Sociologie de la diffusion du discours djihadiste

Sociologie de la diffusion du discours djihadiste

La propagande serait une méthode de communication et d’influence, qui utiliserait des techniques de persuasion, différents procédés et moyens de communication. Ce serait pour Richard Alan Nelson : « une forme intentionnelle et systématique de persuasion, ayant le but d’influencer les émotions, les attitudes, les opinions et les actions des groupes cibles pour attendre des objectifs idéologiques, politiques ou commerciaux, à travers la transmission contrôlée des messages d’information partiale via les canaux directs de masse et des médias »453.

Elle chercherait à produire des effets bien spécifiques sur les personnes réceptrices de son message : l’engagement, la fascination, ou inversement la peur, la terreur. Pour y arriver, elle emploie plusieurs procédés et méthodes, notamment la manipulation des émotions, mais elle utilise aussi des moyens et supports de diffusion afin que celle-ci soit vue, lue, entendue454.

Pour comprendre l’efficacité d’un discours de propagande, il faut pouvoir en mesurer l’impact, qui passe par une analyse de sa réception par les cibles. Quand on parle de réception ici, on désigne l’impact du discours de propagande de l’Etat Islamique sur les processus de radicalisation, les chiffres des départs sur zone et les passages à l’acte terroristes en occident, surtout en France, mais aussi sur l’opinion publique concernant le sort des djihadistes, ou le sentiment d’insécurité.

Procéder à une telle analyse pose plusieurs difficultés, la principale, qui concerne la réception par les djihadistes eux-mêmes, est expliquée par les travaux de Pierre Conesa, Margaux Chouraqui et François Bernard Huyghe, et repose sur la nécessité de pouvoir interroger un échantillon représentatif, soit des personnes qui se sont radicalisées, et ont été exposées à la propagande concernée durant ce processus455.

L’accès à un tel public, dans un contexte encore sécuritaire fébrile, est loin d’être évident. Par ailleurs, même en présence d’un échantillon représentatif, la question de l’honnêteté des témoignages, surtout dans le cadre d’une procédure judiciaire en cours, pose aussi des difficultés. S’il existe bien des témoignages médiatiques de djihadistes eux-mêmes, ou de leurs familles, sur le rapport entre djihad et propagande, ces témoignages sont épars et imprécis.

Le témoignage d’Hayat Boumediene, qui affirme dans le magazine Dar Al Islam que son mari, Amedy Coulibaly, auteur des attentats de Montrouge et de l’Hyper Casher, était fasciné par la propagande de l’Etat Islamique, est intéressant mais n’apprend que peu de choses. En effet, ce témoignage étant tiré d’une revue de propagande appartenant au groupe et visant à influencer de potentiels sympathisants, son authenticité peut être questionnée.

Par ailleurs, quand Amedy Coulibaly consulte ladite propagande mentionnée, sa radicalisation est déjà consommée depuis plusieurs années, à la suite de plusieurs séjours en prison. Aussi, ce témoignage ne répond pas à l’ensemble des questions posées plus haut de manière satisfaisante. Le fait que la propagande du groupe fascine les personnes déjà radicalisées n’a pas réellement de quoi surprendre, en revanche plus intéressant est le fait que l’on peut supposer qu’elle constitue un éventuel pont vers leur départ effectif sur la zone irako-syrienne à partir de 2013,

et vers un passage à l’acte. Aussi, cette interview est intéressante pour comprendre le rapport entretenu par les personnes radicalisées avec la propagande, et les émotions qu’ils ressentent une fois exposés à ces supports, mais cela nous dit peu de choses sur l’impact de la propagande dans les processus de radicalisation.

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