Organoétains
Les EP issues du site pavillonnaire et de l’urbain très dense possèdent une concentration médiane en TBT inférieure à la limite de détection. Alors qu’elles contiennent près de 57 ng/L pour le site urbain dense (Tableau 51). Par contre, ses produits de dégradation (DBT et MBT) sont mesurés sur tous les sites. Leur concentration varie d’un site à un autre. La concentration du DBT est comparable entre l’urbain très dense et le pavillonnaire (29 et 13 ng/L, respectivement). Elle est 3 à 6 fois plus élevée pour l’urbain dense (77 ng/L). Le MBT est plus concentré dans le site urbain dense avec 125 ng/L. La variabilité temporelle est peu présente sur le site urbain dense. Toutefois, il est important de noter que toutes les campagnes ont été réalisées sur une période courte (moins de 2 mois) alors que sur les deux autres sites, ces campagnes se sont échelonnées dans le temps. Les organoétains possèdent, pour les eaux pluviales, des concentrations médianes de < LD, 72 et 101 ng/L pour TBT, DBT et MBT respectivement (Tableau 52).
Rares sont les études qui traitent des concentrations en organoétains dans les eaux urbaines, et plus encore dans les eaux pluviales. (Cornelissen et al. 2008), pour les eaux de ruissellement dans deux ports de Norvège, ont observé des concentrations assez similaires. Ils mentionnent des niveaux dans les gammes 9-185, 8-140, 9-85 ng/L gamme pour TBT, DBT et MBT, respectivement. (Gasperi et al. 2008) ont étudié ces molécules dans les eaux usées du réseau d’assainissement unitaire de la ville de Paris par temps sec et par temps de pluie. Les niveaux observés sont relativement homogènes durant les deux types d’effluents. En effet, par temps sec, les médianes étaient de < 5, 15, 20 ng/L pour TBT, DBT et MBT, respectivement, alors qu’elles étaient de <5, 16, 28 ng/L pour TBT, DBT et MBT, pendant les périodes de temps de pluie (Gasperi et al. 2008). Par comparaison avec les niveaux observés dans les eaux pluviales au cours de cette étude, on peut remarquer que, quel que soit le composé considéré, nos niveaux sont significativement plus élevés que ceux du réseau d’assainissement unitaire parisien. Toutefois, il est important de mentionner Flux et sources de polluants prioritaires dans les eaux urbaines en lien avec l’usage du territoire que (Gasperi et al. 2008) ont effectués leurs analyses sur l’échantillon brut, ce qui pourrait expliquer les niveaux relativement bas qu’ils ont observés. Les concentrations pourraient avoir été sousestimées comme nous l’avons évoqué précédemment lors de la comparaison de l’analyse séparée (D+P) et celle de l’analyse de l’échantillon brut (T).
Les apports de ces composés en réseau d’assainissement pourraient provenir de leurs usages industriels (isolant, biocide, catalyseur, agents de conservation pour le bois, etc.) ou du relargage des tuyaux en PVC (Fromme et al. 2005). Ils sont présents dans les conduites d’eau, les matériaux d’emballage alimentaire, les revêtements de verre, mousses de polyuréthane et de nombreux autres produits de consommation (Fromme et al. 2005; Cornelissen et al. 2008). Le rapport entre les deux produits de dégradation du TBT et le TBT lui-même, (MBT + DBT) / TBT, a été utilisé pour obtenir des informations sur les sources des organoétains et leur degré de dégradation, sachant que la demi-vie du TBT est de l’ordre de l’année à la dizaine d’années (Cornelissen et al. 2008).
Dans nos échantillons, nous avons observé des niveaux de MBT et DBT dans les eaux pluviales qui dépassent les niveaux de TBT. Comme il n’y a pas d’accumulation de sédiments dans les canalisations des réseaux pluviaux, qui pourraient être remis en suspension durant un orage, la dégradation du TBT peut être négligée. Les niveaux de MBT et DBT proviennent plus d’un apport excessif de ces deux composés que d’une dégradation de TBT. Par conséquent, cela témoigne d’émissions locales. La source la plus probable d’émission de MBT et DBT serait des canalisations en PVC, connues pour contenir du MBT et du DBT à 5-20 g/kg (Hoch 2001).
Les concentrations médianes des TBT, DBT et MBT dans les eaux usées unitaires sont respectivement 17, < LD et <LD ng/L (Tableau 52). Par contre, pour le réseau séparatif, les concentrations sont beaucoup plus élevées : 83, 62 et 21 ng/L pour TBT, DBT et MBT. Ces concentrations sont comparables aux valeurs médianes observées dans la littérature. Les concentrations issues de rejets de STEP, mesurées à l’occasion du projet 3RSDE, renfermaient 30, 90 et 60 ng/L respectivement pour TBT, DBT et MBT (Greaud-Hoveman et al. 2008).
HAP
La concentration médiane de la somme des 16 HAP ainsi que les concentrations médianes individuelles, dans les eaux pluviales, sont rassemblées dans le Tableau 53. La somme des 16 HAP est du même ordre de grandeur pour les trois sites ; les concentrations médianes s’échelonnent entre 1 327 et 2 922 ng/L. La variabilité temporelle semble plus forte que la variabilité spatiale. Il existe un facteur 7 à 8 entre les valeurs minimales et maximales observées sur chacun des sites.
Au sein d’une même matrice, on retrouve des distributions relativement homogènes. Une variabilité plus faible serait toutefois observée sur les échantillons provenant du réseau séparatif. La proportion de HAP lourds pourrait discriminer les eaux usées du réseau unitaire de celles du réseau séparatif. La présence moindre de HAP lourds dans les eaux usées du réseau séparatif s’expliquerait par sa non-contamination par le ruissellement de chaussées, riche en HAP lourds. Une ACP confirme ces observations pour les EUTS-unitaire (EUU) et les EUTS-séparatif (EUS), où aucune distinction véritablement significative ne se dégage (Figure 109).
La distribution médiane des HAP selon leur degré d’aromaticité, illustrée par le rapport entre les HAP légers et les HAP lourd (LMW/HMW), a été évaluée pour toutes les matrices : EP, EUTSunitaire et EUTS-séparatif (Tableau 54). Les eaux usées de temps sec contiennent une proportion plus importante de HAP légers que les eaux pluviales. Une ACP permet de comparer les distributions en HAP dans les EP, d’une part, avec celle des EUTS unitaire et séparatif, d’autre part (Figure 110). Elle met en évidence que l’ensemble des échantillons EUTS se regroupe dans une même zone, confirmant la présence de HAP de bas poids moléculaires. A l’inverse la zone où se situent les échantillons EP s’explique par la présence de HAP de haut poids moléculaires.
PCB
Malgré l’arrêt de leur utilisation depuis 1987 en France, les PCB ont été régulièrement détectés dans les eaux pluviales urbaines (Tableau 55). La concentration médiane pour la somme des 7 PCB (28, 52, 101, 138,153 et 180), pour l’ensemble des 16 échantillons, est de 259 ng/L avec une valeur maximale de 727 ng/L observée dans un échantillon du site pavillonnaire (Tableau 55).
La ZAC Paris Rive Gauche, site urbain très dense, offre la concentration médiane la plus élevée avec 468 ng/L. Il est deux fois plus contaminé que le site pavillonnaire de Sucy-en-Brie (211 ng/L) et le site urbain dense de Noisy-le-Grand (259 ng/L). Cette différence pourrait être liée aux apports atmosphériques (Chevreuil et al. 1996; Teil et al. 2004) et aux caractéristiques de la pluie. Le lessivage des dépôts atmosphériques peut contribuer à la pollution des eaux pluviales en PCB (Chevreuil et al. 1996). Nos concentrations sont supérieures à celles mentionnées dans la littérature : 30 ng/L (valeur médiane), avec une valeur maximale de 403 ng/L, pour les EP en Suisse (Rossi et al. 2004), 40 ng/L (14-122 ng/L min-max) pour les retombées atmosphérique à Paris (Teil et al. 2004).
Les sources de PCB sont généralement diffuses mais elles peuvent aussi s’avérer très localisées (Rossi et al. 2004). La distribution des différents congénères peut fournir des indications sur leur origine. Les distributions en PCB, quand elles sont homogènes d’un site à un autre, sont caractéristiques d’une pollution diffuse, plutôt que d’une pollution ponctuelle. Ainsi dans le cas des retombées atmosphériques totales à Paris (Teil et al. 2004), en plus de la présence de PCB provenant du trafic automobile et de processus de combustion, les résultats impliquent une volatilisation à température ambiante de congénères plus légers (PCB28 et PCB52). Les congénères légers sont plus abondants près de sources locales.
Alkylphénols et chlorophénols
Les concentrations minimales, médianes et maximales des alkylphénols (AP) dans les eaux pluviales sont compilées dans le Tableau 56. Sur chaque échantillon, cinq AP sont recherchés : nonylphénols (NP), 4-nonylphénol (4-NP), paratert-octylphénol (4T-OP), 4-ter-butylphénol (4-TBP) et 4-n-octylphénol (4-OP). Globalement les nonylphénols (NP) ont été présents dans tous les échantillons. Les concentrations médianes en NP sont de 4,52 µg/L sur le site urbain dense, 0,58 µg/L sur le site urbain très dense et 0,55 µg/L sur le site pavillonnaire. Les 4-OP et 4-NP ont été quantifiés dans un seul échantillon d’EP issue du site urbain dense avec une concentration de 0,02 et 0,19 µg/L, respectivement. Les APs sont, en général, plus concentrés sur ce site que sur les autres (Tableau 56). Le 4-TOP est presque 2 fois plus concentré, en médiane, dans le site urbain dense (0,19 µg/L) que le site urbain très dense et 3 fois plus concentré que le site pavillonnaire (0,06 µg/L). Le 4-TBP, quant à lui, était 2 à 3 fois moins concentré (0,05 µg/L, en médiane) dans le site urbain très dense que les deux autres sites. En groupant tous les sites, (Tableau 57), nous notons que les concentrations en NP dans les EP (0,30 – 9,17 µg/L) sont en concordance avec celles mesurées dans la pluie en Allemagne (3,46 et 9,90 µg/L) (Fries and Puttmann 2004). En médiane, les concentrations en NP mesurées dans cette étude (0,75 µg/L) sont moins fortes que celles mesurées dans les ER à Londres (1,75 µg/L) (Rule et al. 2006b) et les EP en Norvège (> 12 µg/L) (Björklund et al. 2009). Les NP sont suivis, par ordre décroissant de leur concentration médiane dans les EP, par le 4T-OP (0,11 µg/L) et le 4-TBP (0,11 µg/L). Les AP proviennent, en général, de la dégradation des alkylphénols polyéthoxylés (Ying et al. 2002). Ils sont présents dans la composition de certains pesticides. Ils sont employés en tant que plastifiants, surfactants non-anioniques dans les détergents commerciaux et industriels utilisés pour le lavage des voitures (Rule et al. 2006b). Le lessivage des peintures urbaines, de produits d’entretien, de résidus des pots d’échappements (Ying et al. 2002) peuvent être responsables de leur présence dans les EP. De plus, les NP et 4-OP sont des perturbateurs endocriniens (Ying et al. 2002).
Les chlorophénols (plus particulièrement le pentachlorophénol) n’ont été mesurés que très ponctuellement dans deux échantillons : l’un à Sucy-en-Brie (0,11 µg/L), l’autre à Noisy-le-Grand (0,29 µg/L). Le pentachlorophénol est utilisé dans la composition de certains pesticides ainsi que dans les produits de conservation du bois. Il n’a pas été observé sur le site urbain très dense de la ZAC Paris Rive Gauche. Dans la littérature, il n’a jamais été détecté dans les ER à Londres,l’explication avancée serait l’arrêt de son utilisation (Rule et al. 2006b). Par contre, le pentachlorophénol a été mesuré dans la moitié des échantillons d’eaux usées. Dans les EUTS-séparatif, il n’a été mesuré que dans un seul échantillon avec une concentration de 1,08 µg/L. Il est fréquent dans les EUTS-unitaire (dans trois échantillons sur quatre). Sa concentration variaient entre <LD et 0,23 µg/L (Tableau 57). Sa présence dans les échantillons du réseau unitaire est peut être liée à une utilisation locale. Sa présence a déjà été rapportée à des concentrations plus élevées dans le réseau unitaire Parisien par temps sec (0,36 µg/L), alors que par temps de pluie les concentrations étaient inférieures a la limite de détection (Gasperi et al. 2008). Le 4-chloro-3-méthylphénol (<LD – 0,50 µg/L) est un autre chlorophénol quantifié fréquemment que dans les EUTS-unitaires (75% des échantillons).
Pesticides
L’application de pesticides dans le milieu urbain est responsable de leur présence dans les eaux urbaines (Chevreuil et al. 1996; Polkowska et al. 2000; Blanchoud et al. 2004; Kolpin et al. 2006; Ghanem et al. 2007; Botta et al. 2009). Notre investigation sur 25 pesticides a révélé la présence de 16 pesticides d’entre eux dans les eaux urbaines. Les eaux pluviales transportent 14 pesticides différents parmi les 25 étudiés. Six pesticides sont trouvés dans la totalité des échantillons indépendamment de l’événement pluvieux ou du site considéré (Tableau 58). Ces derniers, par ordre décroissant de leur concentration médiane dans les EP, sont : glyphosate (1,11 µg/L), AMPA (0,64 µg/L), diuron (0,37 µg/L), aminotriazole (0,13 µg/L), métaldéhyde (0,06 µg/L) et isoproturon (0,03 µg/L) (Tableau 59). Ce sont des herbicides, à l’exception du métaldéhyde qui est un molluscicide. Les herbicides constituent 90 % des pesticides appliqués en milieu urbain (Blanchoud et al. 2004). Malgré son interdiction, le diuron reste l’un des pesticides majoritaire des EP. En effet, il représentait 60 % des herbicides utilisés en Île de France en milieu urbain (Blanchoud et al. 2007). Il a été remplacé par le glyphosate, un herbicide largement utilisé dans le monde entier (Kolpin et al. 2006; Blanchoud et al. 2007; Ghanem et al. 2007).