Généralités
Comme nous l’avons mentionné dans le paragraphe 1.1.2, les propriétés de fluorescence des porphyrines sont sensibles à l’environnement. Elles sont notamment modifiées par le pH, comme le montre la figure 1.5. De ce fait, l’enregistrement des modifications des spectres d’absorbance et d’émission de fluorescence de la porphyrine en solution aqueuse pourra nous permettre de déterminer les pK des différents groupes. Les valeurs de ces pK ont déjà été déterminées [13]. Néanmoins, la précision de ces valeurs est sans doute limitée par les phénomènes d’autoassociation des molécules de deutéroporphyrines, favorisés par la neutralisation des groupes carboxyliques. L’appareil de stopped-flow a donc été utilisé afin de réaliser des mesures rapidement après que la solution ait été portée au pH souhaité (« pH-jump »), pour éviter les problèmes liés à l’instabilité des solutions porphyriques à certains pH (voir paragraphe 2.2.3).
Etats d’ionisation des porphyrines en solution
L’agrégation des molécules de porphyrines s’accompagne, comme cela a déjà été spécifié, d’une perte de fluorescence dans la gamme de longueur d’onde utilisée.
De ce fait, ces phénomènes ont pu induire un biais important dans les mesures précédentes des pK des différents groupes de la deutéroporphyrine [13], notamment des chaînes carbonées. Par exemple, dans le cas de l’hématoporphyrine, une autre porphyrine dicarboxylique, les valeurs obtenues par titration à partir de solutions acides ou de solutions basiques sont très nettement différentes [17]. Pour la deutéroporphyrine, nous avons donc, dans un premier temps, réexaminé les valeurs des pK en tenant compte des phénomènes d’autoassociation de la molécule.
Mesures des spectres d’absorption résolus en temps
A des concentrations faibles, l’autoassociation des porphyrines se réduit à la formation de dimères [119]. La constante de dimérisation de la deutéroporphyrine est connue, elle est de 2,3×106 M-1 dans du tampon phosphate à pH 7,2 [99]. A pH neutre, les formes monomère et dimère peuvent être distinguées sans problème grâce à la bande que présente leur spectre d’absorption dans le proche UV, qui passe de 395 nm pour le monomère à 370 nm pour le dimère. d’abord voulu différencier cinétiquement ces phénomènes. Pour cela, nous avons préparé une solution de porphyrine dans du tampon phosphate 1mM à pH 9,5. A ce pH, en effet, les chaînes carboxyliques sont déprotonées, ce qui empêche l’autoassociation dans la gamme de concentrations utilisées (< 3×10-6 M, voir figure 3.2). Cette solution est ensuite mélangée au stopped-flow avec une seconde solution, acide, de tampon phosphate à 39 mM, de façon à ce que la concentration en phosphate après mélange soit de 20 mM. Le pH de cette seconde solution a été choisi de façon à ce que le mélange conduise au pH d’étude désiré. Nous avons utilisé une concentration en phosphate plus importante pour la solution acide de façon à pouvoir amener le pH après mélange à des valeurs très acides, en l’occurrence jusqu’à 1,8.
Toutes les solutions contiennent 0,15 M de NaCl. L’acquisition du spectre d’absorption est automatiquement déclenchée 2,56 ms et 1 s après le mélange. Afin de minimiser les phénomènes de dimérisation, nous avons utilisé des concentrations en deutéroporphyrine les plus faibles possible (5,7×10-7M).
Les spectres d’absorbance de la solution de porphyrine ont ainsi été enregistrés pour des pH finaux allant de 8,4 à 1,8. Quelques exemples significatifs sont donnés sur la figure 3.3. Pour un pH final de 7,2 ainsi que pour tous les pH plus basiques, les deux spectres à 2,56 ms et 1 s sont identiques. Ils présentent un pic à 395 nm caractéristiques de la forme monomère. Néanmoins, un épaulement autour de 370 nm indique que la forme dimérique a une contribution non négligeable dans ces signaux, y compris pour les temps les plus courts. La constante de dimèrisation à pH 7,4, donnée précédemment, permet de calculer la proportion de monomère à l’équilibre, qui est ici de 46%. A pH 5,95 et 4,7, quelques modifications peuvent être mises en évidence entre les deux spectres enregistrés successivement. Cependant la contribution de la bande des dimères reste importante même sur les spectres à temps très courts. Dans tous ces cas, la dimérisation est donc trop rapide pour permettre l’étude de l’étape de protonation des monomères en utilisant cette méthode, dont la résolution temporelle est du même ordre de grandeur que la durée des réactions d’autoassociation des molécules. Par ailleurs, comme attendu, les deux spectres à pH 2,02 sont identiques et montrent un pic à 400 nm, correspondant au monomère dicationique [123].
Comme l’indiquent les faibles différences observées entre les deux spectres successivement pris au même pH, notamment à pH 5,95 et 4,7, la bande de Soret est très rapidement décalée de 395nm, correspondant à la forme monomère de la porphyrine, à 370 nm. Ce shift vers le bleu correspond à l’autoassociation des molécules (voir figure 1.4). En accord avec la théorie excitonique, il peut s’interpréter comme la formation de dimères par stacking cofacial [124]. En effet, afin de réduire les répulsions, chaque molécule de porphyrine impliquée dans un dimère prend l’orientation opposée à sa partenaire [125]. Dans la gamme de concentrations utilisée lors de nos expériences, ces processus de dimérisation semblent être presque achevés dans le temps correspondant à la durée de nos mesures, c’est à dire en quelques millisecondes.
Afin de limiter encore les phénomènes de dimérisation, nous avons utilisé une concentration en porphyrine encore plus faible (5,5×10-8 M) et avons donc travaillé en détection par fluorescence. On peut escompter que les propriétés optiques de la deutéroporphyrine seront en effet modifiées par les phénomènes de solvatation, dépendant eux-mêmes des états de protonation de la molécule. Le même protocole de mélange au stopped-flow a été utilisé, et la fluorescence à été enregistrée au delà de 590 nm en utilisant un filtre passe-haut. L’excitation a été fixée à 395 nm. Les modifications de la fluorescence, reflet des cinétiques réactionnelles, ont été suivies sur 20 ms, 200 ms ou 1s. Comme le montre la figure 3.4, correspondant à un mélange dont le pH final est de 5,95, les signaux sont parfaitement ajustés par des courbes mono-exponentielles. Ces cinétiques n’ont donc pas permis de mettre en évidence les différentes étapes successives attendues (protonation et autoassociation).
Titration fluorimétrique en fonction de la concentration en porphyrine
Etant donné que les étapes de protonation et de dimérisation ne peuvent pas être distinguées par les expériences résolues en temps que nous avons réalisées, les effets de la concentration sur les valeurs des pK ont été évalués par des mesures à l’équilibre. La proportion de dimère étant inversement proportionnel à la concentration, la tendance observée en diminuant la concentration de la porphyrine pourra donner accès, en extrapolant à une concentration nulle, aux caractéristiques du monomère [129]. Nous avons donc réalisé une série de titrations acido-basiques à différentes concentrations en deutéroporphyrine (3,6×10-7 M, 1,8×10-7 M, 3,6×10-8 M et 7,2×10-9 M). La figure 3.5 montre l’ensemble des spectres obtenus pour la plus forte concentration, dont la forme est caractéristique de l’ensemble des résultats obtenus. La fluorescence est très faible pour les essais réalisés dans la zone de pH autour de 4,7. Cette zone correspond au maximum de dimérisation des molécules en solution. La diminution du pH jusqu’à 1,8 conduit à une exaltation des pics à 592 et 650 nm alors que l’augmentation du pH jusqu’à pH 8,4 a pour conséquence une augmentation des pics à 610 et 670 nm. Etant donné ces caractéristiques spectrales et le fait que la dimérisation conduit à une extinction de la fluorescence observée, nous pensons que la forme neutre de la deutéroporphyrine, PH2, est majoritaire à pH 4,7. En accord avec les équilibres proposés ci-après, l’acidification progressive jusqu’à pH 1,8 conduit à la formation successive des formes mono- et di-cationiques. A l’inverse, le passage vers les pH basiques permet la formation successive des formes mono- et di-anioniques.
Titration fluorimétrique en fonction de la concentration en porphyrine
Etant donné que les étapes de protonation et de dimérisation ne peuvent pas être distinguées par les expériences résolues en temps que nous avons réalisées, les effets de la concentration sur les valeurs des pK ont été évalués par des mesures à l’équilibre. La proportion de dimère étant inversement proportionnel à la concentration, la tendance observée en diminuant la concentration de la porphyrine pourra donner accès, en extrapolant à une concentration nulle, aux caractéristiques du monomère [129]. Nous avons donc réalisé une série de titrations acido-basiques à différentes concentrations en deutéroporphyrine (3,6×10-7 M, 1,8×10-7 M, 3,6×10-8 M et 7,2×10-9 M). La figure 3.5 montre l’ensemble des spectres obtenus pour la plus forte concentration, dont la forme est caractéristique de l’ensemble des résultats obtenus. La fluorescence est très faible pour les essais réalisés dans la zone de pH autour de 4,7. Cette zone correspond au maximum de dimérisation des molécules en solution. La diminution du pH jusqu’à 1,8 conduit à une exaltation des pics à 592 et 650 nm alors que l’augmentation du pH jusqu’à pH 8,4 a pour conséquence une augmentation des pics à 610 et 670 nm. Etant donné ces caractéristiques spectrales et le fait que la dimérisation conduit à une extinction de la fluorescence observée, nous pensons que la forme neutre de la deutéroporphyrine, PH2, est majoritaire à pH 4,7.
En accord avec les équilibres proposés ci-après, l’acidification progressive jusqu’à pH 1,8 conduit à la formation successive des formes mono- et di-cationiques. A l’inverse, le passage vers les pH basiques permet la formation successive des formes mono- et di-anioniques.
Corrélation entre les états d’ionisation de la porphyrine et ses constantes de vitesse d’entrée et de sortie des vésicules
La forme sigmoïde des courbes expérimentales de la figure 3.11 indique que l’interaction de la deutéroporphyrine avec les vésicules lipidiques fait intervenir différentes formes de la molécule, ayant chacune des constantes de vitesse différentes. Cependant, la forme mono-exponentielle des signaux obtenus (figure 3.9) montre clairement que ces différentes espèces ne peuvent pas être différenciées. L’équilibre entre elles est donc atteint avant les phénomènes d’association à la bicouche. En effet, le délai entre les deux mélanges est de 10 ms alors que, comme nous venons de le voir, les phénomènes de protonation/déprotonation sont extrêmement rapides. Les constantes de vitesses observées expérimentalement correspondent donc à une combinaison de celles des différentes formes de la porphyrine impliquées. De plus, l’autoassociation des molécules de porphyrines est également très rapide et il se pourrait qu’en dépit de nos précautions la formation de dimère soit déjà significative lors de la mise en présence des solutions de porphyrineet de liposome. Nous reviendrons sur ce point dans la discussion.