Comparaison des méthodes de mesure dans le cadre de VERTEX

Pénalisation pour la mesure de forme

Comme on le verra dans cette section, le problème mathématique de la mesure de forme est très mal posé car le noyau de l’opérateur est trop grand à cause de la présence de glissements. Contrairement à la CIN-2D, où l’on peut utiliser un maillage plus grossier, ici l’idée est d’utiliser le même maillage que pour la mesure en augmentant le poids sur la régularisation Tikhonov. En effet, la projection d’un champ 3D depuis un maillage sur un autre implique une complexification non nécessaire.
L’intérêt majeur de l’utilisation des NURBS en mesure de forme est qu’il suffit de très peu de points de contrôle pour décrire une surface de façon exacte (pour des sections coniques), donc le problème est déjà régularisé par des fonctions de forme très régulières [Beaubier et al., 2014]. L’intérêt des NURBS dans ce contexte est que l’on peut découpler l’interpolation de la forme (qui peut être décrite avec très peu de points de contrôle) de l’interpolation du déplacement (qui peut être raffinée à volonté, sans toucher la forme), etc. ce qui n’est pas le cas en éléments finis en général. En effet, si un maillage grossier est considéré, la forme est alors facétisée et il sera impossible d’y remédier. Le même maillage doit donc être utilisé pour les deux mesures de forme et de déplacement. On note également une particularité venant du fait que l’espace d’intégration lui-même change itération après itération. En effet, rappelons que l’équation de mesure de forme est :
Éléments Finis (SCIN-EF) : (a) état après (re)-calibration des caméras et mesure de forme; glissement global (b) ou local (c) des nœuds du maillage lors de la mesure de forme où la norme k · kK peut être associée à un opérateur mécanique type treillis, ou un opérateur de rigidité éléments finis de type plaque/coque en membrane seulement, ou plus simplement un opérateur type gradient. Ce problème doit sans doute être moins visible lorsque des NURBS sont utilisées pour décrire la surface puisque le problème est déjà régularisé par le fait que, comme dit précédemment, le problème de mesure de forme sur fonctions de base isogéométriques possède très peu d’inconnues. Cependant, l’approche avec des NURBS ou celle avec des Éléments Finis développée ici sont toutes deux sujettes à des glissements globaux que la régularisation précédente ne règle pas. Mathématiquement, le problème ainsi posé ne possède pas une unique solution.
Ces glissements sont particulièrement visibles lorsque l’on itère entre la mesure de forme et la calibration des paramètres extrinsèques. La Fig. 4.3 illustre ainsi le glissement enexagérant le nombre d’itérations.

Régularisation d’une mesure

Maintenant que la formulation fait apparaître le déplacement 3D U, il suffit alors de lui appliquer une contrainte de régularité mécanique. L’idée est donc de ne pas faire uniquement une mesure, mais de la filtrer avec un modèle mécanique. Ceci est très important dans le cas présent où l’on mesure des conditions aux limites pour valider des modèles d’endommagement (cf. Chap. 5).
Ce type de régularisation est aussi utile afin de faciliter un dialogue essais/calculs. En effet, comme illustré Fig. 2.25, si la taille des éléments finis est trop petite, le manque de pixels par élément risque d’augmenter l’erreur de mesure. La régularisation quant à elle, permet de prendre le relais sur ce manque d’information en ajoutant un critère mécanique [Réthoré et al., 2009]. L’avantage est donc la possibilité de prendre le maillage issu de la simulation, pouvant donc ne pas être optimal pour une mesure.
Enfin, cela peut aussi être nécessaire lorsque l’on augmente le nombre d’inconnues : par exemple le nombre de degrés de liberté par nœuds comme cela peut être le cas avec une modélisation plaque/coque. En effet, un modèle EF plaque/coque considère souvent la surface moyenne et a pour inconnues les déplacements, mais aussi les rotations de cette surface moyenne (cf. Fig. 4.4(a)). Toutefois, un modèle EF plaque/coque peut aussi considérer les rotations de façon indirecte via des éléments volumiques i.e. le déplacement des deux peaux inférieure et supérieure (cf. Fig. 4.4(b)). Le déplacement 3D U mesuré avec un banc optique quant à lui, est celui de la surface externe (dans notre cas, la peau supérieure).

Application

Dans cette section, afin de bien différencier les ddls suivis par les caméras et les autres, seul le « cas plaque/coque » sera traité, i.e. mesurer les champs de déplacements et de rotations au niveau du plan moyen.

Cas test synthétique

Afin de tester et de quantifier les erreurs sur la méthode de régularisation, le but de cette section est de créer des images synthétiques d’un essai mécanique. Les images de référence de chaque caméra sont des images réelles issues d’un essai sur une plaque de taille 26.5×26.5 cm2 . Les caméras étant calibrées, les paramètres des projecteurs Pc sont connus. Sur la plaque à l’état initial, les points 3D Xr = (X, Y, 0)T et leurs projections au travers de chaque caméra c sont également connus. Il suffit donc de déterminer la position des points déformés (en accord avec une théorie plaque) correspondant à chaque point de référence afin de créer de nouvelles images à l’état déformé. Selon l’hypothèse des petits déplacements et petites déformations, chaque point initialement situé à la position Xr = (X, Y, 0)T va se retrouver à l’état déformé à la position Xd = (X, Y, p(X, Y ))T avec p une fonction donnant la position hors-plan d’un point selon la cinématique plaque choisie.
Ainsi, pour chaque coordonnée entière de pixels x (les pixels de la future image), deux inconnues (X, Y ) sont recherchées pour un système à deux équations non-linéaires pouvant se résoudre via la méthode de Newton (cf. Fig. 4.6(a)).

Influence de la taille du maillage

Dans cette partie, l’idée est de regarder l’influence de la taille des éléments d’un maillage lors d’une mesure. Pour ce faire, un maillage structuré est considéré. Les deux méthodes sont comparées, à savoir une mesure stéréoscopique dans le repère monde (SCIN-EF) et une mesure régularisée par une cinématique plaque et par un terme de régularisation Tikhonov pour les ddls de Dirichlet (SCIN-EF-R). La figure 4.8 représente l’écart-type de l’erreur commise sur la mesure du déplacement hors-plan Vz et la rotation liée à la flexion θy selon les deux méthodes. Pour la première méthode SCIN-EF, seul le déplacement de la peau supérieure U est mesuré, ainsi les rotations sont calculées par différentiation du déplacement hors-plan Uz = Vz en accord avec la loi de Kirchhoff-Love.
Concernant la mesure du déplacement et conformément à ce qui a été vu Sect. 2.6, on peut voir sur la Fig. 4.8(a) que lorsque la taille des éléments décroîts, alors l’erreur de mesure (en rouge) diminue également dû à « l’erreur EF » (erreur de modèle), et ce, jusqu’à avoir des éléments d’environ 10 mm de côté. En revanche, si leur taille continue de décroître, alors l’erreur augmente du fait du manque de pixel dans les éléments projetés, ce qui correspond à « l’erreur CIN » (erreur ultime). À l’inverse, la mesure régularisée (en bleu) atteint un palier. En effet, la régularisation mécanique va permettre de compenser le manque d’information côté vision par l’ajout d’une information mécanique. De plus, sur la Fig. 4.8(b), il est montré qu’il est possible de mesurer les rotations, quasiment indépendamment de la taille du maillage via la régularisation mais que, comme attendu, la dérivation d’un champ mesuré est forcément plus bruitée (en rouge).

Cas test réel

La même mesure a maintenant été effectuée sur des images déformées réelles : celles obtenues lors d’un essai de flexion de cette plaque. Comme attendu, la mesure des rotations par SCIN-EF-R (Stéréo-CIN-EF régularisée mécaniquement par une théorie plaque) est bien plus précise que la mesure sans régularisation puisque cette dernière consiste à dériver un champ mesuré (cf. Fig. 4.11).
Comme mentionné durant ce mémoire, l’un des principaux avantages de baser la mesure par Stéréovision dans le repère de référence est de rendre possible l’utilisation d’un maillage « réel » (optimal pour la simulation et non pour la mesure comme avec une approche « classique » de SCIN-EF). L’idée étant donc d’adapter la réalisation de la mesure afin de faciliter le dialogue essais/calculs.
La plaque utilisée dans cette partie fait apparaître une région centrale avec un mouchetis plus fin que sur les bords (cf. Fig. 4.7(a)). L’idée est donc bien de pouvoir utiliser un maillage plus fin au centre (cf. Fig. 4.12). Dans cette figure, le maillage représenté est celui après la phase de mesure de forme. Cette mesure de forme est comparée à celle obtenue par le logiciel de Stéréovision Vic-3DTM (nuage de points). On peut donc voir que les deux mesures sont très proches (à l’exception des bords puisque la mesure via Vic-3DTM utilise une méthode « locale » et ne peut donc pas aller jusqu’au bord).

Comparaison des méthodes de mesure dans le cadre de VERTEX

Dans cette dernière section, le but est d’illustrer l’influence des paramètres de régularisation, et ce, sur un autre cas : une plaque composite VERTEX soumise à un chargement en cisaillement. Dans ce qui suit, une même mesure sera donc effectuée de diverses manières.

Mesure sans régularisation

Tout d’abord, la Fig. 4.15 représente la mesure effectuée sans régularisation (méthodeglobale) en comparaison avec celle obtenue par le logiciel Vic-3DTM (méthode locale). On peut donc voir aisément que le maillage utilisé pour la simulation est légèrement trop fin pour une mesure « propre » puisque le champ de déplacement mesuré est bien trop bruité.

Mesure avec une méthode intégrée SCIN-I

Enfin, la Fig. 4.20 représente la mesure effectuée avec une approche intégrée SCIN-I, et ce, avec différents paramètres pour la régularisation de type Tykhonov : λ 1 t < λ2 t < λ 3 t < λ4 t . Ceci permet de voir clairement l’influence de ce dernier paramètre. En effet, plus le paramètre augmente, plus le bord est régularisé. En revanche, s’il est trop faible (λ 1 t ), on remarque que le bruit de bord est trop important, tandis que s’il est trop fort (λ 4 t ), alors l’effet du gradient nul à tendance à trop « aplanir » la mesure. Ici, le paramètre optimal se situe donc proche de λ 2 t ou λ 3 t . Dans tous les cas ci-dessus, on comprend bien également l’utilité de réduire le maillage de la « Zone 1 » à la « Zone 1bis » puisque les effets de bords sont important. Ces derniers sont a priori présents sur une bande de moins de 2 éléments, d’où le choix retenu de supprimer au moins 3 éléments sur tout le contour.

Conclusion

Nous avons donc vu que la régularisation est un outil mathématique permettant de s’intéresser à un problème mal-posé. En Corrélation d’Images Numériques, c’est donc un outil largement utilisé que ce soit pour une mesure d’un champ de déplacement entre deux états mais aussi pour une mesure de forme ou même pour initialiser proprement une mesure.
Cependant, au travers de ce chapitre, nous avons surtout pris conscience de l’importance de ces termes de régularisation. En effet, grâce à ces derniers, il est possible d’utiliser le « vrai » maillage Éléments Finis issu de la simulation et non plus un simple maillage adapté à la mesure mais pas à la simulation. Ceci crée un réel lien dans le dialogue essais/calculs sans passer par des hypothèses ou par de l’interpolation de données.
De plus, le fait d’ajouter des termes permet de prendre en compte le comportement de l’objet, non seulement pour régulariser la mesure mais également pour effectuer des mesures là où les caméras n’ont pas d’information. En effet, dans notre étude, l’idée est d’utiliser des caméras afin de « visualiser » le comportement d’une plaque en son plan moyen ou sur sa peau inférieure.
Afin de quantifier les incertitudes de mesures avec les différentes méthodes, des images synthétiques stéréo ont été créées. Ici, la création de ces images a également permis de prendre en compte un comportement mécanique.
Enfin, une approche intégrée dite « forte » a été mise en œuvre. Cette dernière offre la possibilité d’effectuer une mesure sur certains ddls seulement (ici ceux des bords non libres). La différence entre cette régularisation et les précédentes est que le critère mécanique est imposé.
Pour aller plus loin, les approches régularisées et intégrées sont largement utilisées afin d’identifier des paramètres matériaux. Cependant, dans ces travaux, aucune identification n’a été mise en place.

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