Stratégies d’adaptation contre les effets des variations des saisons des pluies
Les productions agricoles à Mbackombel constituées principalement par les céréales et les cultures de rente jouent un rôle important dans le vécu quotidien des populations. Est-il besoin de rappeler qu’elles constituent la base alimentaire des ménages ruraux. C’est à cause de cette importance que le développement de ces productions alimentaires constitue une question sensible caractérisée par une forte variation de la pluviométrie souvent responsable du déficit vivrier. Face à cette situation, les populations tentent tant soit peu de développer certaines stratégies pour réussir leur campagne agricole. Ainsi, pendant le démarrage précoce ou tardif des pluies, les options adoptées par les populations sont l’application de semis d’espèces à cycle court avec la pratique de la rotation et/ou l’association culturale. Cependant, certains ne sèment pas l’arachide pour ne pas perdre une semence rare et chère. Ces derniers préfèrent vendre la semence ou la consommer. En réaction à une période de forte pluie, faute d’utilisation d’engrais chimique intense, certains sèment avec une forte densité de sorte à occuper tout l’espace disponible inhibant ainsi le développement des mauvaises herbes. Pour prévenir les désastres causés par le vent, les paysans ont tendance à semer dans des rangées tracées en aller-retour, dans une direction parallèle au vent. Cette technique pratiquée par certains, repose sur le fait que le vent a une direction prédéterminée venant de l’Est. Lorsque l’arrêt des pluies est tardif, des paysans choisissent individuellement de faire recours à une récolte anticipée de certaines cultures matures. La production est stockée selon leurs moyens, dans des magasins, des fûts ou des sacs à l’abri des pluies. Ils précisent « nous sommes obligés de faire ainsi pour ne pas tout perdre ». L’utilisation des variétés de semence à cycle végétatif court (mil souna, niébé, arachide etc.) est effective dans cette zone. Les enquêtés nous affirment que, ces variétés ont une croissance rapide, et achèvent leur développement en 90 jours ; à condition d’avoir une quantité d’eau minimale bien répartie dans cette intervalle. Par ailleurs, en fonction de la disponibilité des semences qui sont étroitement liés à la qualité de la saison des pluies antérieure, les paysans augmentent ou réduisent les terres cultivées. En plus de la réduction des superficies cultivées, certains affirment que la faiblesse des rendements due aux mauvaises saisons des pluies et la cherté des semences, les obligent à s’endetter auprès d’autres villageois. Pour eux, c’est le seul recours pour éviter de ne rien semer. Certaines femmes par contre ont choisi de s’organiser entre elles pour participer à des tontines et faire d’autres activités génératrices de revenu (teinture, fabrication de savon etc.). Pour elles, les sommes d’argents obtenues à travers ces organisations permettent d’acheter des semences et régler d’autres problèmes. La vente de petits ruminants est aussi une stratégie adoptée par certains agropasteurs pour l’achat des intrants agricoles.
Enfin, la faiblesse des pluies et leur mauvaise répartition spatio-temporelle conduisent les éleveurs à abreuver leur bétail au niveau du forage. Certains interviewés précisent qu’il y’a un danger avec une telle pratique. Il s’agit de la réduction des têtes consécutive à la vente pour payer mensuellement l’eau du forage. A cela s’ajoute, l’obligation de vendre d’autres têtes pour diversifier les sources d’alimentation du bétail avec ce constat de la baisse de la production fourragère d’année en année. « Pour ne pas regarder notre bétail mourir, nous sommes obligés de vendre certains animaux pour acheter du « Rakal » et/ou du « Ripasse » pour passer les périodes défavorables » précisent certains éleveurs. Pour d’autres enquêtés, la transhumance et la pratique de l’émondage des arbres sont les stratégies qui leur permettent de passer les périodes difficiles.
Stratégies d’adaptation des populations liées à la gestion de la fertilité des sols
La perception paysanne de la gestion de la fertilité des sols date de très longtemps à partir du constat de la baisse de rendement des cultures. Cette dernière n’est autre qu’une conséquence de la baisse de la fertilité des sols, sur lesquels reposent toutes les productions agro-sylvo-pastorales. Les hommes et les femmes du village enquêtés ont reconnu qu’autrefois les récoltes étaient meilleures. Selon ces derniers, ce serait cette baisse de la fertilité des sols qui est à la base de la tendance actuelle à une diminution de la production. Ils précisent qu’a cette baisse de la fertilité, vient s’ajouter la variabilité climatique qui augmente d’avantage leur vulnérabilité face à l’insécurité alimentaire. A partir de l’analyse des données recueillies (figure 17), les producteurs recherchent dans leurs stratégies un équilibre durable entre la production des trois activités agro-sylvo-pastorales dont ils identifient clairement leurs interrelations. Selon eux, les bénéfices réciproques entre agriculture, élevage et foresterie sont :
l’élevage fournit des animaux de trait à l’agriculture pour les cultures attelées et le transport ;
l’élevage fournit de la fumure organique pour l’amendement des champs ;
la vente d’animaux permet de payer le matériel agricole ;
la foresterie permet la fertilisation du sol agricole par les fruits, les feuilles et le bois mort ;
la forêt fournit des produits de la pharmacopée pour la santé humaine et animale ;
les résidus de récolte constituent de l’aliment pour le bétail ;
la vente des récoltes permet d’acheter des animaux ;
les feuilles des arbres, l’herbe et l’eau dans la forêt favorisent l’élevage.
Les productions céréalières vivrières occupent les superficies les plus importantes aussi bien chez les hommes adultes, les femmes que chez les jeunes et l’activité d’amélioration de la fertilité des sols, est plus observée dans ces champs. En illustration dans la figure 16, les arbres utilitaires sont toujours épargnés dans les parcelles cultivées pour leurs valeurs nutritives, sanitaires et fertilisantes (35,1% des réponses obtenues). Il en est ainsi pour Adansonia digitata (baobab), de Ziziphus mauritiana (jujube) et de Faidherbia albida (Kadd) dont les fruits sont utilisés comme aliment du bétail et l’écorce comme médicament, etc. Les méthodes de parcage dans les champs (15,6% des réponses) sont utilisées pour fertiliser les champs de céréales pendant la saison sèche. En saison des pluies, le parcage peut avoir lieu sur les jachères assolées ou sur des parcours boisés. Les techniques adoptées (35,1%) par les populations dans les champs pour réussir les récoltes et améliorer la fertilité des sols sont l’application de la rotation et/ou l’association culturale ainsi que la pratique de la jachère et la régénération naturelle assistée. Par ailleurs 7,8% des enquêtés ont identifié le rôle de brise vent que jouent certaines espèces comme Calotropis procera (Poftane) et Guiera senegalensis (Nguèr) etc.), face à la lutte contre les érosions éolienne et hydrique. Toutefois, ces espèces sont indicatrices de sols dégradés.
Stratégies d’adaptation des populations contre la déforestation
La problématique de la déforestation est effective dans cette zone du fait de la surexploitation des ressources ligneuses. Conscient des répercussions graves, compte tenu du rôle joué par la zone boisée protégée, certaines stratégies sont en train d’être menées pour stopper la déforestation. Ainsi, comme l’indique la figure 18, il ressort que les populations ont développé quelques stratégies locales individuelles et/ou collectives. Parmi les stratégies individuelles on peut citer la protection des arbres, la régénération naturelle assistée, la transhumance pour éviter l’émondage. En ce qui concerne les options d’adaptation collectives qui traduisent leurs prises de conscience aux risques, on peut citer, la mise en défens de la forêt de combrétacées et l’accord participatif de la nécessité d’avoir une autorisation auprès du service des Eaux et Forêt pour la coupe d’arbres.
Analyse critiques des composantes et des solutions apportées par le PE face à la lutte contre les effets adverses du CC
Comme nous l’avons vu dans sa vision, le PE compte résoudre les problèmes des populations du milieu rural y compris ceux liés aux effets adverses du changement climatique.
Pour ces derniers, les solutions que compte mettre en place le programme, sont des mesures visant l’atténuation et l’adaptation. Or, la mise en œuvre de ces mesures passe par la réalisation de projets qui nécessitent une pleine implication des populations si tant est que le PE veut atteindre des résultats durables. Dans la réalité, la lutte contre les effets adverses du changement climatique s’effectue sur de longue durée et requiert l’implication des populations dans les différentes phases de formulation et de mise en œuvre des projets retenus. De ce point de vu les populations doivent au préalable participer dans tout le processus, être informées et formées, s’organiser et avoir un système de contrôle afin que toutes les mesures prises puissent être durablement réalisées. Dès lors, la bonne gouvernance apparait comme étant d’une importance capitale pour une meilleure prise en charge de l’ensemble des mesures visant à lutter contre les effets négatifs du changement climatique. Ainsi, ces éléments ci-dessous expliquent pourquoi l’amélioration de la gouvernance locale a été retenue par le PE comme première composante de son programme. Examinant cette composante sous le prisme de la résolution des effets adverses du changement climatique, il nous semble important de poser la question suivante.
Comment la mise en œuvre des différentes lignes d’action de cette composante contribue à lutter contre les effets adverses du changement climatique ?
La gouvernance locale
Répondre à la question en quoi la gouvernance locale mise en place par le programme, contribue à l’atténuation et/ou à l’adaptation aux changements climatiques revient à dire en quoi les éléments de la ligne d’action de cette composante ont permis de répondre à la satisfaction des quatre piliers essentiels que sont : la participation, l’information et la formation, la transparence et le contrôle citoyen ?
La participation
La participation des populations pouvant être définie comme le fait d’avoir accès à des instances formelles permettant l’expression des membres au sein d’une organisation, est une étape essentielle dans la mise en œuvre des projets de développement. Au regard de cette définition, il apparait que pour solutionner durablement les problèmes liés au changement climatique, il faut en rapport avec les populations, partir d’une situation connue pour d’écrire les éléments et aller vers une situation désirée devant intégrer les principaux piliers du développement durable. Ainsi les résultats des enquêtes ont montré que pour être informé de la situation connue, le programme a réalisé des études sur la situation de référence de manière participative avec les populations. La détermination de la situation désirée a été traduite par l’élaboration participative des outils de planification à la fois de développement local (PVDD) et de développement spatial (PAGT, PAOS) (Photo 11). Pour gérer les situations de manière durable, le programme a établie les chartes de bonne gestion écologique de l’espace rural et des ressources naturelles en impliquant tous les dépositaires concernés (populations locales et riveraines, services déconcentrés etc.). L’élaboration participative de l’ensemble de ces documents et la prise en compte des besoins exprimés par les populations dans l’exécution des activités doivent normalement créer une bonne participation de l’ensemble des acteurs d’enjeux concernés. Cependant, bien qu’en théorie les éléments qui guident la participation soient effectifs, il n’en demeure pas moins que nous constatons une difficulté dans leurs mis en œuvre. En effet une analyse des actions retenues dans le Plan Villageois de Développement Durable (PVDD) comparées à aux activités réalisées présentement dans la zone d’étude
(tableau 04 annexe), montre qu’il y a un biais entre ce qui est réellement fait et ce qui étaient demandés. Bien que les activités réalisées soient intéressantes pour le développement local mais elles ne correspondent qu’à hauteur de 33% par rapport celles qui ont été demandées par les populations. Dans la réalité l’approche « bottom up » n’est pas privilégiée, il ya toujours cette approche « top down » qui demeure où c’est le niveau central qui décide de ce qu’il pense être bon pour les populations alors que ces dernières avaient déjà exprimé leurs besoins consignés dans les documents de planification. Dès lors que nous notons ce biais, il se pose alors un risque sur la pérennisation des actions. Il en est de même pour la planification spatiale où nous constatons que l’organisation théorique ne correspond pas à ce qui est effectivement observé sur le terrain. De ce qui précède, il ressort que la participation des populations a été effective dans la définition des grandes orientations tant sur le plan socioéconomique que spatial alors que leurs traductions en acte posent problème. C’est pourquoi que nous recommandons fortement à l’ANEV de veiller à une articulation entre les plans de travail annuel et les demandes des populations consignées dans ces différents documents.