Quantification de protéines en matrice complexe par ID-LC-MS/MS
Sérum et protéines du sérum
Les matrices biologiques telles que le sang (sérum/plasma), l’urine et le liquide céphalorachidien sont des sources très riches en informations qui reflètent l’état physiologique et physiopathologique de l’organisme. L’analyse des composés circulants dans ces matrices est un outil très efficace pour le diagnostic, le pronostic, et le suivi du traitement de différentes maladies (185). La détection et la quantification des protéines d’intérêt biologique et clinique, souvent présentes en faible concentration,
représentent un défi en raison de la présence de milliers d’autres protéines à des concentrations étendues sur une très large gamme dans ces fluides biologiques. Le degré de complexité dépend du type de matrices biologiques utilisées. En effet, la concentration journalière des protéines secrétées dans l’urine est d’environ 10 à 300 mg/1,5L/jour (186), la concentration protéique dans le liquide céphalorachidien est d’environ de 0,25 mg/mL (187), tandis que la concentration protéique dans le sérum/plasma est de l’ordre de 60 – 80 mg/mL (188).
Une étude réalisée avec plus de 20 000 échantillons de patients a permis d’estimer que la concentration totale de protéines sériques se situe entre 22 et 102 mg/mL (189). Le sang total, le plasma et le sérum sont considérés comme les matrices les plus utilisées dans les analyses en biologie médicale (190), car elles contiennent la plupart des protéines produites dans le corps (191) et elles fournissent les informations les plus complètes concernant les conditions physiologiques et pathologiques d’un individu.
Cependant, la complexité de la composition de ces matrices présente de nombreux obstacles dans le développement de la méthode d’analyse. Selon le dernier rapport du projet sur le protéome plasmatique humain (dit The Human Plasma Proteome Project) publié en 2017 par l’organisation du protéome humain (HUPO), plus de 4 800 protéines ont été détectées dans le plasma humain ce qui représente environ 20 % de la totalité de protéines humaines (192,193).
Un autre challenge pour l’étude des protéines sériques/plasmatiques est la large gamme dynamique, jusqu’à 12 ordres de grandeur, entre les protéines les plus abondantes et les moins abondantes (194,195). L’albumine est la protéine la plus abondante et représentante plus de 50 % des protéines sanguines.
Les dix protéines les plus abondantes telles que l’albumine, les immunoglobulines G, A et M, la transferrine, le fibrinogène, l’α-2-macroglobuline, l’α-1 antitrypsine, le complément C3 et l’haptoglobine représentent presque 90 % de la quantité totale des protéines plasmatiques/sériques (196) (Figure 23). Douze autres protéines représentent 90 % des 10 % restant (196). Un nombre important de protéines présentant un intérêt clinique sont donc des protéines de faible abondance, et font partie de la fraction représentant moins de 1 % des protéines totales. 68 Chapitre IV. Quantification de protéines en matrice complexe par ID-LC-MS/MS
Figure 23. Distribution des protéines sériques/plasmatiques L’albumine est la protéine la plus abondante avec plus de 50 % de la quantité totale des protéines sériques/plasmatiques. Les protéines de moyenne et faible abondance ne représentent que 10 % de la quantité totale des protéines. La plupart des biomarqueurs sont des protéines de faible abondance présentes dans la fraction représentant 1 % de la quantité totale de protéine.
Outre les protéines, les matrices sériques/plasmatiques contiennent également d’autres composés tels que les sucres (~0,8 mg/mL) et les lipides (~6 mg/mL). Ce sont des composés qui peuvent potentiellement générer des interactions indésirables lors de la préparation d’échantillon et des effets suppresseurs dans la détection en spectrométrie de masse (186). Le choix de matrice entre sérum ou plasma est important car ces deux matrices présentent des caractéristiques différentes (Figure 24). Pour la préparation du sérum, le sang total est prélevé dans un tube sec, dans lequel le sang coagule rapidement pour donner un caillot contenant de la fibrine et des cellules sanguines telles que les globules rouges, les globules blancs et les plaquettes.
Après une centrifugation, la structure de départ de coagulum est perdue pour créer deux phases : une phase liquide appelée sérum et phase solide appelée agrégat, qui contient de la fibrine et des cellules sanguines. Quant au plasma, il est obtenu par un prélèvement de sang total dans un tube contenant des agents anti coagulants afin d’empêcher la coagulation.
Après centrifugation, les cellules sanguines sont culottées au fond du tube, tandis que le surnageant correspond au plasma. Par conséquent, contrairement au sérum, le plasma contient des fibrinogènes et des agents anti-coagulants. Les agents anti-coagulants, les plus couramment utilisés sont l’acide éthylène tétra-acétique (EDTA), le citrate de sodium ou l’héparine de lithium. Le choix des agents anti-coagulants est important car il peut impacter le résultat d’analyse.
En effet, selon une étude de Hsieh et al. sur les protéines plasmatiques de faibles masses moléculaires (< 24 KDa), plus de 78 % du nombre de pics observés par la technique de spectrométrie de masse MALDI-TOF a un coefficient de variation supérieur à 20 % entre les trois types d’agents (EDTA, héparine et citrate). (197).