Proposition d’une définition de l’annotation pour la coopération
Un lien vers le document
L’indexation se fait à base d’index. Un index doit indiquer une direction, montrer un emplacement. Pour indexer un document, il suffit de placer un index, c©est-à-dire un petit objet mobile qui sert à distinguer un document dans un ensemble. Tout comme le marque-page ou le signet servent à distinguer une page dans un livre, l’annotation sert à repérer un passage dans une page. Ainsi, cette idée d’indicateur est inhérente à l’annotation. En effet, comme le souligne (Fogli et al., 2005) l’annotation est ancrée à une cible qui est sa base. Une cible est l’objet auquel l’annotation se rapporte (son ancre physique et le contenu du texte d’ancrage).
Cette cible peut être une collection de documents, un document, une ou des parties de document, quelle que soit la nature du document (texte, photo, musique, objet, …). Dans (Marshall, 1998b), C. Marshall effectue un relevé détaillé des points d’ancrage des annotations dans un texte. La première technique de mise en relation graphique est formelle (Marshall, 1998a) et est constituée d’une flèche, ou ligne pour lier l’annotation à sa cible.
La seconde utilise des parenthèses, des crochets, des accolades ou ce type de marques pour associer un commentaire au texte. Vu le flou que laisse une accolade dans une marge, le lien effectué ici devient plus flottant, plus informel et non explicite (Marshall, 1998a). En dernier lieu, le lecteur se fonde sur la proximité de l’annotation avec une partie du texte pour les mettre en relation. Dans ce dernier cas, l’ancrage, c©est-à-dire le point de départ ou d’arrivée de la relation entre l’annotation et le document a des variations importantes.
Il va sans dire que la plupart des notations ne sont ni explicites, ni formelles et qu’elles obéissent à des besoins cognitifs peu stables de mise en relation, de mise en exergue ou d’aide-mémoire incident. Cette relation d’un objet à un autre à un emplacement temporairement fixe a inspiré en informatique l’adressage et l’indexation des données
Folksonomies, ethno-classifications et classifications vulgaires
Cette problématique de classification populaire (ou folksonomy) n’est pas nouvelle. Dans les réflexions sur les bibliothèques numériques (BN), en 1996, Susan Star (1996) souligne 31 Collection de matériels documentaires, plus ou moins cohérents et organisés (Pédauque, 2006) 77 l’intérêt de rendre la sérendipité32 aux BN. (Star, 1996) parle alors d’ethnoclassification pour qualifier les schèmes de classification mis en place individuellement par chaque utilisateur et fusionnés aux schèmes de classification proposés par les documentalistes.
La recherche d’information est un processus de sélection actif. Les utilisateurs « prennent et adaptent » pour trouver l’information dont ils ont besoin. Les BN pour être accessibles aux utilisateurs et leur permettre la sérendipité dans leurs recherches, doivent donc comprendre ces schèmes de classification développés par l’utilisateur pour les intégrer dans des classifications plus formelles utilisables en documentation.
Là où S. Star évoque l’ethnoclassification, Peter Merholz (2001) parlera plutôt de thésaurus vernaculaires à propos des thésaurus développés pour l’indexation de site Web communautaires. Il s’agit des stocks de mots mis en place dans une certaine communauté pour indexer ses informations. P. Falzon (1989, 1991) dans ces travaux sur les vocabulaires professionnels souligne que dans des contextes communautaires, de nombreux raccourcis sont utilisés entre collaborateurs.
En introduisant des phénomènes d©abréviations (Ribeiro, 2006), d’ellipses et de métonymies, les collaborateurs forment un vocabulaire spécifique à leur groupe (lol, bjz) et à leur domaine (« la note pour l’andouillette et le banana split du client de la table 2 » « l’addition de l’andouillette de la 2 »). Ces phénomènes sont abordables par une communauté tant que les conditions de prédiction sont satisfaites. Lors de la mise en place de schèmes de classification dans une communauté, les ethnoclassifications, ou folksonomies, apparaissent de même, souvent fondées sur le sociolecte partagé dans cette communauté.
P. Merholz décrie le terme de T. Vander Wal, folksonomy, qui émerge du Web Social (WSo) puisque le rappel à taxonomy évoque une classification hiérarchisée (type de relation est-un) alors que la folksonomie n’a pas de relations de ce type et que l’étiquetage de ressources n’impose pas d’avoir affaire à une taxinomie. T. Gruber (2005) parle des folksonomies en tant que « the emergent labeling of lots of things by people in a social context33 »,
mais considère l’apport de cet étiquetage bottom-up comme important par sa complémentarité avec l’approche en général top-down des ontologies formelles. Les folksonomies s’apparentent ainsi à l’indexation plein-texte (un terme potentiel par dimensions du terme) avec en plus la sélection active d’un index par un utilisateur. Cependant, T. Gruber signale que pour partager ces étiquettes, interopérer ou coopérer dans un écosystème de ressources, il est nécessaire de construire une infrastructure, une ontologie.