Une question récurrente mais peu abordée de façon directe

Une question récurrente mais peu abordée de façon directe

Un ouvrage de référence, un guide, des articles épars

Le seul ouvrage explicitement consacré au thème de la sortie et des sortants de prison est celui, paru en 1978, que Edith Falque a consacré au ressenti et aux difficultés administratives et matérielles des anciens détenus qu’elle avait pu rencontrer dans des foyers d’accueil parisiens. Il y est déjà question de grandes difficultés de logement, et ce dès 1971. Y sont abordés tous les effets psychologiques et toutes les peurs réelles, ou nourries par les personnes sortant d’une période de détention :

la rupture des liens familiaux, amicaux et sociaux, et la solitude, la crainte des préjugés et du regard des autres, le dépaysement et la peur de la Liberté. L’auteur rapporte les propos des personnes rencontrées, et l’une d’elle conclue que « …en réalité notre peine ne commence que lorsque l’on sort »87. En s’entretenant avec les sortants de détention hébergés en foyer d’urgence, l’auteur ne pouvait que se retrouver face aux personnes les moins bien insérées, celles qui devaient cumuler le plus grand nombre de problématiques sociales.

Pour éviter que ce biais n’influence de façon excessive les constats que l’auteur entendait poser dans son étude, elle opère une extension de son observation, notamment, de façon trans-générationnelle. Ce décalage du regard l’amène à postuler la « perpétuation de la misère » en parlant de « sous-prolétariat », voué au mieux, aux « métiers de parias ». La prison apparaît alors comme un marquage social qui empêche une véritable réadaptation. 

Philippe Combessie observe déjà que « Les études statistiques sont beaucoup plus difficiles, il faut faire des suivis de cohortes, cela demande des procédures lourdes qui se heurtent à des interdictions légales. L’observation non statistique n’est pas sans difficulté : les sortants de prison, souvent sans emploi et sans famille, sont plus mobiles et parfois moins à la disposition du sociologue que lorsqu’ils étaient enfermés ».

Cet état de fait ouvrirait pour l’auteur comme un vrai droit à être aidé, comme une revendication à porter. Et c’est précisément sur le terrain de la revendication que se porte l’action de la section française de l’Observatoire International des Prisons (OIP). Cette association, créée en 1996, a pour objet de « promouvoir le respect des droits fondamentaux et libertés individuelles des personnes incarcérées »88.

Elle rend public un certain nombre de constats faits quant à la condition des détenus dans les prisons françaises. Elle alerte les pouvoirs publics et l’opinion par ses différentes publications. Au nombre de celles-ci on compte une revue bimestrielle, un rapport annuel et un guide ; « le guide du prisonnier », qui est actualisé et remis à jour tous les 2 ans depuis sa première édition en 2000.

En application de la philosophie à la base de son action, l’OIP édite ce guide89 dans une logique d’accès au droit et pour voir la diminution de l’écart régulièrement dénoncé entre le Droit et la réalité. Cet ouvrage suit l’ordre chronologique des étapes d’un parcours de prisonnier : les droits de la défense, les formalités administratives lors de l’incarcération, le régime disciplinaire, les relations avec l’extérieur, enfin tous les aspects de la vie en détention, et ce jusqu’à l’élargissement du prisonnier.

A la demande des détenus, des familles et d’associations impliquées auprès de la population pénale, l’OIP a publié en 2006, « le guide du sortant de prison »90 qui devait prendre le relais du guide du prisonnier, reprenant la situation juridique et sociale du prisonnier à l’approche de sa libération et une fois de retour dans la cité. Ce guide, en trois grands chapitres, aborde toutes les questions qu’un détenu sortant ou récemment sorti de prison peut se poser.

Y sont détaillés toutes les formes d’aménagements de peines, les procédures pour les solliciter, la préparation à la sortie et tous les droits sociaux dont les sortants peuvent se prévaloir (ceux accordés à tout citoyen libre en fait). Et enfin toutes le mesures de contrôles après la sortie, mesures rendues possibles par des décisions de justice de plus en plus fréquentes91.

Cependant, ce guide pour complet qu’il puisse être en terme d’information quant aux droits sociaux ouverts aux anciens détenus, aux procédures et recours à mettre en place pour rendre ces droits effectifs, confirme qu’il n’existe pas de dispositifs sociaux particuliers prévus à l’attention de ce public.

Les auteurs de ce guide rencontrés dans le cadre d’un entretien92 estiment que l’absence de dispositifs particuliers destinés au public des sortants de prison serait moins un problème que le manque de moyens constaté pour la simple introduction des dispositifs sociaux de droit commun en prison. Ils dénoncent davantage l’absence de textes sur la préparation à la sortie, textes qui feraient de cette étape une obligation légale pour l’administration pénitentiaire.

Cette phase d’anticipation résoudrait tous les problèmes rencontrés au dehors par les sortants de prison et évacuerait la question de la nécessité de dispositifs particuliers destinés aux libérés (une réserve est cependant émise quant à prise en charge des sortants de longues peines).

Outre l’absence de références normatives93, ils déplorent enfin le manque d’indicateurs pour évaluer la réussite de la réinsertion. La réinsertion sociale qui, pour eux, devrait être assortie de la même obligation de résultat que l’obligation de sécurité des établissements pénitentiaires.

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