Les enjeux de la dimension culturelle dans la FAD et variables d’opérationnalisation de la culture
A travers l’étude du rapport au temps de l’apprenant dans un dispositif de FAD, nous posons en premier lieu, la question de la prise en compte de la dimension culturelle dans la mise en œuvre des formations ouvertes à distance axées sur l’apprentissage collaboratif supporté par des artefacts numériques. Bien qu’elle soit évoquée comme une des dimensions importantes de la FAD en tant que distance à dompter par Deschènes & Maltais (2006) Jacquinot-Delaunay (1993), la dimension culturelle de la FAD a suscité peu d’intérêt des chercheurs (Ashong & Commander, 2012; Boyette, 2008) et Fortier (2002) cité par (Asselin, 2007).
Dans l’espace francophone surtout où Jacquinot-Delaunay (1993) retient l’insuffisance des ressources et des efforts consacrés à cette dimension et s’interroge sur ce paradoxe dans la mesure où certaines études tendent à corroborer l’influence des facteurs socioculturels des apprenants sur l’apprentissage collaboratif à distance.
Les progrès réalisés dans le domaine des technologies 41 de l’information et de la communication ont permis d’abolir la distance physique et ont élargi le public cible au-delà des frontières géographiques des territoires des institutions porteuses de ce type de formation (Karsenti et al., 2008, 2009, 2013). Par ailleurs, Chervrier (2003), Schneider (1997) notent que tout individu est caractérisé par une diversité de cultures. Cette diversité peut relever de la nationalité, de l’origine sous régionale, ethnique et même de son organisation de travail.
Partant de ce constat, Wilhelm (2012b) considère le dispositif techno pédagogique comme un espace où se rencontre une multitude de cultures eu égard à la diversité culturelle des intervenants de par leurs origines géoculturelles, leurs nationalités, leurs ethnies. La diversité culturelle des acteurs apparaît alors comme une réalité que les institutions d’offres de FAD doivent prendre en compte dans la conception et la mise en œuvre de leurs programmes (Ziegahn, 2001). En outre, l’ouverture de la formation à un public plus diversifié au niveau des profils d’apprentissage et des différences culturelles constitue un nouveau défi pour les acteurs de conception et de la mise en œuvre des offres de FAD (Reushle & Mcdonald, 2000).
Au-delà de la différence des fuseaux horaires qui pose un problème de convergence temporelle pour la réalisation des activités collaboratives (Romero, 2009), la diversité culturelle du public cible de la formation ouverte et à distance est susceptible d’avoir un effet sur le fonctionnement et la performance de ce type de dispositif de formation (Coulibaly, 2002; Dejean-Thircuir, 2008) où l’approche pédagogique dominante repose sur la réalisation d’activités d’apprentissage collaboratif.
D’où l’intérêt de notre étude qui vise à analyser l’implication des caractéristiques culturelles des apprenants dans la mise en œuvre des activités collaboratives à distance à partir de leur rapport au temps dans la plateforme numérique de formation. Dans les différentes études que nous avons pu parcourir, l’origine régionale, la nationalité et l’ethnie constituent les variables par lesquelles la culture est opérationnalisée.
Ces variables sont mises en lien avec le style d’apprentissage (Joy & Kolb, 2009), la perception de l’apprentissage collaboratif en ligne (Ashong & Commander, 2012; Zhu, 2012), les interactions et le partage des connaissances (Du et al., 2015; Marchessou, 2005; Zhang et al., 2014) et dans une moindre mesure la persévérance, l’utilisation des ressources et la réussite en FAD (Normand et al., 2015).
Alors que pour l’étude de la dimension culturelle de la FAD, il est indiqué de considérer à la fois la culture nationale et « intranationale » (Deschènes & Maltais, 2006) d’une part et les différences individuelles d’autre part. Pour cerner les différences individuelles, les variables d’opérationnalisation de la culture considérées dans ces études apparaissent globalisantes et par conséquent semblent inefficaces pour mettre en évidence les 42 caractéristiques culturelles individuelles des participants. D’où l’importance de recourir à des approches faisant appel à des outils qui prennent en compte ces insuffisances.
Les difficultés de mise en œuvre des activités collaboratives à distance en lien avec le rapport au temps des apprenants
La mise en œuvre de l’approche collaborative d’apprentissage dans un dispositif de FAD peut être entravée par plusieurs obstacles qui interagissent. Ces obstacles sont relatifs à l’organisation interne des équipes engagées dans des activités d’apprentissage collectif en ligne et au processus de réalisation de l’activité collaborative (Roberts & McInnerney, 2007b). La différence de culture ressort des déclarations de certains apprenants soumis à des activités d’apprentissage collaboratif en ligne (Coulibaly, 2002).
Les écarts entre les méthodes de travail, les manières de communiquer et de s’organiser (Dejean-Thircuir, 2008) qui diffèrent d’un individu à l’autre selon sa culture sont aussi mis en cause. Alors, il s’avère nécessaire de prendre en compte certaines variables dans la composition des groupes impliqués dans la mise en œuvre des activités d’apprentissage collaboratif à distance (De Lièvre et al., 2010).
Ces entraves sont source de conflits pouvant aboutir à des ruptures définitives avec pour conséquence, l’arrêt du processus de collaboration (Dejean-Thircuir, 2008). Dans notre revue de littérature, certaines études suspectent un lien entre ces difficultés et le rapport au temps des apprenants inscrits dans un dispositif d’apprentissage à distance. Il s’agit en premier lieu de leur disponibilité temporelle (Benayed & Verreman, 2006; Marchessou, 2005; Romero, 2009) et le non-respect des échéances des activités d’apprentissage (Charlier et al., 1999) au niveau individuel.
En deuxième lieu, au niveau collectif, elles sont indexées comme causes possibles les tensions de régulation des activités de groupe. Ces tensions peuvent s’expliquer par le manque de temps, les difficultés à trouver des temps communs de disponibilité et les décalages entre les fuseaux horaires dans le cas des formations ouvertes et à distance où les apprenants sont issus de pays géographiquement distants (Romero, 2009).