Simulations Meso-NH du cyclone tropical Alenga

Les phases actives de la MJO pendant la campagne

La campagne de mesures a été subdivisée en trois périodes (Gottschalck et al. 2013): (1) du 17 septembre au 8 décembre 2011, accueillant deux événements intenses de la MJO avec une période de moins de 45 jours, (2) du 9 décembre 2011 au 31 janvier 2012, qui contient moins d’activité cohérente, et (3) du 1er février au 12 avril 2012, pendant laquelle a lieu une phase très active de la MJO. Une description approfondie du phénomène MJO est donnée dans la partie 3.1.2. La figure 3.7, un diagramme de phase (RMM1, RMM2) de Wheeler et Hendon (2004), donne des informations supplémentaires sur le cycle de la MJO pendant la saison 2011-2012 autour du globe. En comparant ces informations avec les différentes périodes de la campagne CINDY-DYNAMO, on remarque un signal modéré dans l’océan Indien début décembre et on suppose qu’il s’agit de la fin de la seconde phase active observée pendant la période 1. Puis, le signal est moins cohérent pendant les prochains mois et devient plus fort en traversant le Pacifique (période 2). Ce n’est que de mi-février à mi-mars qu’on retrouve sur l’océan Indien une phase très active de la MJO (période 3).

Le cyclone tropical Alenga

Le cyclone tropical Alenga se développe sur l’Indien Sud lors de la période 1 de CINDYDYNAMOdans une phase active de la MJO entre fin novembre et début décembre. On a choisi d’étudier ce cyclone car il existait déjà un cadre initial de modélisation grande échelle avec Meso-NH en solution à l’exploitation des données expérimentales de la campagne.

Alenga dans les observations des centres météorologiques

D’après les bulletins météorologiques, une dépression est signalée pour la première fois le 3 décembre 2011 à l’ouest de l’île de Java en Indonésie vers {6°S, 97°E} par les centres de surveillance de cyclones tropicaux (Tropical Cyclone Warning Centres – TCWC) de Perth (Australie) et de Jakarta (Indonésie). Cette dépression s’oriente alors vers le sudouest jusqu’à ce qu’elle dépasse la longitude 90°E le 4 décembre et entre dans la zone de responsabilité du CMRS La Réunion. Elle atteint le stade de tempête tropicale dans la soirée du 4 décembre, avec des vents dépassant 17 m s-1 , et est nommée Alenga par le Mauritius Meteorological Service le 5 décembre 2011 à 22 UTC.
Elle change ensuite lentement de direction et entame une trajectoire sud-est en direction de la côte australienne en s’intensifiant. Alenga traverse à nouveau la longitude 90°E le 7 décembre à 16 UTC, suite à quoi elle atteint la catégorie 2 sur l’échelle de SaffirSimpson et connaît son pic d’intensité le 8 décembre à 19 UTC. Dans son mouvement rapide vers le sud-est, Alenga s’affaiblit rapidement au cours de la nuit du 8 au 9 décembre en rencontrant des zones de SST faible et de cisaillement fort. La surveillance d’Alenga s’arrête le 12 décembre.
Alenga d’après les best tracks Au moment de l’émission des bulletins sur Alenga, on a la position, l’intensité des vents et la pression approximatives du système. Ces données sont recalculées par la suite pour composer les « best tracks ». Plusieurs best tracks sont disponibles pour Alenga. Celle qu’on utilise généralement dans cette thèse est IBTrACS (décrite dans la partie 1.4.1). Sur la figure 4.1, on compare les positions du CMRS La Réunion via IBTrACS avec la best track du Joint Typhoon Warning Center (JTWC), un centre de prévision des cyclones tropicaux entre la US Navy et la US Air Force. Il se trouve que le CMRS La Réunion ne répertorie les positions d’Alenga qu’à l’ouest de 90°E, c’est-à-dire dans sa zone de responsabilité uniquement.
Les positions selon le JTWC sont disponibles du 2 décembre à 06 UTC au 9 décembre à 12 UTC. La partie commune aux trajectoires est similaire, le système effectuant son virage vers le sud puis vers le sud-est de la même manière.

Alenga selon la méthode ERA-Interim

La méthode que l’on a développée basée sur ERA-Interim (voir partie 2.2), ci-après appelée « méthode ERA », permet de détecter les débuts d’Alenga dès le 29 novembre à 00 UTC, soit environ 4 jours avant la première observation réelle par les TCWC Perth et Jakarta. La figure 4.2 montre la trajectoire selon la méthode ERA, en comparaison avec celle contenue dans la base de données IBTrACS.
La trajectoire selon la méthode ERA dure 13 jours, jusqu’au 12 décembre 00 UTC. Au début, le système tourbillonnaire est proche de la côte Indonésienne et est probablement influencé par la convection qui s’y développe quotidiennement. La trajectoire du centre dépressionnaire est alors quelque peu chaotique jusqu’à ce que celui-ci devienne plus distinct vers le 2 décembre avec une trajectoire vers le sud-ouest. Le 4 décembre à 12 UTC apparaît la trajectoire selon IBTrACS jusqu’au 7 décembre 00 UTC, soit pour une durée de deux jours et demi, et plus de 5 jours après la première position par la méthode ERA. Cette trajectoire correspond à celle de la méthode ERA, montrant bien le virage effectué par le système vers le sud-est. Les vitesses données par IBTrACS montrent que c’est le 4 décembre à 18 UTC que le système devient une tempête, mais on ne peut être sûr que les vents maximum liés à Alenga ne dépassent pas déjà 17 m s -1 avant le premier enregistrement dans IBTrACS.
Le 9 décembre, la méthode ERA montre que le système fait un nouveau virage vers le nord-ouest, dont le réalisme n’est pas assuré. Cette phase correspondant à la dissipation d’Alenga ne nous intéresse pas ici.

Alenga par la fonction de cyclogénèse γ

Dans la partie 2.2, on a aussi défini une fonction de cyclogénèse γ permettant de repérer les tourbillons pré-cycloniques potentiels, basée sur les réanalyses ERA-Interim et les images satellites METEOSAT. On cherche à voir si cette fonction définie sur les 12 saisons 1999-2000 à 2010-2011 fonctionne ici sur la saison 2011-2012. On calcule γ sur deux mois : du 1er novembre au 31 décembre 2011. La figure 4.3 montre un diagramme Hovmöller des valeurs maximales de γ sur les latitudes sur un domaine contenant Alenga, entre 70° et 110° E, et entre 0° et 25°S, pendant les deux mois.
On constate qu’une zone persistante de conditions environnementales favorables, avec des valeurs maximales de γ qui dépassent le seuil de 1.8, est bien visible dès le 22 novembre 2011. Autour du 25 novembre, cette zone semble se diviser en deux parties : une partie qui se propage vers l’ouest (non étudiée) et une partie qui se propage vers l’est et qui semble, à terme, devenir le cyclone tropical Alenga. La zone persistante est détectée 11 jours avant les premières observations d’Alenga par les TCWC, 10 jours avant la best track du JTWC, 12 jours avant la best track IBTrACS, et 7 jours avant la méthode ERA. La trace d’Alenga est visible jusqu’au 8 décembre environ, date à laquelle il se dissipe en sortant du domaine. Le tracé de la fonction γ montre donc que la phase de cyclogénèse d’Alenga est relativement complexe et que plusieurs processus semblent y contribuer.
Une autre zone persistante est détectée à partir du 20 décembre. Elle correspond aux conditions dans lesquelles se développe le cyclone tropical Benilde. La zone favorable de début novembre, elle, n’a pu être associée à aucun système répertorié.

Généralités sur les modèles atmosphériques

L’atmosphère comme un fluide thermodynamique

On considère l’atmosphère comme un fluide qui évolue dans le temps et l’espace tridimensionnel. Pour les besoins d’une simulation numérique, il est nécessaire de discrétiser l’espace en une grille de points à une résolution spatiale donnée et de discrétiser le temps avec un pas de temps suffisamment petit. Les résolutions spatiale et temporelle influencent directement le coût de la simulation en matière de temps de calcul.
Il est donc indispensable de les choisir en faisant en sorte de correctement représenter les processus physiques qui nous intéressent tout en minimisant le temps de calcul.
La modélisation numérique consiste à résoudre les équations de la mécanique des fluides et de la thermodynamique sur cette grille de points à différents temps. Un modèle numérique, ici météorologique, calcule des variables pronostiques par les équations pronostiques qui déterminent leur tendance. Selon la discrétisation spatiale choisie, on retrouve des processus physiques « résolus explicitement » sur les points de grille et des processus physiques « non résolus ». Ces derniers, bien qu’ils existent dans la réalité et influencent le comportement atmosphérique, ne sont pas pris en compte explicitement dans la simulation mais sont paramétrés avec les variables résolues par le modèle. Il est donc nécessaire de connaître la nature physique des interactions entre les processus résolus et les processus non résolus avant de pouvoir paramétrer correctement une simulation.

Les modèles atmosphériques en France

Les modèles météorologiques sont aujourd’hui utilisés dans deux cas : pour la prévision numérique du temps (PNT) et dans le cadre de la Recherche.
Pour la PNT en France métropolitaine, Météo-France utilise trois modèles opérationnels dépendant du domaine spatial étudié du global jusqu’au régional. L’IFS (Integrated Forecasting System) de l’ECMWF est un modèle global avec une résolution spatiale de 25 km. Le modèle ARPEGE (Action de Recherche Petite Echelle / Grande Echelle) de Météo-France récupère les résultats de l’IFS et zoome sur l’Europe de l’ouest au détriment des zones plus lointaines. Les prévisions ARPEGE servent de conditions limites latérales au modèle de prévision aire-limitée à plus fine résolution de MétéoFrance : AROME (Application de la Recherche à l’Opérationnel à Méso-Echelle) à 2,5 km de résolution horizontale.
Les modèles opérationnels peuvent aussi être utilisés pour la Recherche, mais il existe aussi des modèles dédiés. En France, on retrouve souvent le modèle Meso-NH.

Meso-NH

Meso-NH10 est un projet mené conjointement par le Laboratoire d’Aérologie (UMR 5560 UPS/CNRS) et le Centre National de Recherches Météorologiques (URA 1357 CNRS/Météo France) depuis 1993. En 1998, le projet a atteint son objectif final : la création d’un modèle performant permettant la représentation, dans des contextes de cas idéalisés ou de cas réels, des phénomènes de l’échelle turbulente à l’échelle synoptique (Lafore et al., 1998). Le projet comprend le modèle numérique Meso-NH ainsi qu’un ensemble de données de surface, un ensemble de procédures UNIX permettant la préparation de la simulation et son exécution, et des outils de post-traitement et graphiques. Il est utilisé aujourd’hui par une large communauté de recherche scientifique (plus de cent chercheurs rattachés à 29 équipes dans 8 pays).
Meso-NH est un modèle numérique atmosphérique anélastique et non-hydrostatique (NH) de méso-échelle. Son code intègre un système d’équations de dynamique nonhydrostatique basées sur l’approximation anélastique de Durran (1989). En effet, afin de représenter correctement les processus de petite échelle, et en particulier les nuages convectifs, il est absolument nécessaire de conserver l’équation complète du mouvement vertical. De plus, le fait qu’on ait un modèle anélastique permet la filtration des ondes acoustiques. En contrepartie, la perturbation de pression devient une variable diagnostique et doit être calculée à chaque pas de temps. Elle est obtenue par la résolution d’une équation elliptique par itérations successives. Meso-NH est doté d’une multitude de paramétrisations (microphysique, turbulence, rayonnement, interaction surface-atmosphère, etc.) pour les diverses échelles considérées et selon les applications voulues.
La version 4-9-3 de Meso-NH est la plus stable au moment de la réalisation des simulations sur le cas Alenga.

Le déroulement habituel d’une simulation Meso-NH

La toute première étape consiste à évaluer le nombre de domaines à utiliser sur les principes de « grid-nesting » (imbrication de modèles, Stein et al. 2000), selon la résolution spatiale souhaitée et la période de l’étude.
Une fois que l’on sait quel type de simulation on doit lancer, il faut préparer les fichiers physiographiques (PGD), incluant la définition du domaine horizontal de simulation, de la surface, et des éventuels grid-nestings et zooms sur sous-domaines. Vient ensuite la préparation de la simulation : la définition de la résolution verticale, des conditions initiales et la création des fichiers de couplage pour les conditions aux bords à des temps choisis. Ces conditions initiales et aux bords se font à partir de sorties d’autres simulations, d’analyses de modèles opérationnels ou de réanalyses.
On peut alors paramétrer le modèle Meso-NH, i.e. on choisit les divers pas de temps, la fréquence des sorties, les paramétrisations physiques (convectives, radiatives, turbulentes, chimiques/aérosols, microphysiques et électriques), et également le nombre de processeurs sur lesquels la simulation va tourner.

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