hôte intermédiaire avec des myxospores provenant d’un poisson parasité et, après développement chez le ver, ils ont obtenu des actinospores type Triactinomyxon, Raabei, Aurantiactinomyxon et Neoactinomyxum. En revanche, KENT et al. (1993) ont infecté un poisson Salmonidé, Onchorhynchus nerka, avec des Triactinospores provenant d’un oligochète, Silodrilus heringianus et ces actinospores se sont développées dans le cerveau du poisson hôte en Myxobolus articus. Par ailleurs, YOKOYAMA et al. (1995) ont infecté le poisson doré, Carassius auratus (L), avec des actinospores types Raabeia provenant d’un hôte intermédiaire, Branchiura sawerby ; ces actinospores se sont transformées en Myxobolus cultus.
Le cycle de développement complet (Phase Myxosporidie et Actinosporidie) est décrit seulement chez quelques espèces. C’est ainsi que El-MATBOULI & HOFFMANN (1998) ont répété, avec succès, l’expérience de WOLF & MARKIW (1983) avec M. cerebralis. Par ailleurs, RUDISH et al. (1991), BARTHOLOMEW et al. (1997) et YOKOYAMA (1997) ont décrit, respectivement, le cycle de développement de Myxobolus pavlovskii, Ceratomyxa shasta et Thelohanellus hovorkai.
Il ressort de ces travaux que le cycle de développement le mieux décrit et le plus connu est celui de M. cerebralis (Fig. 1), parasite des parties cartilagineuses du squelette axial des Poissons Salmonidés, que no us présentons ci-dessous à t itre illustratif.
Le stade infestant le poisson est une spore émise dans l’eau à partir d’un autre hôte, Tubifex tubifex (annélide). Cette spore, attribuée précédemment au ge nre Triactinomyxon, est pluricellulaire. Elle comprend : une enveloppe formée de trois (3) cellules ou valves, à prolongement postérieur effilé ; trois capsules polaires contenant chacune un filament enroulé, tube creux ; le sporoplasme (plasmode multi nucléé contenant des noyaux végétatifs et des cellules individualisées), véritable germe infectieux. La spore se fixe sur la peau (ou les branchies) d’un jeune salmonidé. Les filaments polaires, en se dévaginant, contribuent à la fixation et provoquent une lésion. Les valves se séparent et le sporoplasme pénètre dans l’épiderme. Commence alors une longue phase de prolifération présporogonique intense qui se déroule dans le tégument puis dans le système nerveux. Les cellules du plasmode s’isolent. Chacune pénètre dans une c ellule épithéliale et devient une cellule primaire qui grossit. Son noyau se divise ; une vacuole et une membrane isolent l’un des deux (2) noyaux-fils, formant une cellule secondaire à l ’intérieur de l a cellule primaire. Des divisions mitotiques de l a cellule secondaire donnent de nom breuses cellules secondaires, lesquelles, par division endogène, deviennent des doublets c2-c3. Ces derniers sont libérés et peuvent pénétrer dans d’autres cellules ou m igrer dans les tissus sous-cutanés. Là, des mitoses de l a cellule interne donnent de nom breuses cellules internes ; chacune subit une division endogène et devient un autre doublet c3-c4. Les doublets libérés pénètrent dans le système nerveux périphérique, puis central, où i ls subissent une évolution identique à c elle décrite dans les tissus sous-cutanés. Les doublets c4-c5 libérés peuvent devenir des triplets. Doublets et triplets passent dans le cartilage de la tête ou de la colonne vertébrale du jeune poisson ; ils deviennent, après de nombreuses divisions nucléaires, de petits plasmodes où s ’individualisent des noyaux végétatifs et des cellules « germinatives ». Le cartilage est donc envahi par de nombreux petits plasmodes. Chacun détruit le cartilage par lyse enzymatique (digestion extracellulaire), se nourrit par pinocytose, grossit et se fragmente par palintomie pour donner plusieurs plasmodes polysporogoniques dans lesquels va se dérouler la sporogénèse. Les cellules germinatives s’associent deux à deux ; dans chaque couple, une cellule, le péricyte, va envelopper l’autre qui est la cellule sporogonique. Chaque couple devient un p ansporoblaste, dans lequel le péricyte se divise, donnant deux cellules enveloppes qui assurent la nutrition de la cellule interne ; celles-ci se divise, donnant deux sporoblastes, cellules-mères des spores ; chaque sporoblaste subit trois divisions nucléaires aboutissant à la formation de six noyaux qui se repartissent dans cinq cellules formant une s pore : les deux cellules valvaires, les deux cellules capsulogènes, et le sporoplasme binucléé ; la réduction chromatique aurait lieu pendant les deux dernières divisions du noyau du sporoblaste. Le pan sporoblaste mûr, ou pansporocyste, contient donc deux spores qui sont mûres huit mois environ après l’infestation initiale et qui peuvent subsister dans le cartilage pendant trois ou quat re ans. Si le poisson parasité est mangé par un pr édateur, les pansporocystes sont détruits et les spores, intactes, sont évacuées avec les excréments ; elles peuvent aussi passer du cartilage de l’hôte dans le sang puis dans l’intestin et les excréments, ou sortir directement du cartilage à l’extérieur ; elles sont aussi libérées à la mort de l’hôte. Après leur émission dans l’eau, les spores peuvent être ingérées par un tubifex ; dans le tube digestif de celui-ci, les filaments polaires s’évaginent brutalement et blesse la paroi intestinale ; les deux valves s’ouvrent alors, libérant le sporoplasme qui pénètre dans la cellule par la plaie ; à ce moment, les deux noyaux du sporoplasme fusionnent en un s yncaryon diploïde (reproduction sexuée par autogamie) ; le sporoplasme, amiboïde, est le seul stade unicellulaire du cycle. Dans la cellule intestinale, le sporoplasme se divise abondamment, donnant de nombreuses cellules filles qui envahissent les cellules épithéliales voisines. Chacune des cellules subit des divisions pour constituer un pansporoblaste à trois cellules enveloppes et huit cellules internes, les cellules-mères des spores ou s poroblaste. Celles-ci se divisent pour donner chacune une spore pluricellulaire du t ype triactinomyxon, d’où la présence de h uit spores dans le pansporoblaste mûr, ou pans porocyste. La c ellule hôte éclate ; les spores, évacuées dans l’eau par égestion ou par mort de l ’hôte, gonflent et les prolongements postérieurs des valves s’étalent.
Actions pathogènes
L’enquête sur l’incidence des Myxosporidies a été menée intensivement dans l’aquaculture depuis la fin du siècle dernier à c ause des effets pathogènes que c es parasites induisent chez les poissons hôtes (GBANKTO et al., 2001). Ainsi, les actions pathogènes de nombreuses Myxosporidies ont été mises en évidence ; parmi celles-ci, il a été signalé la myoliquéfaction des tissus musculaires après la mort du poisson hôte (BARDJA & TORANZO, 1993 ; PAMPOULI et al., 1999), la réduction de la capacité respiratoires (MOLNAR & SZEKELY, 1999) et de la fécondité de l’hôte (SWEARER & ROBERTSON, 1999), voire sa castration (SITJA-BOBADILLA & AL YAREZ-PELLITERO, 1993). En fait, les effets pathogènes de nombreuses Myxosporidies ont été relatés dans d’autres travaux réalisés à travers le monde, comme par exemples :
– Myxobolus cerebralis, s’attaque aux tissus cartilagineux de la tête et de la colonne vertébrale en pr ovoquant ainsi une m aladie appelée Tournis chez les Salmonidés. Il est aussi à l ’origine d’une dégénérescence des tissus cartilagineux couplée à une réaction inflammatoire (HALLIDAY, 1976).
– Myxobolus pfeifferi ou M. exiguus induit la formation de nombreux plasmodes qui sont à l’origine de tumeurs volumineuses (5 à 6 cm de diamètre) chez Leuciscus rutilus L (SIAU, 1978).
– Myxobolus dahomeyensis (Siau, 1971) induit la castration chez Tilapia sp. du Bénin en Afrique de l’Ouest en détruisant les ovaires de ces derniers (GBANKOTO et al., 2000).
– Myxobolus aeglefini Auebach, 1906 a ét é décrit dans le muscle squelettique de Allolepsis hollandi (Zoaridae : perciforme) capturé en milieu marin au Japon. Il provoque la formation de gr os kystes blancs d’environ 3 m m de diamètre implantés au has ard dans le muscle, lui donnant ainsi une apparence non commercialisable (YOKOYAMA et al., 2000).