La définition actuelle au sein de l’Union européenne
Le corpus juridique en vigueur
Depuis 1977, les denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière (ex-DADAP) sont règlementées au niveau communautaire par un régime juridique évolutif et reposant jusqu’à alors sur des actes de différentes natures dont des directives européennes. La directive faisant partie du droit dérivé de l’Union européenne (UE), elle nécessite une transposition dans le droit national des pays de l’UE en vue d’être appliquée.
Cependant, face aux interprétations divergentes des Etats membres sur la définition d’une denrée alimentaire pour une alimentation particulière générant insécurité juridique pour les opérateurs économiques et distorsion de concurrence entre les marchés économiques et partant du constat que des denrées alimentaires similaires étaient susceptibles d’être commercialisées en même temps dans des États membres soit en tant que denrée alimentaire destinée à une alimentation particulière soit en tant qu’aliment de consommation courante, les DADAP ont fait l’objet d’une récente révision de leur cadre juridique. Outre la consécration d’une définition commune, l’évolution du droit communautaire se traduit par une abrogation des anciennes directives progressivement renouvelées par des règlements. Ces textes s’avèrent directement applicables dans tous leurs éléments et visent ainsi une harmonisation maximale sur l’ensemble du marché intérieur. Ainsi, l’abrogation de la directive 2009/39/CE8 a entraîné la disparition du concept de « denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière » pour celui d’ « aliments destinés à des groupes spécifiques ». Le règlement cadre (UE) 609/20136 portant sur ces aliments spécifiques a été adopté le 12 juin 2013 et s’applique depuis le 20 juillet 2016.
Les catégories de produits relevant de ce nouveau cadre règlementaire ont été redéfinies avec un nombre aujourd’hui limité à quatre familles : 1) les préparations pour nourrissons et préparations de suite, 2) les préparations à base de céréales et les denrées alimentaires pour bébés, 3) les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales et 4) les substituts de la ration journalière totale pour contrôle du poids (article 1er).
Intérêts d’une règlementation propre aux DADFMS
Les DADFMS sont identifiées comme une catégorie spécialisée d’aliments destinés à être utilisés par des populations vulnérables pour lesquels une législation spécifique s’avère essentielle afin de garantir qu’ils soient correctement formulés, étiquetés, présentés et commercialisés. Sans cette famille de denrées alimentaires, il apparaît difficile de fournir un soutien nutritionnel nécessaire aux personnes et patients le nécessitant (139). Ces produits nécessitent la fourniture d’indications appropriées pour leur utilisation ; un niveau suffisant d’informations des professionnels de santé recommandant leur utilisation tout comme des patients les utilisant. Il s’agit de produits de santé par destination.
Il est à souligner que la législation applicable aux denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales ne fournit aucune définition du terme « patient ». Or ces produits doivent être utilisés « sous contrôle médical pouvant être assuré avec le concours de professionnels de la santé compétents » (considérant 3 du règlement délégué (UE) 2016/128). Le contrôle médical peut être effectué par l’ensemble des professionnels de santé qualifiés en médecine, diététique et nutrition, en soins infirmiers, en pharmacie, etc. L’utilisation sous contrôle médical est nécessaire – non suffisante cependant – pour classifier règlementairement le produit en tant que ces professionnels de santé jouent un rôle essentiel en recommandant et contrôlant son utilisation, compte tenu de la situation singulière des patients.
Des études médico-économiques ont également mis en évidence le rôle et les bénéfices cliniques de l’intervention nutritionnelle dans certaines pathologies, en particulier sur la limitation des coûts santé en réduisant la durée des séjours d’hospitalisation ou en préservant l’autonomie des patients (139). Enfin, l’existence d’une législation récemment réaffirmée au niveau européen fournit un cadre juridique solide servant de base aux dispositions nationales, notamment en France concernant le circuit de distribution pharmaceutique et l’éligibilité à une prise en charge par l’Assurance Maladie.
Justifications au statut DADFMS des denrées alimentaires pour l’APLV
Les préparations infantiles s’inscrivant pour la prise en charge de l’allergie aux protéines du lait de vache doivent répondre cumulativement à chaque critère de la définition d’une DADFMS : celui de la composition qui la différencie d’un aliment de consommation courante ; celui de la fonction pour répondre à des besoins nutritionnels propres à une maladie ou un trouble et celui de la présentation avec une indication nutritionnelle précise.
Selon la définition précédente, une DADFMS est une « denrée alimentaire spécialement traitée ou formulée ». La Commission européenne (140) a explicité la notion de traitement comme faisant référence au processus de fabrication et de « modification importante du produit initial » : la mise en œuvre d’étapes d’hydrolyse extensive des protéines issues du lait de vache pour la fabrication d’un HPP peut convenir à cet item de la définition. Le qualificatif « spécialement formulée » se réfère à l’étape d’identification et de sélection des ingrédients appropriés pour répondre aux besoins nutritionnels identifiés et qui seront mis à œuvre lors de la production. Une formulation à base d’acides aminés choisis pour leur caractère anallergique apparaît aussi respecter cette condition. Toutefois, la règlementation telle que rédigée n’exclut pas la possibilité de l’utilisation d’autres ingrédients d’origine agricole ou naturelle. Dans le contexte des besoins nutritionnels d’un patient APLV, la surveillance médicale de la croissance staturo-pondérale, du développement optimal et de la résorption des manifestations allergiques suite à l’emploi de ces préparations infantiles est un élément caractéristique de la définition des DADFMS.
CRITERES DE COMPOSITION DES DADFMS
Classification
La définition d’une DADFMS est de plus étayée par la description de trois catégories :
1) nutritionnellement complet avec une composition standard en nutriments ;
2) nutritionnellement complet avec une composition adaptée ou 3) nutritionnellement incomplet (article 2). Conformément aux dispositions du règlement délégué, les aliments nutritionnellement complets peuvent être employés comme source exclusive d’alimentation ou en remplacement d’une partie de l’alimentation du patient ou pour servir de complément.
Chez l’enfant APLV, la formule de substitution constitue la source alimentaire exclusive au cours des 4 à 6 premiers mois et le principal aliment au cours d’une alimentation progressivement diversifiée, assurant la moitié de l’apport quotidien.
Composition
La composition d’une DADFMS peut différer selon l’utilisation envisagée notamment en fonction de la maladie, du trouble ou de l’état de santé ainsi que de l’âge du patient.
Approche qualitative
Le règlement (UE) 609/2013 établit les exigences générales en matière de composition des denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales, notamment. En particulier, l’article 9, paragraphe 1, précise que la composition des DADFMS « est telle qu’elle est adaptée pour répondre aux besoins nutritionnels des personnes auxquelles elles sont destinées et qu’elle convient à ces personnes, conformément à des données scientifiques généralement admises ».
La notion de « généralement admise » n’est pas définie dans la législation. De façon non limitative, la formulation d’une DADFMS peut donc reposer sur des lignes directrices et recommandations de sociétés savantes portant sur la prise en charge nutritionnelle des patients auxquels la denrée alimentaire est destinée ; sur des données humaines disponibles supportant l’utilisation de la denrée alimentaire dans la population visée, etc. Par ailleurs, le règlement (UE) 2016/128 n’impose pas que des évaluations cliniques soient effectuées pour une DADFMS s’il existe des données équivalentes déjà publiées.
Les substances à but nutritionnel, les additifs ajoutés dans un but technologique et les contaminants sont règlementés par le règlement cadre (UE) 609/2013 et par les dispositions générales de la législation alimentaire.
Approche quantitative
La composition en macronutriments des DADFMS destinées à répondre aux besoins nutritionnels des nourrissons (0-12 mois) repose sur celle des préparations pour nourrissons (0-6 mois) et des préparations de suite (6-12 mois) définies par le règlement (UE) 2016/12712 si cela n’est pas contraire à l’utilisation prévue du produit. En 2014, l’EFSA a émis ses recommandations sur les niveaux d’apports énergétiques, de macronutriments et de micronutriments dans les préparations pour nourrissons et les préparations de suite (142). Le groupe scientifique recommande un apport énergétique entre 60 et 70 kcal / 100 ml pour des nourrissons sains. Pour les formules hypoallergéniques à base d’hydrolysat de protéines, les quantités recommandées en macronutriments pour 100 kcal sont un maximum de 2,8 g de protéines ; une teneur en lipides comprise entre 4,4 et 6,0 g et en glucides de 9 à 14 g. Il existe toutefois des règles spécifiques aux DADFMS relatives à la teneur en vitamines et en minéraux qui fixent des quantités minimales et maximales pour les produits considérés comme nutritionnellement complets (points 1 et 2 de la partie A, annexe I du règlement (UE)2016/128). Ces critères visent essentiellement à garantir que les produits utilisés comme unique source de nutrition pour un patient contiennent des niveaux suffisants et sans danger de micronutriments.
COMMERCIALISATION DES DADFMS EN FRANCE
Notification de mise sur le marché
En application de l’article 9 du règlement délégué (UE) 2016/128, toutes les DADFMS mises sur le marché français doivent être notifiées aux autorités, afin d’assurer un contrôle et le respect des prescriptions applicables. La notification de mise sur le marché est réalisée auprès de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) par l’envoi d’un modèle de l’étiquette et de « toute autre information que ladite autorité peut raisonnablement demander pour s’assurer du respect de la règlementation ». Aucune autorisation de mise sur le marché n’est requise car il incombe à l’exploitant du secteur alimentaire de s’assurer que son produit alimentaire est sûr et convient à l’usage auquel il est destiné. Les DADFMS indiquées pour la prise en charge de l’APLV suivent ce processus en vue de leur placement sur le territoire français.
L’Autorité française de référence se réserve le droit de mandater l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) afin d’obtenir une évaluation scientifique sur ledit produit. L’évaluation des propriétés nutritionnelles et fonctionnelles des aliments est une des missions de l’Agence telles que prescrites à l’article L1313-1 du Code de la santé publique. L’opérateur économique lui communique alors un dossier informatif scientificoindustriel de nature à justifier le statut de son produit. L’évaluation est menée par le comité d’experts spécialisé « Nutrition humaine » de l’Anses et peut de fait avoir lieu après la mise sur le marché du produit concerné. L’avis fourni par l’Anses est rendu public après anonymisation du dossier et du produit évalué.
Prescription médicale des DADFMS dans l’APLV
Une DADFMS doit être utilisée sous contrôle médical, toutefois cette indication d’utilisation n’implique pas une prescription médicale obligatoire.
Le Code de la santé publique consacre un chapitre aux aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales au sein de sa cinquième partie, chapitre VII du titre III « Autres produits et substances pharmaceutiques réglementées ». L’article L5137-2 identifie des aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales soumis à prescription médicale obligatoire. Il s’agit des produits répondant « aux besoins nutritionnels particuliers de personnes […] et figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de la santé ; et à des caractéristiques déterminées par le même arrêté ». A ce jour, l’arrêté devant établir une liste positive de ces produits soumis à prescription médicale obligatoire n’est pas paru.
Toutefois, au regard de la population-cible, de la gravité de la pathologie allergique, de la place de ces préparations dans la stratégie de prise en charge nutritionnelle de l’APLV et du suivi médical nécessaire, une prescription médicale en pratique semble raisonnablement justifiée etopportune en cas de recours à ce type de préparations infantiles.
Pour les formules de substitution à base d’acides aminés seulement, l’arrêté d’inscription en nom de marque pour chaque FAA définit un cadre de prescription strict une fois le diagnostic avéré de l’allergie aux hydrolysats de protéines. A ce titre, la prescription initiale est effectuée dans un établissement de santé spécialisé dans le suivi de l’APLV et les renouvellements de prescriptions peuvent être effectués par le médecin traitant. D’autre part, l’acte de prescription médicale permetégalement d’ouvrir le droit à la prise en charge par l’Assurance Maladie pour les HPP et les FAA.