CONTRAINTES DE LA CULTURE IRRIGUEE
La pratique de l’irrigation en zone sahélienne constitue une des voies encore peu exploitées pour l’amélioration de la production agricole. Dans la région du Fleuve Sénégal d’importants aménagements hydro-agricoles ont été réalisés conférant à cette région un potentiel de production significatif. Une partie importante de ces aménagements concerne des périmètres irrigués villageois (PIV) qui emploient généralement la méthode d’irrigation par gravité à partir de groupe moto pompe (GMP). Cette méthode sujette à un manque de maîtrise des quantités d’eau apportées et à la variabilité des caractéristiques hydrodynamiques des sols complique la détermination précise des stocks en eau du sol et les besoins en eau des cultures par les agriculteurs (Sheridan, 1985).
Le contrôle des adventices apparaît comme l’un des problèmes majeurs des périmètres irrigués. Les adventices se retrouvent en compétition directe avec la culture pour l’utilisation de la ressource en eau et de l’espace ; ce qui a généralement pour effet de faire chuter d’une façon hautement significative les rendements. Il est donc indispensable de pratiquer à un moment donné de la culture un désherbage manuel, chimique ou mécanique. Cependant, par souci d’économie, les agriculteurs ne procèdent généralement qu’à un offsetage et à un billonnage de leur parcelle avant semis, ce qui n’a pas l’efficacité d’un labour sur le contrôle des adventices. Un autre problème majeur dans les zones de cultures irriguées est l’abondance des nuisibles. L’irrigation crée ainsi un paradis pour les nuisibles. La végétation fournit d’abondantes quantités de nourritures et un excellent abri ; l’eau stagnante fournit des lieux de reproduction et les nuisibles pillulent dans le micro-climat chaud et humide créé par l’irrigation et les cultures irriguées (Sheridan, 1985).
Dans les pays sahéliens, la culture du sésame en irrigué constitue un domaine très peu investi. Selon Hall and Kauffmann (1975), le sésame est une plante bien adaptée aux milieux arides. Lorsqu’il est cultivé dans les zones arides aux Etats-Unis, même avec un faible apport d’eau d’irrigation, la plante donne un rendement beaucoup plus élevé par rapport à la quantité recommandée pour avoir un rendement maximum chez le coton (Weiss, 2000).
CARACTERISTIQUES AGRO-ECOLOGIQUE DE LA VALLEE DU FLEUVE SENEGAL
Localisation
La zone agro-écologique du Fleuve est la partie la plus septentrionale du Sénégal. Elle s’étend sur plus de 800 km le long du fleuve Sénégal de l’embouchure jusqu’à la frontière avec le Mali, puis le long de la Falémé affluent du Sénégal. Elle est frontière avec la Mauritanie et s’étend de Bakel à Saint-Louis (CRF, 1996).
Caractéristiques physiques et agro-climatiques
Climat
De par sa configuration et sa position géographique, la zone du Fleuve est entièrement située dans le domaine sahélien avec des influences soudaniennes et maritimes, respectivement aux extrémités Sud-Est et Nord-Ouest. Selon CRF, 1996, le climat est caractérisé par deux saisons majeures : une saison des pluies ou hivernage, de juillet à octobre et une longue saison sèche de novembre à juin elle-même subdivisée en saison sèche froide (novembre-février) et saison sèche chaude (mars-juin). Durant la saison sèche, les vents du Nord (alizés) règnent sur l’ensemble de la zone, tandis qu’en saison des pluies s’installe sur toute la zone, le régime de mousson avec des vents Ouest et Sud Ouest, chauds et humides de vitesse faible et constante.
Les températures minimales varient entre 12 et 16°C et les maxima entre 30 et 34°C durant la saison sèche froide alors que pour la saison sèche chaude les minima remontent à 24°C et les maxima à 40°C. Pour la saison des pluies les températures varient entre 23 et 35°C. La pluviométrie de la Vallée est caractérisée par des pluies faibles, irrégulières, réparties sur une courte période (2 à 3 mois) entre fin Juillet et fin Septembre. Dans l’ensemble, les quantités et le nombre de jours de pluie diminuent du Sud au Nord. Les moyennes mensuelles sont de : 200 à 300 mm dans le Delta et la basse vallée, 300 à 400 mm dans la moyenne vallée, et 500 à 600 mm dans la haute vallée. Cependant, compte tenu de la présence du fleuve dans cette zone, l’eau ne constitue pas un facteur limitant pour l’agriculture.
Sol
La zone de la vallée est caractérisée par une diversité de sols (CRF, 1996) qui peuvent être classés dans 4 grands groupes :
les sols hydromorphes appelés « hollaldés », présents dans la zone du « Walo ».
Ce sont des sols argileux à 75% dont l’évolution est minée par l’action d’un excès d’eau. Ces sols très riches sont adaptés à la culture irriguée même s’ils sont plus ou moins difficiles à travailler. C’est sur ces sols que l’on pratique les cultures de contre saison (riziculture, arboriculture et maraîchage) et ils représentent 36 % du potentiel irrigable,
les sols « Deck Dior », appelés « faux hollaldés » situés dans le « Walo » et le « Djedjingol » (zone intermédiaire) ; ils sont riches en matière organique et argile (30 à 50 % d’argile) et constituent 31% du potentiel irrigable,
les sols limoneux, appelés « fondé » situés dans la zone intermédiaire ; ils ont une teneur en argile située entre 10 et 30% ; ils forment 33% du potentiel irrigable. Selon leur teneur en argiles, on trouve les « fondés légers » moins argileux et les « fondés lourds » plus argileux,
les sols « Dior » à 90% sablonneux, fragiles et fortement lessivés en raison de leur texture qui laisse passer facilement l’eau ; ces sols sont pauvres en matière organique et en argiles ; ils sont surtout dominants dans la zone sylvo-pastorale du « Diéri » où l’activité principale est l’élevage.
CARACTERISTIQUES DES ZONES D’ETUDE
Choix des localités et des producteurs pilotes
L’essai a été conduit en milieu paysan durant l’hivernage 2005 dans la zone d’intervention de la Saed subdivisée en 4 délégations. Au total, 6 localités sont choisies en raison de deux localités pour chacune des délégations de Dagana, Matam et Bakel (Carte 2). Les champs d’essai sont entretenus par des producteurs pilotes qui sont soit des privés, soit des membres d’un groupement de producteurs. Chaque délégation a choisi des producteurs pilotes en fonction de leur disponibilité, leur engagement et leur ouverture à l’innovation. Un encadrement plus rapproché des champs d’essai et des agriculteurs pilotes a été assuré par des conseillers agricoles de la Saed qui ont reçu, au préalable, une formation sur la culture du sésame.
Type de sols
Les sols des blocs de Diawara et de Bakel Commune (délégation de Bakel) sont de type « fondé léger », ceux de Djélla et de Yarndé (délégation de Matam) de type « fondé lourd » et enfin de type « Dior » dans les blocs de Mbane et de Savoigne (délégation de Dagana). La différence entre ces trois types de sol réside dans leur teneur en argiles qui est plus importante au niveau du « fondé lourd » et plus faible dans le « Dior » qui est presque sablonneux.
Paramètres climatiques
Les mesures climatiques ont porté sur la pluviométrie, les apports d’eau par irrigation, les températures minimales et maximales journalières ainsi que l’humidité relative minimale et maximale. Pour les températures, les humidités relatives et la pluviométrie de certaines localités comme Bakel Commune et Djella, toutes les données ont été recueillies à la direction nationale de la météorologie. Pour les autres localités (Mbane, Savoigne, Diawara et Yarndé) les données pluviométriques sont recueillies au niveau des postes pluviométriques locaux.
Pluviométrie et irrigation
Connaissant les durées du cycle, les coefficients culturaux (Kc) des différentes phases pour chaque variété et les paramètres climatiques des zones d’étude, on a pu grâce au logiciel CROPWATW déterminer les quantités d’eau de pluies et d’irrigation qu’a reçu chacune des variété. Les résultats sont présentés dans le tableau 1.
Température
Le suivi de l’évolution de la température comme l’indique la figure 3 a permis de déterminer les moyennes des températures et leurs valeurs extrêmes. Les températures maximales ont varié entre 23,4 et 40,2°C pour les blocs de Diawara et Bakel Commune et entre 28 et 42°C pour ceux de Djella, Yarndé, Savoigne et Mbane. Les minima sont compris entre 18 et 28°C à Diawara, Bakel Commune, Mbane et Savoigne et entre 20,5 et 29°C à Djella et Yarndé. La température moyenne au cours de l’essai a été de 29,4°C à Diawara, Bakel Commune, Savoigne et Mbane et de 30,7°C à Djella et Yarndé.
Humidité relative
Les humidités maximales ont varié entre 54 et 100% à Mbane et Savoigne, entre 63 et 100% à Djella et Yarndé et entre 87 et 100% à Diawara et Bakel Commune (Figure 4). Les minimales sont comprises entre 15 et 77% à Mbane et Savoigne, entre 29 et 83% à Djella et Yarndé et entre 34 et 96% à Diawara et Bakel Commune. Les moyennes minimales sont de 60% pour les 6 localités alors que les moyennes maximales sont de 97% à Diawara Bakel Commune, 79% à Djella et Yarndé et enfin 72% à Mbane et Savoigne.
DISPOSITIF EXPERIMENTAL
L’expérimentation a été conduite suivant un dispositif multilocal en blocs complets randomisés et dispersés. Ces blocs ont été installés dans 6 localités représentatives de la rive gauche de la vallée du Fleuve Sénégal. Ces 6 localités sont situées dans les 3 délégations que sont Bakel, Matam et Dagana. Le facteur étudié est la variété à 4 niveaux (Tableau 3). Chaque localité abrite un bloc de 2500 m² subdivisé en quatre parcelles de 625 m². A chaque parcelle on a affecté une variété constituant ainsi une unité expérimentale soit un total de 4 unités expérimentales par bloc. Les 6 localités étant considérées comme homogènes, ce dispositif sera alors installé dans chaque localité ce qui fera un total de 24 unités expérimentales.
MATERIEL VEGETAL ET CONDUITE DE LA CULTURE
Matériel végétal
Quatre variétés de sésame en provenance du Primoca (Sédhiou, Sénégal), de l’Institut national d’étude et recherches agronomiques -Inera- (Niangoloko, Burkina Faso) et enfin de l’Université Shizuoka de Japon ont été utilisées. Ces variétés ont été sélectionnées sur la basede performances affichées lors des essais effectués sur le potentiel de rendement, la durée du cycle et les besoins en eau en station (Diouf et al., 2000 ; Guèye, 2000). Les caractéristiques ont été mentionnées dans le tableau 2 suivant.