La malédiction des ressources naturelles : une réalité mitigée
A la vue de la situation dans laquelle Madagascar est ensablée, beaucoup seront tentés de tomber dans le pessimisme. Certes, les diverses tentatives au niveau de l’amélioration du secteur ressources naturelles, par les différents acteurs de la filière, n’ont pas mené aux résultats tant escomptés, cependant quelques pays africains ont pu conjurer, en principe, la malédiction des ressources naturelles à ne citer que le Botswana, Malaisie,… . Optimisme, dans un premier temps, guérir du syndrome hollandais est tout à fait du domaine du réalisme, basé sur la volonté du pays en cause. Pour la Grande Île les ressources naturelles constituent véritablement une manne du ciel, où la valorisation se doit de passer par une utilisation appropriée, une gestion et un contrôle, dotés d’une certaine dose de protectionnisme.
Si Madagascar semble avoir raté son entrée dans la société mondialisée, le chemin qu’elle aura à parcourir n’est pas tracé d’avance. La prégnance de l’international se fait sentir durement dans le secteur des ressources naturelles à Madagascar, une prégnance dont la Grande Île a du mal à gérer dans un monde où la globalisation est devenue le maitre mot de l’évolution de toute société. Cependant grâce à cette ouverture et malgré la malédiction des ressources naturelles, le secteur extractif est un secteur qui a la faculté, réelle, d’impulser la croissance économique du pays ; une croissance et un développement qui, soulignant le, se feront sentir au niveau national et non seulement au niveau local, dans tout le secteur et non seulement autour de quelques industries, un phénomène malheureusement assez courant, nommé paradoxe Micro-Macro.
Les grandes puissances : un développement à travers l’exploitation de l’environnement
Le progrès, le développement, l’accumulation des richesses, le maintien d’une position favorable et prédominante, ont toujours été au centre des préoccupations de toutes les nations, et cela n’est en aucun cas condamnable. Dans cette course effrénée, la société a été divisée en deux groupes bien distincts, où la disparité n’a d’égal que la frontière de l’ère de la consommation de masse. Dans une certaine optique, cette disparité entre pays riches et pays pauvres provient du chemin parcouru par tout un chacun, dans la marche vers le progrès et le développement.
Les grandes puissances actuelles, ont entamé les étapes vers le développement depuis des lustres, tandis que les pays dits en voie de développement ne s’y sont attelés que depuis un peu plus d’un demi-siècle, un virage assez brutal qui aura ses répercussions bien plus tard. Ce progrès (pays développés), s’est fait par l’exploitation de l’environnement, qui à l’époque, pouvait encore suivre les caprices de l’humanité. En tout état de cause, le développement et le progrès de ces derniers se sont faits sur la base, voire même au détriment, de l’environnement et de la nature. En effet, « Le village économique a précédé le village écologique (…) ».
Une situation qui aujourd’hui, se fait ressentir par l’ensemble de la population mondiale, et plus particulièrement par la population des pays en voie de développement, dit vulnérable ; étant donné que «(…) c’est en effet une certaine conception de l’économie et du progrès qui est à l’origine de la plupart des problèmes écologique auxquels le monde est confronté aujourd’hui».
Néanmoins, il se dégagea assez tôt de ces pays développés le protectionnisme, et paradoxalement une volonté de repousser les frontières spatiales de l’exploitation des ressources naturelles. Ainsi présenté, de nombreuses doctrines mettent en valeur et modélisent le développement.
Une prémisse de la domination de l’environnement dans l’exploitation du secteur extractif
Entente entre l’exploitation et le développement durable : L’exploitation du secteur extractif est très mitigée dans le cheminement du durable, à tel point que se pose la question de la nécessité de son exploitation pour le développement d’un pays soucieux de l’environnement. Très pollueur, ce secteur s’avance le plus souvent comme l’amorce de la dégradation de l’environnement et des écosystèmes environnant impactant sur l’intérêt de tout un chacun à vivre dans un environnement sain. C’est à cet effet que la loi n° 99-021 relative à la politique de gestion et de contrôle des pollutions industrielles dispose que « La protection de l’environnement, la préservation des équilibres biologiques et la sauvegarde des ressources naturelles contre toutes causes de dégradation ou d’altération par les pollutions industrielles sont d’intérêt général ». Il revient à tous, en, particulier à l’Etat de veiller à ce que l’environnement ne soit pas altéré. Le défi pour Madagascar serait à cet effet de réduire le plus possible les nuisances des différentes activités extractives sur l’environnement afin de l’implanter dans l’avenue du développement durable. Sur cette ligne entre en jeu la politique et la législation de l’Etat, en terme d’exploitation du secteur.
L’esprit d’entreprise : un second souffle au développement
D’une manière générale, les praticiens du développement critiquent le manque de compétitivité des entreprises nationales des pays en voie de développement ou appartenant à leurs nationaux. Madagascar n’y déroge pas, et cette situation n’aide aucunement dans la recherche de solutions pour sortir de ce marasme économique dans lequel la Grande Île est, depuis trop longtemps, plongée. Les crises politiques successives n’ont fait qu’aggraver la situation économique, freinant considérablement la marche vers le développement de l’Île, mais l’effet qui fut certainement le plus pervers demeure le manque d’esprit d’entreprise. Primordial pour un pays qui veut se développer de lui-même, cet esprit d’entreprise suivit logiquement de la naissance d’entreprises nationales ou appartenant à des nationaux, se révèle nécessaire pour tout développement fort en croissance économique. Tous les pays développés et émergeants en ont fait un des fers de lance de leurs croissances économiques. Une chose est de faire apparaître le succès des pays riches de par un esprit d’entreprise bien rodé, autre chose est d’interpréter cet esprit d’entreprise, de l’accorder au cas de Madagascar, et de le rendre le plus productif possible pour le développement. Les problèmes actuels des pays africains sont souvent vus comme issus de la Colonisation. Toutefois, ne comprendre l’échec des Etats africains que par l’héritage colonial serait en divers point erroné, car si la colonisation a fait germer d’elle-même un esprit de mimétisme chez les anciennes colonies, il ne faudrait omettre que ces dernières se sont auto-cultivées une culture de l’attente, un certain manque d’initiative et d’innovation d’idée. En effet, « En réalité, le problème n’était pas dans le fait d’avoir copié ou de s’être inspiré des institutions étrangères, que dans l’impossibilité de les reproduire ». L’Esprit d’entreprise n’est pas une chose que l’on copie, mais que l’on s’approprie et que l’on découvre de soi-même. Le fait est que la politique de l’Etat dans le secteur extractif s’est basée sur l’attractivité du pays, une attractivité qui laisse à désirer et montre le plus souvent le revers de la médaille en l’occurrence une mainmise des investisseurs étrangers sur les ressources et de surcroit un désenchantement de l’esprit entrepreneurial chez les nationaux.
Le besoin d’investissement : protectionnisme face aux conditionnalités
En brossant à grand trait l’état des lieux de l’économie des pays africains, il apparait nettement que l’investissement international se positionne en tant que principal facteur de développement sans avoir à passer par les aides publiques au développement. Par ailleurs, il est considéré, par la Charte de la Havane comme contribuant au développement économique, à la reconstruction et au progrès social. Si la notion d’investissement est de facto une notion économique, il ne faudrait omettre qu’elle est tenue en tenaille par le juridique et surtout par le politique. Ainsi avancé, l’environnement juridique, politique et institutionnel joue un grand rôle dans le domaine des grands investissements. La sécurité des investissements, mais aussi celle des personnes constituent un pivot de la dynamique de ce secteur, qui se doit d’être le plus attrayant possible pour pouvoir réanimer, dans le cas de Madagascar, une marche vers le développement en agonie. Dans cet horizon, la Constitution Malagasy de la IVème République dispose en son article 38 que « L’Etat garantit la sécurité des capitaux et des investissements ». Le défi serait à cet effet, d’attirer les investisseurs tout en maximisant la protection des ressources naturelles, des marchés locaux et des entreprises nationales gravitant autour du secteur. Cependant, un protectionnisme trop poussé, s’opposant aux principes du libre-échange n’est pas à prévoir car l’aide toujours conditionnée, et les investissements directs étrangers constituent la base de la recherche du développement. Il apparait dès lors « (…) la nécessité d’attirer des capitaux étrangers et la nécessaire harmonisation des dispositifs nationaux pour créer un cadre plus attractif, (…) ». La tâche reste ardue, car aux yeux de certains pays développés, pourvoyeur d’aide et d’investissements (parmi les plus puissants) « (…) le libéralisme ne se divise pas. L’adhésion au modèle économique doit donc entraîner l’adhésion au modèle politique ».
La mise en place du développement durable entravée par la corruption
Débordante de ressources économiques Madagascar fait face aux maux les plus dommageables pour son développement. Dans les pays où l’Etat de Droit est encore à l’état embryonnaire, les secteurs clés de l’économie mettant au-devant de la scène des ressources naturelles abondantes font l’objet de la convoitise de tous, surtout des dirigeants politiques et économiques. La prépondérance de la corruption et des comportements et pratiques assimilés, gangrène la productivité et la viabilité des projets dans le secteur des ressources naturelles obstruant la volonté de ces pays de se développer. Obstacle aux activités économiques, la corruption n’est pas un phénomène nouveau issu du développement des investissements étrangers dans la Grande Île. Déjà depuis la décennie 90 sont apparus les effets dévastateurs du phénomène de corruption qui jusqu’à aujourd’hui se renforce dans la pratique sociale. Que ce soit dans la nationalisation dans les années 1990, cachée derrière le flambeau de l’utilité publique, la corruption et les pratiques assimilées ont renforcé une mentalité d’appropriation des ressources naturelles par les dirigeants. Au grand malheur des pays sous-développés où les vices du pouvoir se font les plus ressentir, « Le climat d’investissement d’un pays est créé par des facteurs économiques et politiques comme (…), le niveau de corruption et la stabilité politique ». Les séquelles de la corruption ne sont plus à démontrer, et force est de constater que dans le secteur extractif la corruption mène à une surexploitation des ressources, à des exploitations illicites, mais aussi et surtout à l’augmentation de la pollution. La corruption, se déploie à tous les niveaux de décisions de l’Etat, du fait d’un niveau de vie assez bas, et des investissements à fort teneur en capitaux.
En effet, « Au niveau des autorités administratives de contrôle, la corruption serait la forme la plus efficace et privilégiée de pression économique, notamment dans les pays en développement où la vulnérabilité des fonctionnaires la facilite ». L’exploitation du secteur extractif, a fort teneur en capitaux, si elle est mal contrôlée accentuera le phénomène de corruption, suite à une certaine fragilité institutionnelle et psychologique de l’Etat même.
Table des matières
INTRODUCTION
Première partie :La protection des ressources extractives : main levée du développement
Chapitre –I : L’attrait du développement dans le secteur extractif
Section –I : Le secteur extractif : un secteur à redéployer
Paragraphe –I : Entre malédiction et mauvaise gestion des ressources
A- Le paradigme du Syndrome Hollandais
B- La malédiction des ressources naturelles : une réalité mitigée
Paragraphe –II :Les grands investissements : clés de voute de la valorisation du secteur extractif de la grande Île
A- La place des Grands investissements extractifs à Madagascar
B- Impact des investissements dans le secteur extractifs sur le développement durable
Section –II : Un secteur prometteur au service du développement Durable
Paragraphe –I : Vers la mutation de l’esprit d’exploitation
A- Les grandes puissances : un développement à travers l’exploitation de l’environnement
B- De l’exploitation à une exploitation rationnelle
Paragraphe –II : Une prémisse de la domination de l’environnement dans l’exploitation du secteur
extractif
A- Entente entre l’exploitation et le développement durable
B- L’expropriation : entre attractivité et intérêts environnementaux
Chapitre –II : Lecture du développement durable à travers le secteur extractif : une théorie
viciée par la pratique
Section –I : Déséquilibre entre les piliers de développement
Paragraphe –I : Le développement : un processus volontariste
A- L’esprit d’entreprise : un second souffle au développement
B- La renégociation des contrats d’Etats : entre crédibilité et souveraineté
Paragraphe –II : Conflit entre le besoin d’investissement dans la valorisation du secteur extractif et
mauvaise interprétation du protectionnisme
A- Le besoin d’investissement : protectionnisme face aux conditionnalités
B- La fuite des investissements : un réel problème de développement
Section –II : Les vicissitudes du fonctionnement de l’Etat : blocage à la valorisation et à la protection des ressources extractives
Paragraphe –I : Un développement obstrué par divers maux
A- La mise en place du développement durable entravée par la corruption
B- Le souci de l’instabilité politique
Paragraphe –II : Fragilité économique et psychologique des Pays en Voie de Développement face aux nécessités du développement
A- Un processus de développement incontrôlé
B- L’évolution des échanges commerciaux mondiaux face à la protection des ressources
Deuxième Partie: L’imbrication de la durabilité dans le secteur extractif à Madagascar .
Chapitre –I : Le renforcement du secteur extractif : les impératifs environnementaux au-devant de la puissance des investisseurs
Section –I : L’harmonisation des relations asymétriques entres investisseurs et pays sous-développés : un défi de développement durable
Paragraphe –I : L’objectif « développement durable » face au rapport de force déséquilibré
Paragraphe –II : Le renforcement de la participation de l’exploitation extractif au développement
durable
A- Lecture de la productivité du secteur extractif à travers l’ITIE
B- La mise en œuvre de la RSE dans les entreprises extractives : quand le social rencontre
l’économique
Section –II : Un cheminement juridique pour l’amélioration de la protection des ressources extractives
Paragraphe –I : Un signal fort de la matérialisation du développement durable à travers le secteur
extractif
A- un label dans la législation nationale
B- La politique générale de l’Etat : une ouverture vers la durable
Paragraphe –II : Inadéquation entre protection de l’environnement et des investissements dans le
règlement des différends dans le secteur extractif : le CIRDI
A- Un centre inadapté aux exigences sociales de l’investissement
B- La primauté de l’investissement sur la défense de l’environnement
Chapitre –II : Pour une vision plus durable du secteur extractif
Section –I : L’amélioration du cadrage institutionnel : un développement soucieux de l’environnement
Paragraphe –I : Vers une meilleure gestion de l’environnement : les collectivités territoriales
décentralisées
A- Un pilier de la matérialisation du développement durable à Madagascar
B- Le transfert de la gestion des ressources : une initiative soucieuse des populations locales
Paragraphe –II : Impulsion de l’affermissement dans la protection de l’environnement dans le secteur extractif à travers les organes spécialisés : cas de l’ONE
A- L’indépendance : un attribut de la bonne marche de la protection de l’environnement
B- L’autonomie financière : pour l’efficacité de l’action de l’ONE
Section –II : Perspectives pour la durabilité du secteur extractif
Paragraphe –I : Vers l’édification d’un système politique viable
A- L’instauration du sens de la responsabilité : le principe de redevabilité
B- L’éthique en politique environnementale : le dépassement de l’éphémère
Paragraphe –II : Prise de conscience du citoyen de sa responsabilité dans l’édification du
développement durable
A- Emancipation des mentalités non productives : pour un développement plus durable
B- La participation citoyenne : une contribution dans le secteur extractif
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE