Installation de VINCI
La mise en place de VINCI à Paranal s’est déroulée du début du mois de janvier à la fin février 2001. Lors de l’intégration de l’instrument dans son environnement de travail, deux étapes techniques importantes ont été franchies successivement avant les premières franges sur le ciel: l’obtention de franges d’abord en mode Autotest, puis en Autocollimation.
Autotest
Bien que les premières franges en Autotest de VINCI aient déjà eu lieu à Garching en novembredécembre 2000, le démontage-remontage complet du système ainsi que le délicat transport des 27 caisses de VINCI jusqu’à l’Observatoire de Paranal pouvaient faire craindre des difficultés. Heureusement, il n’en a rien été et la première recherche automatique des franges a été couronnée de succès le 15 février 2001.
Autocollimation
En mode Autocollimation, la lumière émise par la source LEO est envoyée à travers le train optique du VLTI (miroirs M16 à M12), rétroréfléchie par des coins de cube ou par les sidérostats eux mêmes, et récombinée sur VINCI. Ce mode est particulièrement intéressant sur le plan technique (voir la Section 6.2) car il permet de tester le comportement des lignes à retard ainsi que la turbulence interne du tunnel, à la fois spatialement (dégradation de la qualité de l’image) et temporellement (effet de piston).
Des franges d’interférence dans ce mode ont été obtenues peu de temps avant les premières franges stellaires, le 12 mars 2001. Il est intéressant de mentionner que le fonctionnement d’un interféromètre est plus délicat en Autocollimation que sur le ciel, du fait du double passage des faisceaux sur toutes les optiques. Cette particularité double toutes les contraintes sur la transmission photométrique (réflectivité, transmission des cubes LEO, turbulences dans le tunnel), la polarisation des faisceaux et la précision d’annulation de la différence de marche.
Premières observations stellaires avec les sidérostats
Qualité des données
Il est important de souligner que les observations présentées dans ce paragraphe peuvent présenter des défauts ou biais d’origine instrumentale, bien que dans de nombreux cas les résultats obtenus aient pu être validés par des observations effectuées antérieurement. VINCI et le VLTI ne présentent pas encore la fiabilité et la répétabilité de FLUOR par exemple, qui est en fonctionnement depuis plusieurs années. Pour un bon nombre de résultats présentés dans cette section, il faut se rappeler que VINCI n’avait que quelques nuits d’observations derrière lui !
Les TROBs
Dans le but de contrôler la stabilité de la fonction de transfert interférométrique du VLTI sur le long terme, un certain nombre d’étoiles fiduciaires a été choisi. Elles sont réparties sur le ciel de manière à permettre l’observation de plusieurs étoiles de référence tout au long de l’année. Lors des observations fiduciaires appelées TROBs, pour Technical Reference Observation Blocks, plusieurs séries de mesures sont effectuées avec des réglages fixes de l’instrument (temps d’acquisition de la caméra, vitesse de balayage,…). On peut ainsi suivre de manière homogène les éventuelles variations de performances du VLTI. Les étoiles choisies pour servir de référence sont données dans la Table 14. Elles ont été sélectionnées car elles sont réputées stables en luminosité et en diamètre angulaire et pour la plupart bien connues par des observations interférométriques antérieures.
La fonction de transfert interférométrique du VLTI s’est établie à la valeur excellente de 87% au moment de ces observations.
Le résultat de la mesure de diamètre est, en adoptant un modèle de disque uniforme, de qUD= 9,28 ± 0,17 mas (Figure 72 et Figure 73). Cette valeur est remarquablement compatible avec la mesure de 9,27 mas publiée par Cohen et al. (1995), qui est issue d’observations spectrophotométriques de précision. Il est intéressant de noter que les conditions atmosphériques à Paranal pendant la nuit des premières franges (et quelques nuits suivantes) ont été particulièrement favorables. Le temps de cohérence, qui est la grandeur la plus importante pour la précision des mesures de VINCI, se situait statistiquement dans les meilleurs 2% des valeurs mesurées à Paranal par l’ASM. Voir la Section 7 pour plus de détails sur les mesures effectuées avec VINCI concernant le temps de cohérence et d’autres paramètres atmosphériques.
Sirius, première étoile de référence
La plus brillante étoile du ciel dans le visible, Sirius (a CMa), était idéalement placée près du zénith à l’époque des premières franges. Il s’agit d’une étoile double, dont le compagnon, Sirius B, est une naine blanche très faible. La contribution de Sirius B au rayonnement total de la paire est totalement négligeable en infrarouge. L’étoile Sirius A est une étoile chaude de la séquence principale, de type spectral A1V. Elle n’est pas cataloguée comme variable. Une séquence type d’observations sur Sirius est présentée sur la Figure 74. On constate que même avec un diamètre effectif des sidérostats de seulement 10 cm pendant la période des premières franges, cette étoile possède une magnitude corrélée suffisamment basse sur la base de 16 mètres pour produire des franges à fort rapport signal à bruit.
R Leonis, un bel effet de supersynthèse
R Leo est une étoile supergéante rouge de type Mira. Elle change de diamètre au cours de sa période de pulsation (P = 312,5 jours), comme cela a été observé par interférométrie par Perrin et al. (1999) avec FLUOR/IOTA. Pour référence, ces auteurs ont mesuré en 1996 un diamètre de disque uniforme de qUD=28,18 ± 0,05 mas et en 1997 de 30,68 ± 0,05 mas.
Cette étoile a été observée avec VINCI dans la nuit du 3 au 4 avril 2001. R Leo était alors très près de son maximum de luminosité. L’orientation est-ouest de la ligne de base de 16 mètres utilisée ainsi que la position relativement boréale de R Leo se sont conjuguées remarquablement pour produire un effet de supersynthèse. Il consiste en une variation de la base projetée du fait du mouvement diurne, qui permet d’échantillonner des fréquences spatiales variables sur la courbe de visibilité de l’étoile. Dans le cas où de nombreuses bases sont disponibles simultanément, on peut synthétiser un télescope de grande taille grâce à cet effet et reconstruire une image de l’objet observé à très haute résolution angulaire (lorsque l’information de phase est disponible).
La Figure 75 montre la couverture du plan (u,v) résultant de l’effet de supersynthèse sur R Leo. 12 060 interférogrammes ont été obtenus et réduits sur une période de 2h25 sur R Leo, suivis immédiatement de 2 816 interférogrammes d’étalonnage sur l’étoile de référence a Hya.
Alpha Centauri A et B, la séquence principale
L’étoile triple a Cen est célèbre pour plusieurs raisons. D’abord, il s’agit du système stellaire le plus proche de nous, avec une distance de seulement 4,4 années lumière, mesurée avec une précision remarquable par le satellite Hipparcos. Ensuite, l’étoile a Cen A est du type spectral G2V, ce qui la rend pratiquement identique à notre Soleil (également G2V). Des observations récentes par vélocimétrie radiale de très haute précision ont même permis de détecter des oscillations acoustiques de périodes comprises entre 5 et 10 minutes, très similaires à ce qui est observé sur le Soleil (Bouchy & Carrier 2001). a Cen B possède quant à elle un type spectral un peu plus tardif, K1V. Elle est plus faible (mV= 1,33) que a Cen A (mV= -0,00). Etant donnée leur proximité, ces étoiles sont résolues par l’interféromètre même en utilisant une base aussi courte que celle de 16 mètres des premières franges. La composante tertiaire du système, Proxima (aussi appelée a Cen C) est une naine rouge de type spectral M5.5V. Elle est séparée du couple principal par une grande distance angulaire, et ne contribue pas aux mesures effectuées ici. Proxima, comme son nom l’indique, est l’étoile la plus proche du Soleil.
La sélection de l’étoile injectée dans les fibres se fait dans le visible grâce au détecteur d’alignement de VINCI (TCCD). Les deux étoiles sont suffisamment différentes pour éviter toute confusion, qui serait de toute manière sanctionnée par l’absence de franges d’interférence à la position prévue. Les spectres de puissance de deux des interférogrammes obtenus sur a Cen A et B sont présentés respectivement sur la Figure 77 et la Figure 78.
L’ajustement du modèle de disque uniforme (Figure 79 et Figure 80) donne les diamètres qDU(a Cen A)= 9,38 ± 0,62 mas et qDU(a Cen B)= 6,78 ± 0,52 mas. On remarque sur la Figure 79 une dispersion relativement importante des points de mesure de visibilité. Cela est vraissemblablement
dû à une vitesse de balayage des franges trop lente (350 mm/s) en comparaison du temps de cohérence au moment des observations (t0 = 33 ms en bande K).
Pour une discussion sur l’interprétation de ces résultats en terme de température effective, voir la Section 9.5.
Mis à part le Soleil, les résultats présentés ici correspondent à la première détermination directe du diamètre angulaire d’une étoile de type solaire, a Centauri A.
Alpha1 Herculis, faible visiblité
1 Her est une étoile géante rouge de type spectral très tardif M5II, membre d’un système double. L’étoile secondaire, située à 4,8 secondes d’angle (Douglass et al. 1999) n’influe pas sur la mesure de l’étoile primaire. a
1 Her est située à 117 ± 40 pc du Soleil (parallaxe Hipparcos), ce qui lui confère un diamètre angulaire important. Même sur une base aussi courte que 16 mètres, la visibilité des franges de cette étoile est très basse, heureusement compensée par une grande luminosité en infrarouge (mK=-3,5). Deux fois interférogrammes ont été obtenus avec VINCI sur a
1 Her les nuits du 30 mars et 2 avril 2001. Ils ont été étalonnés par deux fois 400 scans obtenus immédiatement après sur les étoiles e Sco et s Lib.
La visibilité de a
1 Her étant faible, ces observations étaient un test de VINCI pour le suivi des franges. La Figure 81 présente un exemple d’enregistrement obtenu sur cette étoile. Du fait du faible contraste, le suivi des franges était parfois interrompu, le rapport signal à bruit des franges devenant trop faible pour le Quicklook. Les franges sont toutefois toujours restées dans le domaine de DDM balayé par le piezo de VINCI (250 mm pour ces observations).