Résultats de l’essai clinique CELLCORDES

Résumé

Introduction : Les patients présentant des cordes vocales cicatricielles, qu’elles soient nd’origine congénitale ou après phonochirurgie, présentent souvent une dysphonie ayant un impact négatif majeur sur leur vie quotidienne et dont le traitement est difficile.

La fraction

Résultats de l’essai clinique CELLCORDES – Première injection chez l’homme de fraction vasculaire stromale autologue d’origine adipeuse dans des cordes vocales cicatricielles vasculaire stromale (FVS) autologue d’origine adipeuse est de plus en plus reconnue comme une source facilement accessible de cellules aux propriétés angiogéniques, anti-inflammatoires, immunomodulatrices et régénératrices. Notre objectif était d’évaluer la faisabilité, la sécurité, la tolérance et l’efficacité potentielle des injections locales de FVS autologue d’origine adipeuse chez des patients présentant des cordes vocales cicatricielles.
Méthodes et Résultats : Cet essai pilote de phase I était une étude prospective, ouverte, non contrôlée et monocentrique, avec un suivi de 12 mois auprès de 8 patients (7 femmes et 1 homme) présentant une dysphonie sévère due à des cordes vocales cicatricielles (Voice Handicap Index [VHI] > 60/120). La FVS était préparée et injectée dans une ou deux cordes vocales. Le critère de jugement principal était la faisabilité, le nombre et la gravité des effets indésirables liés au traitement à base de FVS. Les critères d’évaluation secondaires étaient les modifications du bilan vocal, de la vidéolaryngostroboscopie et de l’auto-évaluation de la dysphonie et de la qualité de vie, à 1, 6 et 12 mois après injection.
La sécurité et la faisabilité étaient évidentes puisque ne sont survenus que des événements indésirables liés à la liposuccion et à l’injection de FVS qui étaient prévus et se sont résolus spontanément pour la plupart. Un patient a nécessité des massages par un kinésithérapeute pour drainer un hématome au niveau des zones de liposuccion et un autre s’est plaint d’une gêne esthétique liée à un défect adipeux au niveau du site de liposuccion. À 12 mois, le VHI était amélioré chez tous les patients, avec une amélioration moyenne par rapport aux valeurs initiales de 40,1 ± 21,5 points (p = 0,012). Sept patients ont été considérés comme répondeurs soit une amélioration ≥ 18 points correspondant à la différence minimale cliniquement pertinente pour le VHI. Une tendance à l’amélioration de la raucité de la voix dans l’analyse perceptive a également été observée.
Les principales limites étaient celles d’une étude pilote (nombre limité de patients, différentes étiologies de cordes vocales cicatricielles impliquées, essai ouvert sans groupe témoin).
Conclusions : Cette étude valide la sécurité de l’injection autologue de FVS d’origine adipeuse dans les cordes vocales cicatricielles et suggère une efficacité potentielle qui devra être confirmée par la réalisation d’un essai clinique randomisé, versus placebo, sur une population plus importante.

Abréviations

ADSC (Adipose-Derived Stem Cells) : cellules souches mésenchymateuses d’origine adipeuse. CFU-F (Colony Forming Unit-Fibroblastic) : test étudiant le pouvoir clonogénique de différentes cellules. Chaque colonie cellulaire formée dérive d’une seule cellule initiatrice appelée CFU-F.
CSM (Cellules Souches / Stromales Mésenchymateuses) : cellules pluripotentes capables de générer différents tissus du mésoderme.
DAB (Débit d’Air Buccal) : mesure par un pneumotachographe du débit d’air moyen lors d’une phonation soutenue pendant une durée confortable, à hauteur et intensité habituelles et suivant une inspiration standard (cm3 / seconde). FVS (Fraction Vasculaire Stromale) : après liposuccion, le tissu adipeux est lavé et digéré avec une enzyme, la collagénase, pour séparer les adipocytes de la FVS, manuellement ou à l’aide d’automates. Cette fraction aqueuse correspond à une population hétérogène de cellules comprenant des ADSC, des fibroblastes, des leucocytes, des cellules et progéniteurs endothéliaux et des péricytes.
PSG (Pression Sous-Glottique estimée au seuil phonatoire) : pression sous-glottique minimale nécessaire pour initier et maintenir la vibration des cordes vocales (hectopascals).
TMP (Temps Maximum de Phonation) : consiste en la réalisation d’une voyelle /a:/ tenue le plus longtemps possible, après une inspiration maximale et à une hauteur et une intensité confortable et spontanée (secondes).
VHI (Voice Handicap Index) : questionnaire d’auto-évaluation utilisé pour évaluer le ressenti du patient quant à l’impact de sa dysphonie sur ces activités quotidiennes.

Introduction

La microstructure des cordes vocales est complexe [1,2], notamment du fait de son organisation feuilletée. Les proportions et l’organisation des différents composants de la matrice extracellulaire dans chaque couche déterminent en grande partie les propriétés mécaniques des cordes vocales. Après une intervention de phonochirurgie, on observe parfois des cordes vocales cicatricielles dues à la disparition partielle de la lamina propria (sous-muqueuse), la couche superficielle et / ou intermédiaire étant remplacée(s) par du tissu fibreux. Le découplage mécanique de l’épithélium et du muscle n’est plus possible et la vibration des cordes vocales est altérée. Cela s’accompagne souvent d’une perte de volume à l’origine d’une insuffisance glottique. Un tissu cicatriciel peut également être retrouvé sans étiologie iatrogène, d’origine congénitale (sulcus) ou plus souvent acquise via un mécanisme similaire à celui des vergetures cutanées ou à la suite de traumatismes ou de phénomènes inflammatoires chroniques.
L’impact vocal de telles cicatrices peut être handicapant, en particulier pour les professionnels de la communication. Ces patients présentent généralement une dysphonie ancienne, une perte de contrôle vocal, une fatigue vocale, une voix soufflée, souvent trop aiguë et instable.
Les options thérapeutiques actuelles sont limitées, en grande partie du fait de la complexité de la micro-structure des cordes vocales [1]. Dans les cas où le problème prédominant est l’insuffisance glottique, les procédures de médialisation se sont révélées efficaces [1,3]. Lorsque la rigidité est la caractéristique principale, d’autres techniques ont déjà été décrites (résection de cicatrice, microlambeau [4], acide hyaluronique [5,6]…) mais sont souvent décevantes, surtout à long terme [7–9], et peuvent parfois aggraver la situation en conduisant à des cicatrices supplémentaires. Ainsi, l’identification de stratégies innovantes susceptibles d’améliorer les propriétés mécaniques vibratoires des cordes vocales reste un défi clinique important [1,3].
La fraction vasculaire stromale (FVS) autologue d’origine adipeuse correspond à une population hétérogène de cellules comprenant des cellules souches / stromales mésenchymateuses (CSM), des fibroblastes, des leucocytes, des cellules et progéniteurs endothéliaux et des péricytes [10]. Elle est de plus en plus reconnue comme une source facilement accessible de cellules présentant des propriétés angiogéniques, anti-inflammatoires, immunomodulatrices et régénératrices [11]. Des études pré-cliniques et cliniques récentes ont également confirmé le potentiel antifibrotique de la FVS, principalement attribué aux CSM.
Plusieurs études pré-cliniques ont montré que les cellules souches dérivées du tissu adipeux (Adipose-Derived Stem Cells, ADSC) pouvaient avoir un impact sur les processus physiopathologiques sous-jacents à la formation des cicatrices des cordes vocales. La co-culture d’ADSC avec des fibroblastes issus de tissu cicatriciel entraînait une diminution de leur prolifération, une expression réduite de l’α-Smooth Muscle Actin (marqueur de la différenciation en myofibroblastes) et la production d’une matrice extracellulaire avec moins de collagène et plus d’acide hyaluronique [12,13]. Des études in vivo portant sur des cordes vocales cicatricielles (après création d’une cicatrice par laser, électro-cautérisation ou instruments froids) dans lesquelles étaient injectées des ADSC immédiatement après blessure ou après un intervalle plus long (de 4 jours à 18 mois) ont montré des améliorations significatives lors du suivi allant de 2 à 12 mois [14], à la fois sur les aspects macroscopiques et histologiques des cordes vocales [15-24] et sur leurs propriétés viscoélastiques [16,18,22,25].
Notre hypothèse est que l’utilisation de la FVS dans sa totalité pourrait avoir des avantages importants par rapport aux ADSC seules. En effet, celle-ci pourrait permettre d’optimiser le processus de guérison en combinant les propriétés complémentaires de ses différents composants : réparation / régénération des tissus, immunomodulation et action antiinflammatoire et pro-angiogénique. En termes de logistique, la fabrication de la FVS est plus simple et évite la nécessité d’une étape de culture cellulaire. De plus, l’innocuité et l’efficacité des cellules de la FVS ont déjà été examinées dans diverses pathologies, notamment celles comportant des composantes vasculaires ou immunitaires telles que la cicatrisation des brûlures [26], l’ischémie des membres inférieurs [27], l’infarctus du myocarde [28], la maladie du greffon contre l’hôte [29], la sclérodermie systémique [30].
Cependant, l’extrapolation aux cordes vocales des bénéfices déjà prouvés de la FVS doit être prudente car les acteurs du processus de cicatrisation (fibroblastes, composants de la matrice extracellulaire, facteurs de croissance etc.) y diffèrent de ceux de la peau ou de la muqueuse buccale [31]. Néanmoins, les résultats observés chez le premier patient traité [32] nous ont encouragés à inclure et suivre un plus grand nombre de patients.

Méthodes

Conception de l’étude et critères d’éligibilité

Il s’agissait d’une étude de phase I, prospective, ouverte, non-contrôlée, monocentrique, visant à évaluer la faisabilité et la sécurité de la FVS autologue d’origine adipeuse injectée localement dans des cordes vocales cicatricielles (ClinicalTrials.gov, numéro NCT02622464). Huit patients présentant des cordes vocales cicatricielles ont été inclus entre avril 2016 et juin 2017 (Figure 1). Quatre de ces patients avaient déjà été pris en charge chirurgicalement pour ces cordes vocales cicatricielles, sans amélioration notable (résection de cicatrice (n = 4) et injection de corticostéroïdes (n = 1)). L’étude a été approuvée par l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM) et par un comité d’éthique (CPP Sud Méditerranée V, 21.04.2015). Elle a été menée conformément à la déclaration d’Helsinki. Tous les patients ont donné leur consentement éclairé écrit pour participer à l’essai et pour la publication des détails de leur cas (comme indiqué dans le formulaire de consentement PLOS).
Un comité de surveillance a examiné et évalué les données d’étude accumulées concernant la sécurité, la conduite de l’étude et le suivi des participants.

Protocole thérapeutique

La deuxième étape chirurgicale consistait en l’injection de FVS, sous anesthésie générale (laryngoscopie directe en suspension). La suspension de FVS était injectée à l’aide d’une aiguille 14 G dans le tiers antérieur et / ou moyen d’une ou des deux cordes vocales cicatricielles. Le tissu fibreux n’était pas réséqué afin d’éviter l’augmentation de l’atrophie cordale. Toutes les injections de FVS ont été effectuées par un seul laryngologiste.
Les patients étaient autorisés à sortir de l’hôpital le soir même (chirurgie ambulatoire) ou le lendemain, avec une prescription de paracétamol 1 g 4 fois par jour pendant 7 jours en cas de douleurs et d’amoxicilline – acide clavulanique 1 g 3 fois par jour pendant 2 jours (après vérification de l’absence d’allergie). Une rééducation orthophonique postopératoire standard était prescrite après la chirurgie.

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