Suivi cinétique : cas des couches minces
Le suivi cinétique de la réaction de réticulation a été réalisé par spectrométrie infrarouge en mode réflexion-absorption sur des films minces (épaisseur de l’ordre du µm) déposés sur lame d’aluminium (voir les détails en annexe 2). L’objectif de cette étude était double : (i) mieux appréhender les réactions mises en jeu lors du traitement par l’humidité ambiante et (ii) évaluer l’influence des greffons POE sur la cinétique de réticulation du PSZ.
Pour cette étude, la réticulation a été effectuée en conditions ambiantes (HR ≈ 55% ; T ≈ 21÷22oC).
Les spectres IRTF des films minces de PSZ évoluent sur une durée d’environ 1 jour dans les conditions ambiantes (Figure III.1). L’intensité des bandes à 3380 ((N-H)), 2120 ((Si-H)) et 1160 cm-1 (superposition des h(N-H) [5] et (CH3) des groupements Si-O-Et [6]) diminue avec le temps de traitement. Parallèlement, on observe une augmentation de l’absorption associée aux vibrations Si-O-Si à 1030 et 1080 cm-1. Ces résultats montrent clairement que le mécanisme de solidification du PSZ est basé sur l’hydrolyse des fonctions Si-H, Si-N et des groupements alkoxysilyl. Les groupements silanols formés se condensent alors pour former un réseau polymère à atomes de Si de type T3, RSi(OSi)3. Ces résultats seront confirmés par la suite lors de l’analyse en spectrométrie RMN du 29Si à l’état solide.
La conversion en fonctions Si-H et N-H a été déterminée en utilisant la bande à 1260 cm-1, associée aux groupements non hydrolysables Si-CH3, comme bande de référence. Les résultats sont présentés dans la Figure III.2. L’évolution de la conversion des Si-H et des N-H est sensiblement identique. Par conséquent, la réactivité des fonctions Si-H et Si-N vis-à-vis des groupements hydroxyle est sensiblement identique. Par contre, l’intensité de la bande à 1160 cm-1 diminue plus rapidement que les bandes Si-H et N-H. Cela suggère que les fonctions Si-O-Et s’hydrolysent plus rapidement que les fonctions Si-H et Si-N. On peut souligner qu’une fraction importante de fonctions Si-H et N-H (de l’ordre de 40%) est encore présente dans le film à l’issue du traitement par voie humide. Ces groupements réactifs seront convertis lors d’un traitement thermique à haute température (voir résultats d’ATG).
L’ammoniac libéré lors de la phase de solidification du film crée rapidement un environnement alcalin qui catalyse l’hydrolyse (et l’auto-condensation) des groupements alkoxysilyl. Ainsi, l’équilibre chimique d’un film de -aminopropyltriéthoxysilane préparé àpartir d’un sol à pH naturel (11) est atteint en quelques minutes à température ambiante .
Influence des greffons POE sur la réticulation des PSZ-POEs
L’influence du taux de greffons POE sur la réticulation du polysilazane PSZ a été étudiée dans le cas des longueurs de chaîne de POE de 350 g/mol. La Figure III.3 représente l’évolution de la conversion en groupements Si-H du PSZ et des PSZ-POEs en fonction du temps de réticulation.
Cas des films épais
La phase de solidification des films épais (environ 60 µm) a été suivie par mesure de la dureté Persoz après différentes durées de traitement à 84% d’humidité relative. Les résultats sont présentés dans la Figure III.6.
On constate que la dureté évolue fortement pendant les 4 premiers jours de traitement, puis plus lentement, pour se stabiliser après environ 7 jours de traitement. L’épaisseur du substrat utilisé n’a bien sur pas d’influence sur la cinétique d’évolution de la dureté Persoz.
On constate donc que la réticulation des films PSZs s’étend sur une durée beaucoup plus longue pour les films épais que pour les couches minces (7 jours à 84% HR contre 1 jour à 55 % HR). Cela peut s’expliquer en considérant que la diffusion de l’eau a un effet limitant sur la cinétique des réactions. Par la suite, les films épais seront systématiquement traités pendant 7 jours à une humidité relative de 84%.
Extraction des POEs non greffés
Les chaînes POEs non greffées ont été extraites des films réticulés. Deux solvants d’extraction ont été testés : le méthanol et l’eau. L’extraction est facilitée par la migration des chaînes POE non greffées à l’interface film-air lors de la formation du film. Le suivi de l’extraction a été effectué par spectrométrie IRTF, en utilisant comme traceur la bande à 1668 cm-1, attribuée à la liaison C=C des isomères d’éther propényle [7]. On constate une augmentation de l’intensité de cette bande au cours de la réaction d’hydrosilylation (Figure III.7).
Caractérisation par RMN-29Si
Les produits réticulés PSZ, PSZ-POE350-7, PSZ-POE350-26.5, PSZ-POE750-26.5 et PSZ-POE2000-26.5 ont été caractérisés par RMN CP MAS du 29Si. L’interprétation des spectres est particulièrement complexe en raison de la multiplicité des environnements du Si dans les structures réticulées. Les différents types de Si sont définis ci-dessous en distinguant les structures linéaires des structures ramifiées ainsi que les structures issues d’une hydrolyse totale ou partielle des fonctions réactives (Si-H, Si-N et Si(OEt)). Les lettres M, D et T ont été utilisées pour identifier les unités siloxane R3Si(OSi)1-x(OR)x, R2Si(OSi)2-x(OR)x et RSi(OSi)3-x(OR)x, respectivement. Le nombre de groupements OSi liés à l’atome de Si concerné est précisé en indice. La nature du groupement R lorsqu’il est différent de Me est précisée en exposant. Les déplacements chimiques indiqués entre parenthèses (en ppm) sont extraits des données de la littérature.
Etude des revêtements réticulés
Le thermogramme DSC du PSZ réticulé ne présente pas de transition thermique dans la gamme de température -90°C à 180°C. Les thermogrammes DSC des PSZ-POEs réticulés sont regroupés dans la figure III.15. La plupart des thermogrammes présentent un endotherme de fusion (lors de la chauffe) et un exotherme de cristallisation (lors du refroidissement) indiquant une capacité des chaînes POE à cristalliser. Le taux de cristallinité des chaînes POE a été systématiquement calculé à partir de la relation suivante :
Les résultats sont également regroupés dans le Tableau III.3.
On constate que les chaînes POE courtes (350 g/mol), une fois greffées, perdent leur capacité à cristalliser. Par contre, les chaînes POE plus longues (750 g/mol et 2000 g/mol) gardent leur capacité à s’organiser en cristaux. L’organisation en cristaux est cependant en partie inhibée en particulier dans le cas des greffons POE de masse molaire 750 g/mol : entre 8 et 22% des chaînes POE 750 greffées sont cristallisées contre plus de 80% de chaînes cristallisées pour le MPEG750 ou l’allyl-POE750. Cette difficulté à cristalliser des chaînes POE750 se traduit également par une surfusion importante (différence entre température de fusion et température de cristallisation) : des valeurs de (Tf-Tc) de l’ordre de 60°C sont observées pour les chaînes greffées sur le PSZ alors que (Tf-Tc) n’est que d’environ 13°C dans le cas du MPEG750 et de l’allyl-POE750. La même observation peut être faite dans le cas des chaînes POE de 2000 g/mol mais de façon nettement moins marquée : Xc = 66 à 91% pour les chaînes greffées alors que Xc > 95% pour le MPEG2000 et l’allyl-POE2000. De plus, la surfusion mesurée sur les PSZ-POE2000s est sensiblement identique à celle mesurée sur le MPEG2000 ou l’allyl-POE2000.
Conversion polymère-céramique des PSZ
Les thermogrammes ATG du PSZ avant et après traitement par voie humide sont reportés sur la figure III.16 sous forme de la perte de masse (%), du signal dérivé de la perte de masse (%/oC) et du flux de chaleur (W/g).
Les effets de la réticulation par voie humide à température ambiante sur le processus de décomposition du PSZ sont spectaculaires, quel que soit l’environnement de pyrolyse.
Sous azote, le rendement céramique n’est que de 30.6% pour le PSZ liquide alors qu’il s’élève à 86.3% après réticulation par voie humide. De même, une perte de masse importante est observée dès 50°C dans le cas du PSZ liquide alors qu’après réticulation à température ambiante, le PSZ est stable jusqu’à environ 300°C.
La perte de masse observée pour le PSZ liquide entre 50 et 500°C est due successivement à l’évaporation d’oligomères légers (se produisant en général pour les oligosilazanes jusqu’à 220°C) puis, au-delà de 220°C, à la formation de dihydrogène et d’ammoniac par des réactions de déshydrogénation et de transamination, respectivement. La réticulation par voie humide limite fortement les pertes de volatiles dans cette gamme de température. Les réactions de transamination et de déshydrogénation sont également inhibées par la diminution de la fonctionnalité en groupements Si-H et N-H dans le matériau réticulé. Une seconde perte de masse se produit sous azote pour le PSZ liquide entre 500 et 750°C : elle peut être associée à l’étape de minéralisation et à la rupture de liaisons C-C et C-H, plus stables que les liaisons Si-H ou Si-N [15] . Ces ruptures induisent la formation d’espèces gazeuses telles que le méthane, l’hydrogène, l’éthane, l’éthylène ou le propène [15] . On constate également que la nature de l’environnement inerte, azote ou argon, n’a aucune influence sur le comportement thermique du PSZ. La décomposition du PSZ réticulé se produit également en deux étapes : les pertes entre 300 et 600°C sont sans doute essentiellement dues aux réactions de transamination et déshydrogénation impliquant les fonctions Si-H et Si-N résiduelles alors que les pertes observées au-delà de 600°C sont liées à l’étape de minéralisation.
Dégradation thermique des PSZ-POEs
Les thermogrammes ATG des PSZ-POEs réticulés par voie humide sous air et sous azote sont présentés Figures III.18 et III.19, respectivement. Les résultats exploités à partir de ces analyses thermogravimétriques sont regroupés dans le tableau III.4.
On constate que la perte de masse totale augmente lorsque la masse molaire de la chaîne POE augmente et lorsque le ratio molaire Si-H/Allyle diminue en raison de l’augmentation de la fraction organique dans le produit réticulé. Après immersion des films réticulés dans le méthanol, la perte de masse enregistrée sur le thermogramme ATG diminue de façon significative. Ceci confirme l’extraction des chaînes POE non greffées lors de l’immersion du film dans le méthanol.