Microbiote et voie de naissance

Microbiote et voie de naissance

L’étude de Rutayisire et al. est une revue systématique de la littérature, sélectionnée à partir de 4 bases de données et réunissant 7 études (2 suédoises, 2 finlandaises, 1 indienne, 1 singapourienne, 1 grecque) avec pour objectif d’identifier l’impact de la voie de naissance sur la diversité et le mode de colonisati n du microbiote intestinal durant les premières années de vie du nourrisson. Les auteurs concluent que les genres Bifidobacterium (p<0,001) et Bacteroides (p<0,001) sont significativement plus fréquemment retrouvés chez les nourrissons nés par voie vaginale comparés à ceux nés par césarienne. Ces derniers sont significativement plus colonisés par les genres Clostridium (p<0,0038) et Lactobacillus (p<0,001) au cours des 3 premiers mois de vie, différences qui persistent jusqu’à 6 mois de vie mais deviennent non significatives (p<0,07) (12).
Ces résultats rejoignent ceux de l’étude de Azad et al., étude de cohorte qui avait pour objectif, d’évaluer l’impact de la voie de naissance sur la composition du microbiote intestinal, associée à une exposition per-natale aux antibiotiques. Les résultats rapportés par l’analyse d’échantillons de selles des nouveau-nés (prélèvements à 3 mois et 1 an) montrent une différence significative entre la composition du microbiote des enfants nés par voie basse exposés aux antibiotiques comparés à ceux nés par voie basse non exposés aux antibiotiques (p<0,05). De même, une différence de composition est retrouvée chez les enfants nés par césarienne exposés aux antibiotiques comparés à ceux non exposés aux antibiotiques (p<0,001 à 3 mois et p<0,05 à 1 an). Il existe donc une différence significative aussi bien en cas de naissance par voie basse que par césarienne dès lors qu’il y a eu exposition aux antibiotiques.
Ces résultats concernent notamment le phylum Bacteroidetes, qui n’est retrouvé qu’à 24% chez les nouveau-nés exposés aux antibiotiques nés par voie basse contre en moyenne 46% chez les non-exposés (p<0,05) et <1% chez ceux nés par césarienne (p<0,001). De plus, une augmentation des Firmicutes et des Protéobactéries sont retrouvées chez les nouveau-nés nés par césarienne. Ces 2 familles de bactéries sont normalement retrouvées sur la peau, avec dans la famille des Firmicutes le genre Clostridium, bactérie opportuniste responsable de l’ECUN tandis que les Bacteroidetes sont normalement retrouvées dans le tube digestif. Les auteurs soulèvent cependant une différence moins importante en cas de naissance par voie basse et suggèrent que cette voie de naissance atténue les effets des antibiotiques du fait des différences observées entre les nouveau-nés exposés aux antibiotiques et nés par voie basse comparés à ceux nés par césarienne et également exposés aux antibiotiques (13).
De plus, les bactéries retrouvées dans les selles des enfants nés par césarienne sont, comme énoncé plus haut, des bactéries habituellement cutanées. Cela signifie que, l’implantation du microbiote chez ces nouveau-nés se fait principalement grâce au peau-à-peau.
Ce point est également abordé par l’étude de Mueller et al., ou les auteurs expliquent que le peau à peau est d’autant plus important chez les enfants nés par césarienne, du fait de la colonisation prépondérante par voie cutanée, grâce à l’écosystème cutané maternel (ou paternel) (6).
L’étude de Dominguez Bello et al., essai clinique (étude pilote) ayant pour objectif de restaurer le microbiote des nouveau-nés nés par césarienne, met en lumière l’importance de la voie de naissance dans les étapes d’une colonisation microbienne équilibrée en comparant 3 groupes : naissance par voie basse (groupe 1), naissance par césarienne avec tentative de restauration (groupe 2), naissance par césarienne sans tentative de restauration (groupe 3). La comparaison entre ces 3 groupes démontre que la mise en place de gazes en intravaginal chez la parturiente, avant la césarienne, suivi d’une mise en contact de cette gaze et du nouveau-né entraine une restauration partielle du microbiote intestinal chez ces nouveau-nés ; partielle du fait probable de l’antibioprophylaxie en cas de césarienne et de l’absence de contact direct entre le nouveauné et le microbiote vaginal maternel, les gazes constituant un intermédiaire. Ainsi, le microbiote des nouveau-nés du groupe 2 se rapproche de celui du groupe 1 sans que cette différence nesoit significative (p>0,05) tandis que ceux du groupe 3 présentent un microbiote significativement altéré comparé au groupe 1 (p<0,001) (14).
Dans l’étude de Van Best et al., revue de la littérature, la voie de naissance apparait comme étant un facteur déterminant de la colonisation. Les auteurs mettent également en évidence l’existence d’un impact tout au long de la première année de vie, par le biais du mode d’alimentation, de l’exposition aux antibiotiques, mais également de l’environnement par des facteurs tels que la présence d’animaux de compagnies dans le domicile, la zone géographique, les facteurs génétiques, la fratrie. Ainsi, les animaux de compagnies semblent augmenter les taux de Clostridium et de diminuer les taux de Bifidobactéries ainsi que la diversité microbienne.
A l’inverse, la fratrie semble favoriser l’augmentation des Bifidobactéries, de la diversité et la diminution des Clostridium (15). Le facteur génétique est abordé dans cette revue, qui cite l’étude de Goodrich et al. (2014), laquelle explique que les différences de composition du microbiote intestinal entre des jumeaux est moins important que les différences observées entre des individus sans lien de parenté. Cela suggère l’implication d’un facteur génétique. De plus, les différences de composition sont plus ou moins prononcées selon que les jumeaux sont homozygotes ou hétérozygotes (différence moins importante chez les homozygotes) (16).

Microbiote et antibiotiques

L’implication des antibiotiques dans l’altération du microbiote soulève non seulement la question de ceux administrés chez le nouveau-né mais ici, plus encore, ceux administrés à la femme enceinte, comme le révèle l’étude de Mueller et al. détaillée plus loin (6).
L’étude comparative prospective de Roesch et al. avait pour objectif d’analyser le microbiote vaginal de femmes enceintes à risque de transmission de Streptocoque B ayant reçu une antibioprophylaxie per-partum et de le comparer à un groupe témoin. Cette étude, faite sur une population brésilienne, met en évidence une dominance de Lactobacillus chez les femmes enceintes en bonne santé et une composition microbienne de faible diversité au niveau vaginal contrairement aux femmes porteuses de streptocoque du groupe B (SGB) et/ou avec un antécédent de portage de SGB ayant reçu une antibioprophylaxie (p<0,05 concernant Lactobacillus) (17).
Cet impact sur le microbiote maternel a un impact chez le nouveau-né comme le démontre l’étude de Azad et al., où l’antibioprophylaxie per-partum entrainait une altération significative du microbiote (p<0,001 à 3 mois et p<0,05 à un an). On remarque ainsi une diminution de cette différence dans le temps, mais celle-ci reste tout de même significative à 1 an (13).
L’étude de cohorte menée à New-York par Mueller et al., qui inclue 436 diades mère-enfant, met l’accent sur les effets des antibiotiques en anténatal, et notamment leur utilisation au cours des deux derniers trimestres de grossesse. Un suivi de la période anténatale jusqu’aux 7 ans de l’enfant a permis de démontrer que les enfants exposés aux antibiotiques pendant leur vie anténatale (2ème et 3ème trimestre de grossesse) avaient une augmentation significative du risque d’obésité de 84% (33-154%) comparés aux enfants non exposés (p<0,05). Cette exposition est également associée à l’augmentation significative de l’indice de masse corporelle (IMC), du tour de taille, et du pourcentage de masse grasse (p<0,05) (6).
Ces effets de l’exposition aux antibiotiques ont été pris en compte dans la mise en place des nouvelles recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) et de la Société Française de Pédiatrie (SFP) qui ont pour objectif de renforcer la surveillance clinique afin de réduire l’exposition néonatale aux antibiotiques. Les semaines entourant la naissance, comme précisé précédemment, représentent, en effet, une période critique lors de laquelle l’organisme est particulièrement sensible (18).

Microbiote et allaitement

Le mode d’allaitement du nouveau-né a logiquement un impact sur l’implantation du microbiote intestinal du nouveau-né et a fait l’objet de nombreuses études. Gregory et al., retrouve une association significative entre la composition du microbiote intestinal du nouveauné et le mode d’alimentation (p<0,001). L’objectif de cette étude, réalisée à Boston, était de déterminer la composition du microbiote intestinal de 30 nouveau-nés prématurés, nés à moins de 32 semaines d’aménorrhée (SA) durant une période d’environ 6 semaines après la naissance, et ayant été exposés à 3 différents régimes nutritionnels : allaitement maternel (AM) exclusif, allaitement artificiel (AA) exclusif et allaitement à partir de lait de donneur humain pasteurisé (LD). Les auteurs ont retrouvé une plus grande diversité bactérienne initiale et une acquisition plus progressive de la diversité dans le groupe AM comparé au groupe AA, de façon significative (p=0.049). Par ailleurs, la composition du microbiote du groupe LD étaient plus proche de celle du groupe AM que du groupe AA (19).
Une autre étude menée par Sohn et al. portant sur 12 nouveau-nés de très faible poids de naissance (étude pilote) retrouvait que l’administration buccale de colostrum toutes les 2h pendant 46h entraine des modifications significatives du microbiote buccal (analyse par séquençage à 48h et 96h) en comparaison avec une groupe contrôle comparable. Les auteurs retrouvaient significativement plus de Planococcacea dans le groupe colostrum et des Staphylococcae et Moraxella dans le groupe contrôle (p< 0,001) (20).
Par ailleurs, les résultats d’Azad et al. démontre que l’allaitement maternel exclusif permet de minimiser les modifications du microbiote (dysbiose) secondaires à l’exposition aux antibiotiques en période périnatale à 3 mois (p=0,003) et à 1 an (p<0,001) comparé à un groupe de nouveau-né ayant été exposés aux antibiotiques mais non allaités exclusivement (13).
Selon Garcia et al., le lait maternel permet ainsi, entre autres fonctions, la mise en place d’un microbiote stable et riche et ce, par la présence de nombreux composants identifiés : lipides (dont les acides gras polyinsaturés à longue chaine et entre autres l’acide docosahexaénoïque (DHA), enzymes, probiotiques, prébiotiques, protéines, hormones et facteur de croissances, et les Human Milk Oligosaccharides (HMOs), qui participent à l’acquisition d’un microbiote équilibré (21).
Ces fonctions des HMOs sont également étudiées par Newburg et Morelli, dans une revue systématique de la littérature. Ces oligosaccharides contenus dans le lait maternel (et colostrum) présentent des propriétés prébiotiques et anti-inflammatoires. Ils ne sont pas digestibles par le nouveau-né du fait de leur structure complexe, ce qui a amené les auteurs à rechercher les raisons de leur présence dans le lait maternel puisqu’ils ne pouvaient être métabolisé par le nouveau-né (glycans à chaine complexe). Ils ont ainsi démontré que ces HMOs permettent la sélection des familles Bacteroidetes et Lactobacilles (bénéfiques à l’acquisition d’un microbiote équilibré) en leur servant de substrat et inhibent la croissance et l’adhésion de bactéries pathogènes opportunistes par la présence plus élevées des Bacteroidetes et Lactobacilles. L’inoculation initiale, lors de la naissance par voie basse, semble être la première étape d’une succession d’évènements : les premières bactéries atteignant le tube digestif ne constituent pas, à elles seules, un microbiote stable. Le lait maternel, par sa composition permet donc la sélection de bactéries symbiotiques (en leur apportant des métabolites permettant leur multiplication et croissance) et protège contre les pathogènes opportunistes (22).

Microbiote, prématurité et faible poids de naissance

Plusieurs études confirment que la composition du microbiote est influencée par l’âge gestationnel à la naissance et le poids de naissance, notamment celle de Gregory et al. ainsi que celle de Sohn et al (19) (20).
Dans une revue de la littérature, Groer et al., retrouvent une différence significative de la composition du microbiote chez les nouveau-nés eutrophes comparés à ceux de très faible poids de naissance (p<0,001). On retrouve chez ces derniers une succession de familles bactériennes inhabituelles (Streptocoque de groupe B, Escherichia Coli et autres bactéries anaérobies strictes sensées apparaitre plus tard, après l’implantation de bactéries aérobies et anaérobies facultatives) les exposant à la survenue d’ECUN et autres infections. Le très faible poids de naissance et la prématurité sont ainsi associés à une dysbiose, qui peut cependant être plurifactorielle et secondaire à plusieurs autres facteurs de risque cités plus haut et souvent retrouvés chez ces enfants : mode d’alimentation, troubles précoces de l’oralité, hospitalisation en néonatalogie, exposition aux antibiotiques, naissance par voie basse rapide ou par césarienne ne permettant pas un contact suffisant avec le microbiote maternel vaginal (23).

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