Production de fragments
Fragments et noyaux chauds
On parle de noyaux chauds quand leur température est de l’ordre de quelques MeV (jusqu’à une dizaine de MeV). Sur le diagramme des phases (figure 1.1), ces tempéra tures correspondent à une petite région (sur l’axe des ordonnées) autour de la densité de saturation. En effet, nous allons considérer que les fragments sont des noyaux chauds, c’est-à-dire des noyaux avec une densité plus ou moins proche de la densité de satura tion mais qui stockent de l’énergie.
Si l’on sait que l’énergie de liaison d’un nucléon est de l’ordre de 8 MeV, une température supérieure à cette valeur provoquera forcément une émission de nucléons du noyau chaud voire sa désagrégation. De fait, les noyaux ont une limite d’existence liée à leur température. Ces températures ont pour origine la nature même de la matière nucléaire. Celle-ci peut être considérée comme visqueuse, de fait lors des collisions d’ions lourds, la matière se frictionne.
Ces frictions transforment l’énergie cinétique en énergie « désordonnée », qu’on peut appelée « thermique ». Ces fric tions sont une image des interactions résiduelles. Tout d’abord, on va discuter sur cette énergie interne qu’on appelle aussi énergie d’excitation, pourquoi est-elle aussi importante dans la modélisation des collisions d’ions lourds et quels sont les enjeux pour la comparaison avec les données expérimentales. Mais, cette énergie n’est pas aisée à estimer avec les modèles, donc on étudiera aussi quelques observables cinématiques, qui sont simplement comparables avec les résultats expérimentaux.
Énergie d’excitation
Tout d’abord, on va fixer les ordres de grandeur. Pour des énergies d’excitation dans la fraction du MeV, nous sommes dans le régime des excitations collectives, donc des ef fets à basse-énergie. Pour monter au delà et atteindre 2 ou 3 MeV par nucléon, on réalise les collisions d’ions lourds, avec des énergies incidentes de quelques dizaines de MeV par nucléon. A ces énergies là, les noyaux peuvent se briser et le processus de multi fragmentation peut se produire.
Pour des énergies plus élevées, autour de l’énergie de liaison du nucléon (8 MeV/A) et au delà, on produit des systèmes qui atteignent leur li mite de stabilité. Pour des énergies d’excitation bien plus élevées (la centaine de MeV par nucléon) on entre dans le régime de la matière hadronique. Vu que notre étude se porte sur les noyaux chauds, nous nous limiterons à des énergies de faisceaux de quelques di zaines de MeV par nucléons, pour atteindre des énergies d’excitation jusqu’à la dizaine de MeVparnucléon.
Une composante importante sur la discussion des noyaux chauds reste leurs durées de vie. En effet, les noyaux chauds possiblement formés vont se thermaliser en émettant des particules accompagné d’une re-distribution de la densité. La question de la durée de thermalisation est importante pour savoir à quel instant nous devons « capturer » et analyser la distribution en fragments de notre système. Si nous effectuons la recherche de fragments trop tôt, nous sommes peut être encore en phase dynamique, là où les frag ments se forment.
Ou trop tard, les équations ETDHF avec un système à température non-nulle tendent à étaler la distribution en densité et il est, de fait, impossible de retrou ver les fragments si les noyaux chauds sont d’ores-et-déjà trop étalés [VTV87]. Donc, il convient de choisir le juste instant pour capturer la distribution au bon moment. Pour calculer l’énergie d’excitation E d’un fragment A ZX, on se basera sur l’écart entre son énergie totale Etot à l’instant t et son énergie totale E(HF) 0 selon la procédure du chapitre 2). E[A ZX](t) = Etot[A ZX](t) E(HF) 0 [A ZX] fondamentale (calculée (5.1)
Pour cela, on utilisera notre code qui prépare les noyaux dans leurs états fondamentaux sur un large ensemble des noyaux connus (expression A.53). La connaissance de l’énergie d’excitation des fragments est une information impor tante si l’on veut prendre en compte leurs désexcitations dans la comparaison avec les données expérimentales. Cette phase asymptotique peut être effectuée par des modèles statistiques qui supposent queladistributiondefragmentsn’estplusaffectéeparladyna mique et l’interaction nucléaire.
Par exemple le code SIMON [Dur92] traite en simultané cette phase de désexcitation secondaire (émission de particules, cassure, …) et les trajec toires coulombiennes (modification des vecteurs impulsions à des temps asymptotiques). Pour la suite, au chapitre 6 relatif à l’étude sur le pouvoir d’arrêt, nous ne prendrons en compte que les effets de la prolongation coulombienne, la désexcitation secondaire n’étant pas prise en compte.
Pouvoir d’arrêt
Nouspouvonsnousintéresserauxdifférentstravaux [Lop+14a;BEM16a]quiportent sur le pouvoir d’arrêt (ou stopping). Cette observable se définit comme le rapport (iso trope) de l’énergie cinétique perpendiculaire Ei sur l’énergie longitudinale Ei (axe du faisceau) de la particule i dans le centre de masse de la réaction. RE = 1 2 iEi i Ei (5.2)
Cette observable traduit la dissipation et le freinage subi par les noyaux en collision et son utilisation se porte surtout sur les collisions centrales aux énergies intermédiaires, là où les effets de champ-moyen et des interactions résiduelles sont en compétition. On peut estimer que le stopping varie entre deux valeurs limites, celles-ci peut-être estimée avec un modèle simple de deux sphères de Fermi (V1 et V2) (de même rayon pF) et sépa rées de l’impulsion incidente pinc