La prostate
L’anatomie de la prostate
La prostate est une glande de l’appareil génito-urinaire de l’homme en forme de châtaigne de 3 cm de hauteur et de 4 cm de largeur, elle englobe le début de l’urètre et est limitée par une capsule qui la sépare des autres organes du pelvis.
La prostate est entourée par différents organes (Figure 1) :
– En arrière, se situe le rectum
– Au-dessus et vers l’avant, se trouve la vessie
– Au-dessus et à l’arrière de la vessie, se trouvent les deux vésicules séminales
– En dessous de la prostate, se trouve le sphincter urinaire englobant le prolongement de l’urètre qui contrôle le passage de l’urine et permet ainsi la continence (1).
La prostate se divise en trois zones
– La zone périphérique : c’est la région la plus proche du rectum, palpable lors d’un toucher rectal. Elle constitue la plus grande zone de la prostate et les ¾ des tumeurs malignes surviennent dans cette zone.
– La zone transitionnelle : entoure le début de l’urètre. Jusqu’à l’âge de 40 ans elle ne représente que 5% de la prostate, mais avec le vieillissement elle grossie pour devenir la partie la plus grosse de la prostate. On parle alors adénome de la prostate, cela concerne plus de 80% les hommes de plus de 70 ans. Les tumeurs de la prostate situées dans cette zone sont difficilement palpables ors du touché rectal mais peuvent être détectées.
– La zone centrale : elle représente 20% de la taille de la prostate et entoure les canaux éjaculateurs.
Fonction et histologie de la prostate
La prostate intervient dans la production du sperme et notamment du liquide prostatique.
Ce sont les vésicules séminales, situées en arrière de la vessie, au-dessus de la prostate, qui produisent la majeure partie du liquide séminal. Au moment de l’éjaculation, le liquide séminal se mélange avec les spermatozoïdes, qui proviennent des testicules et passent par les canaux déférents.
Sur le plan histologique, la prostate est composée de l’épithélium prostatique, séparé du stroma prostatique par une membrane basale.
L’épithélium prostatique est composé de plusieurs types de cellules : les cellules épithéliales, les cellules endocrines, les cellules intermédiaires et les cellules basales (4).
Les mécanismes de régulation hormonale de la prostate
Les androgènes (essentiellement la testostérone et la dihydrotestostérone (DHT)) et les œstrogènes sont responsables de multiples effets métaboliques intra-prostatiques incluant la croissance et la différenciation cellulaire. Cependant, même si les rôles inhibiteurs et potentialisateurs des androgènes ont été décrits, le rôle précis des œstrogènes est mal connu au niveau des cellules prostatiques (3).
La testostérone est le principal androgène circulant. Elle est produite de façon quasiexclusive (plus de 95%) par les cellules de Leydig du testicule, à partir du cholestérol, lors du processus de synthèse des hormones stéroïdes, et en plus faible quantité par la glande surrénale (moins de 1% de la testostérone sériques). Son dérivé, la dihydrotestostérone, est deux fois plus puissant) (Figure 3) (5).
Le mécanisme d’action de la testostérone et effet sur la prostate
La testostérone produite par les cellules de Leydig diffuse librement à travers la membrane des cellules de Leydig. Dans le plasma, la testostérone circule sous trois formes : 2 % sous forme libre, seule forme utilisable directement par les tissus, 53-63 % sont liés à la protéine de transport des stéroïdes sexuels appelée TeBG (testosterone binding-globulin) ou SHBG (sex hormone binding globulin) et 30 à 55 % sous forme liée à l’albumine. La testostérone liée à la SHBG, à l’inverse de la fraction liée à l’albumine, se dissocie difficilement et n’est pas disponible pour l’utilisation tissulaire (5).
La testostérone libre, après son passage transmembranaire, joue le rôle de pro-hormone dans la prostate et doit être métabolisée en androgène plus puissant, la DHT, qui activera le récepteur aux androgènes (RA), ou en œstrogène, l’œstradiol, qui activera un récepteur différent. Le RA cytoplasmique inactif n’est qu’une partie d’un complexe macromoléculaire, le RA-HSP (Heat Shock Protein) qui se dissocie lors de la liaison de la testostérone ou de la DHT au RA, entraînant un changement conformationnel (allostérique) qui l’active. Le RA migre alors dans le noyau et s’unit à un autre RA pour former un homodimère qui se lie avec une très haute affinité à des sites de liaisons spécifiques de la chromatine nucléaire, contigus aux gènes androgéno dépendants (5).
Au niveau des cellules épithéliales de la prostate, la liaison de la DHT au RA conduit à l’activation ou à la répression de gènes aboutissant à la sécrétion de l’antigène spécifique de la prostate (ou PSA) ou phosphatases acides prostatiques (ou PAP) par les cellules épithéliales.
Au niveau de la cellule stromale, l’action de la DHT résulte en la production de substances variées, dont les facteurs de croissance ou les cytokines, essentielles à l’homéostasie de la prostate (4).
La régulation des androgènes
La régulation des androgènes se fait par une boucle de contrôle incluant des mécanismes stimulants la production et des mécanismes inhibiteurs (feed-back négatif). Cette boucle de contrôle implique l’axe hypothamamo-hypophysaire et les testicules (Figure 4). En effet, lorsque le taux de testostérone diminue, l’hypothalamus sécrète l’hormone de libération de la lutéinostimuline (LH-RH (luteinizing hormone-releasinghormone) ou GnRH). Celle-ci agit sur les cellules gonadotropes de l’antéhypophyse qui à son tour sécrète les gonadotrophines (LH et FSH).
L’hormone folliculo-stimulante (FSH) stimule la spermatogénèse et l’hormone lutéinisante (LH) stimule la production de testostérone par les cellules de Leydig des testicules au cours du processus de stéroïdogenèse. La testostérone ainsi produite, de même que ses dérivés (DHT, oestradiol), pourront exercer un rétrocontrôle négatif sur l’axe hypotalamohypophysaire. L’hormone corticotrope (ACTH) stimule la sécrétion d’androgènes surrénaliens faibles. En retour, ceux-ci n’exercent aucun rétrocontrôle sur la sécrétion d’ACTH qui est régulée par le cortisol (Figure 4) (5).
Le dépistage
Le dépistage consiste à rechercher une maladie dans une population asymptomatique afin d’optimiser la prise en charge. De grandes études scientifiques internationales présentent des conclusions contradictoires sur ce point (5,9). Un dépistage précoce peut aboutir à un surdiagnostic et à un sur-traitement. Les autorités françaises dont l’institut national du cancer (InCa), l’assurance maladie, la haute autorité de santé (HAS) et le comité de cancérologie de l’association française d’urologie (CCAFU) ne recommandent pas un dépistage systématique du cancer de la prostate. Une immense majorité des autorités sanitaires et des sociétés savantes internationales partagent ces positions. De nombreuses recommandations nationales orientent le dépistage systématique vers une détection précoce basée sur une décision partagée entre le patient et le professionnel de santé (10–12).
Le diagnostic
Les objectifs du diagnostic sont les suivants :
– Confirmer la présence d’un cancer
– Identifier le type de cancer
– Evaluer la taille de la tumeur et sa propagation à d’autres organes
– Elaborer un plan de traitement.
Les deux phases principales sont le bilan initial et le bilan d’extension.
Le bilan initial
Il comporte différentes étapes : le diagnostic clinique composé de l’interrogatoire du patient et de l’examen clinique, le diagnostic biologique dont le taux de PSA et une biopsie de la prostate. Le médecin évalue dans l’entretien avec le patient l’état de santé général et identifie les éventuels antécédents médicaux ou chirurgicaux personnels et familiaux.
En général, le diagnostic se pose chez un patient asymptomatique.
Toutefois, il est possible que le diagnostic soit orienté par l’évocation des symptômes suivants :
– Altération de l’état général
– Troubles urinaires irritatifs ou obstructifs
– Hématurie
– Douleurs osseuses
– Signes neurologiques tels que la paresthésie, le déficit musculaire des membres inférieurs, un syndrome de la queue-de-cheval
L’examen clinique
Un toucher rectal doit être systématiquement réalisé et doit être effectué avant tout autre examen. Il est recommandé en association à un dosage de la PSA. A noter qu’un toucher rectal normal n’exclut pas un CaP (12,13).
Le toucher rectal doit faire évoquer un cancer de la prostate s’il y a présence :
– D’un nodule dur, irrégulier, non douloureux
– D’un envahissement de la capsule, des vésicules séminales ou des organes de voisinage
Des examens cliniques complémentaires peuvent être réalisés à la recherche de (14) :
– Œdème d’un des membres inférieurs (compression veineuse par adénopathies métastatiques)
– Examen neurologique
L’examen biologique
Le taux sérique de PSA normal est inférieur à 4 ng.mL-1 , mais un taux de PSA supérieure à la normale n’est pas spécifique d’un CaP et nécessite la réalisation des biopsies prostatiques écho guidées pour confirmer le diagnostic (16,17).
En effet, plusieurs facteurs autres que le CaP peuvent conduire à une augmentation du PSA : l’inflammation, l’adénome de prostate (tumeur parfaitement bénigne), l’éjaculation, une intervention sur la prostate sont également des causes d’élévation de PSA, temporaires pour la plupart (16). D’autres séries de prélèvement par biopsie peuvent être nécessaires si la suspicion d’un CaP persiste. Actuellement, il n’existe pas de consensus sur l’intervalle de temps entre deux séries (11). La classification histologique de la tumeur est réalisée à l’aide du score de Gleason (20). Ces examens peuvent être complétés par la recherche de marqueurs urinaires ou par de l’imagerie telles que l’imagerie par résonnance magnétique (IRM) ou la tomodensitométrie (TDM) (11).
Le score de Gleason
Le score de Gleason permet d’apprécier la différenciation/agressivité des cellules cancéreuses et constitue un facteur pronostic dans la prise en charge du CaP. Il existe des foyers tumoraux d’évolution différentes et à des stades de différenciation pouvant être différents. L’anatomopathologiste assigne un grade de 1 à 5 pour les 2 types de modèles de croissance glandulaire les plus courants dans la tumeur. Il additionne ensuite les 2 grades pour obtenir le score de Gleason (Figure 5) (17).
Ce score a été défini par l’International Society of Urological Pathology (ISUP) en cinq groupes pronostiques.
La tomodensitométrie
Le scanner permet de réaliser une succession de clichés en tranches horizontales et se réalise autour de la région pelvienne, on parle de scanner pelvien ou tomodensitométrie pelvienne. En cas de maladie localisée, le scanner est actuellement supplanté par l’IRM dont les performances sont identiques pour l’extension ganglionnaire, mais reste indiquée en cas de contre-indication à l’IRM. En cas de maladie localement avancée ou de métastases ganglionnaires ou osseuses, le scanner reste utile pour détecter des métastases viscérales, dont la présence est de mauvais pronostic (11).
L’échographie
Elle est peu sensible et peu spécifique pour la détection du CP et n’est pas indiquée pour le bilan d’extension. Elle permet d’évaluer le volume de la prostate et de guider les biopsies (17).
D’autres examens peuvent être nécessaires pour les bilans initiaux tels que la scintigraphie osseuse qui permet de rechercher la présence de métastases au niveau des os.
Les stades du cancer
La classification TNM/UICC
La classification TNM (tumeur-nodule-métastases) est une classification synthétique des stades du cancer, établie par l’Unité Internationale Contre le Cancer (UICC) et admise au niveau international (21)