EPIIDEMIOLOGIE
Les situations épidémiologiques de la lèpre
La lèpre est une maladie endémo-épidémique dans les zones intertropicales. La zone du sud-est asiatique, la zone africaine, l’Amérique sont les plus touchées dans le monde.
En 2007, la Région africaine demeure la deuxième région la plus touchée de la lèpre dans le monde, avec un taux de prévalence 0.52 pour 10 000, derrière l’Asie du Sud-est, qui a 0.70 pour 10 000 habitants.
La prévalence mondiale de la lèpre était inférieure à 1 cas pour 10 000 habitants depuis la fin de l’année 2000. L’OMS avait fixé l’élimination de la lèpre comme problème de santé publique dans le monde en 2005, date à laquelle la prévalence devait être inférieure à 1 cas pour 10 000 habitants dans tous les pays du monde. Cette élimination n’a pas encore été totalement obtenue dans certains pays.
Le taux de prévalence est encore de 1,38 cas pour 10 000 habitants en 2005 à Madagascar. Depuis 2006 à Madagascar l’objectif de l’élimination de cette maladie a été atteint à l’échelle nationale, mais des disparités subsistent entre districts où certains sont encore fortement endémiques, avec un taux de prévalence de plus d’un cas pour 10.000 habitants
En 2007 le taux de prévalence est de 0,59 pour 10 000 habitants à Madagascar, 1,67 pour 10 000 habitants celle de la région Boeny ; tandis que 2,95 pour 10 000 habitants dans le district d’Ambatoboeny. (Source DRSPFPS Boeny)
L’agent pathogène
L’agent pathogène de la lèpre est le Mycobacterium leprae ou bacille de Hansen. C’est un bacille alcoolo-acido-résistant sous forme de bâtonnet de 1 à 8 µ de longueur et 0,3 µ de largeur. Il se colore en rouge d’après la coloration de Ziehl-Nielsen, non cultivable in vitro, inoculable à la souris et au tatou.
Période d’incubation
La maladie de Hansen est une maladie à évolution très lente, l’incubation de cette maladie est longue ; elle dure plusieurs années, généralement 3 à 5ans.
Le réservoir de bacilles
Le réservoir est essentiellement l’homme malade multibacillaire. Et Les bacilles (Mycobacterium leprae) sont éliminés par : les sécrétions nasales, la salive, le crachat, le sperme, les sécrétions vaginales, le sang, les urines, les selles, le lait maternel, ainsi que le léprome ulcéreux.
La transmission
Soit : -directe par le portage nasal (mouchage, crachats, aérosol). -indirecte par les objets souillés.
Les voies de pénétration
Les germes gagnent la circulation sanguine par voie transcutanée à partir des plaies cutanées ou écorchures, et par voie transmuqueuse : nasales, respiratoire, génitales, et digestives. Puis ils diffusent par voie hématogène, ou par voie lymphatique, ou par voie neurogène par le gaine de Myéline du tronc nerveux.
PHYSIOPATHOLOGIE ET IMMUNOLOGIE
Physiopathologie
Le bacille de Hansen a un tropisme nerveux, et cutanéo muqueuse. Arrivés dans la circulation sanguine, les bacilles ils pénètrent les vaisseaux sanguins endonerveux pour atteindre leurs cibles, les cellules de SCHWANN, où ils peuvent se multiplier. A ce niveau, où ils existent, se développe l’immunité cellulaire.
En cas de bonne immunité
Les bacilles vont être phagocytés par des histiocytes, qui vont devenir des cellules épithélioïdes et puis des cellules géantes. Autour desquelles des lymphocytes en couronne se disposent. L’ensemble forme le granulome tuberculoïde, qui est un granulome immunologiquement compétent à court temps de renouvellement. La violence des réactions immunitaires ne laisse que très peu de bacille survivant qui vont envahir la peau et induise à nouveau la formation de granulome et ainsi de suite. C’est ce qui se passe dans la forme tuberculoïde de la lèpre, dans laquelle les lésions cutanées ne sont pas nombreuses, limitées, et asymétriques.
En cas de déficit immunitaire
Les bacilles ne seront pas détruits par les histiocytes, à cause de l’absence du développement d’une immunité cellulaire. Ils vont atteindre librement d’autres parties des nerfs, et d’autres tissus, par la voie sanguine. Cela explique que les lésions nerveuses sont de types variées et à tendance symétriques. Au niveau du derme les bacilles vont phagocytés par des histiocytes et donnant un aspect spumeux des cellules de VIRCHOW, avec cytoplasme bourrés des bacilles. Ces cellules de VIRCHOW vont finir par se rompre, en libérant des bacilles qui vont être captées encore par des nouveaux histiocytes. L’aspect histologique sera un granulome non immunologique à temps de renouvellement long. C’est ce qu’on voit dans la forme lépromateuse de la lèpre dont les lésions cutanées sont nombreuses et symétriques.
Immunologie
Pour confirmer une opinion sur la classification immunologique précise d’un patient lépreux, après des faits cliniques et bactériologiques : l’IDR (Intradermoréaction) à la lépromine ou réaction de MUTSIDA est un test intéressant à pratiquer. Il ne s’agit pas d’un test diagnostique mais c’est un test pour diagnostiquer la réaction de l’organisme vis-à-vis de l’agression hansenienne et pour évaluer l’évolution immunologique.
La lépromine : est un extrait standardisé de léprome humain ou de tatou.
Technique de l’IDR
L’IDR à la lépromine se fait par une injection de 0,1ml de lépromine à la face antérieure de l’avant bras gauche, 3cm au dessous du pli du coude à l’aide d’une seringue avec aiguille hypodermique de calibre 25.
Résultats
La réaction de MUTSIDA se lit au bout de 4sémaines en moyenne. On mesure le diamètre de l’induration à l’aide d’une mètre ruban selon la plus grande longueur et perpendiculairement.
-0 = absence de réaction
-+ = induration moins de 3mm
-1+ = nodule 3 à 5mm
-2+ = nodule de 6 à10mm
-3+ = nodule plus de 10mm ou avec ulcération
La réaction est positive dans la lèpre tuberculoïde (LT) et la lèpre borderline (LB).
La réaction est négative dans la lèpre lépromateuse (LL) et la lèpre borderline lépromateuse (BL).
Les résultats sont variables : généralement négatifs, ou rarement, faiblement positifs dans la lèpre borderline (BB) et dans la lèpre indéterminée.
ETUDE CLINIQUE
Lèpre indéterminée
Cette forme de la lèpre est rencontrée au cours du début de la maladie lépreuse, c’est la forme de début. L’état général est conservé. Il existe une ou plusieurs macules hypopigmentées de siège quelconque et on peut observer une hypoesthésie. Dans cette forme l’évolution spontanée est imprévisible, pouvant se faire vers la guérison en quelques mois ou le passage progressif à une forme plus évoluée.
Lèpre tuberculoïde
C’est la forme qu’on observe chez un sujet à bonne défense immunitaire. Cette forme polaire est la forme la plus fréquente, elle s’exprime essentiellement par des manifestations cutanées et nerveuses.
Lésions cutanées
Ce sont des petites macules érythémateuses sur peau claire, hypopigmentées sur peau noire, ou plaques plus étendues à bord saillant et à extension centrifuge. Ces lésions sont peu nombreuses et asymétriques.
Signes neurologiques
-Au niveau des lésions cutanées : on rencontre à une hypoesthésie ou d’anesthésie ; au début thermique, puis à la douleur et au tact.
Hypertrophie du tronc nerveux
Il y a une augmentation de volume du tronc nerveux en prenant l’aspect cylindrique fusiforme ou moniliforme. Les nerfs atteints sont palpables à consistance dure ou ferme, parfois douloureuse spontanément ou à la pression. Le plus souvent ce sont les nerfs cubital, médian, radial, le sciatique poplité externe, le tibial postérieur, et le plexus cervical superficiel.
Dans la forme évoluée on peut observer des types de manifestation comme :
-Un déficit sensitif qui se traduit par : d’abord des paresthésies, des engourdissements, puis par une hypoesthésie ou anesthésie dissociée au début et devient totale en gants aux membres inférieures et en chaussures aux membres supérieures. Cette anesthésie totale est responsable des brulures ou des blessures non ressenties.
-Des troubles moteurs : qui sont à l’origine des paralysies et amyotrophies réalisant : des griffes cubitales, mains plates ou mains de singe par les amyotrophies des muscle inter osseux, thénars et hypothénars. Steppage à cause de la paralysie du nerf sciatique poplité externe.
-Des troubles trophiques de la peau et des phanères, dépilation, ulcérations, maux perforantes plantaires, déformations ou cassure des ongles, des ostéolyses qui peut aboutir à des mutilations.
La lèpre lépromateuse
C’est la forme la plus grave, c’est une septicémie lépreuse. Cette forme polaire se rencontre chez un sujet à faible résistance vis-à-vis du Mycobactérium Leprae. Dans ce cas les atteintes sont cutanées et viscérales multiples, puis les lésions sont nombreuses, diffuses et symétriques.
Lésions cutanées
Les lésions cutanées sont caractérisées par des nodules de taille variables appelées LEPROMES, faisant saillie sous la peau, avec consistance ferme et un peu molle. Au niveau des sièges électifs : comme la face où l’infiltration de ces lésions est massive et intéresse le front, l’arcade sourcilière qui deviennent glabre au niveau de leurs parties externes, nez, lèvres, lobules de l’oreille donnant l’aspect d’un « FACIES LEONIN ».
Les manifestations extra-cutanées
-La rhinite lépreuse : se traduit par un jetage muco-purulent ou hémorragique riche en bacille, qui aboutit a l’ulcération des ou perforation de la cloison nasale d’où l’effondrement du nez ou « nez en lorgnette ». Les muqueuses cornéennes et laryngées peuvent aussi être touchées entraînant une dysphonie.
-Atteintes viscérales : elles traduisent la dissémination bacillaire qui est à l’origine des hépato splénomégalies, adénopathies, orchi-épididymite.
-Atteintes oculaires : marqué par l’atteinte surtout le segment antérieur de l’œil qui entraine des conjonctivites, kératites, iridocyclites, qui peut aller jusqu’à la cécité. (Voir photo n°14 page 21)
Lèpres interpolaires ou borderline
Ce sont des formes qui se situent entre le pôle tuberculoïde et pôle lépromateux.
Elles ont des aspects cliniques variés, la classification dépend de la prépondérance des aspects tuberculoïde ou lépromateux. On distingue :
-la forme Borderline Tuberculoïde (BT)
-la forme Borderline Borderline (BB)
-la forme Borderline Lépromateuse (BL)
Les lésions des formes interpolaires deviennent de plus en plus nombreuses, et moins bien limitées en passant du pôle tuberculoïde au pôle lépromateux. Les lésions de la BT se rapprochent de celles de la LT, les lésions de la BL se rapprochent de la LL, tandis que les lésions de BB sont variables de caractère à la fois tuberculoïde et lépromateux. Ces différentes formes peuvent passer de l’une à l’autre, de la forme BT à la forme BL par dégradation immunitaire et de la forme BL à la forme BT par réaction de réverse. La forme BB est la forme la plus instable.
Les lèpres réactionnelles
Les réactions lépreuses sont dues à la réponse de l’organisme vis-à-vis de l’infection lépreuse, elles se manifestent quand le système immunitaire réagit contre l’infection bactérienne. On distingue deux types d’états réactionnels : les réactions de type 1 ou réactions de Réversion ou Upgrading et les réactions de type 2 ou Erythème
Noueux Lépreux (ENL).
Réaction de type 1 (réaction de Réversion ou Upgrading)
Elles sont dues à une augmentation d’activité du système d’immunité corporelle dans le combat contre les bacilles de la lèpre ou même le reste des bacilles morts. Cela provoque une inflammation de tous les sites où existent des bacilles de la lèpre, surtout dans la peau et les nerfs. Ce type de réaction se manifeste cliniquement comme suivant :
-Inflammation des taches cutanées préexistantes, avec surélévation, rougeur et chaleur.
-Les taches ne sont pas douloureuses mais il peut y avoir certain inconfort
-Il peut y avoir des nouvelles taches, œdèmes de la face, ou du membre.
-La sensibilité des nerfs et ou la perte des fonctions sont importantes
-Parce que la réaction est localisée à la peau et aux nerfs, le malade ne se sent pas trop mal et d’habitude il n’y a pas de fièvre-Les muscles de la fermeture de la paupière peuvent être touchés. (photo n°10 page 21)
Réaction de type 2 (Erythème Noueux Lépreux)
Elles surviennent lorsqu’un grand nombre des bacilles de la lèpre sont tués et progressivement décomposés. Les protéines des bacilles morts provoquent une réaction allergique. Comme ces protéines sont présentes dans le système sanguin, une réaction type 2 touchera l’ensemble du corps provoquant des symptômes généraux. Seuls les malades multibacillaires font les réactions type 2. Cette réaction de type 2 se manifeste cliniquement par :
-Apparition des nouvelles lésions, qui ne sont pas liées aux lésions cutanées de la lèpre, ce qu’on appelle NOUURES représentant les signes typiques de l’ENL. Les Nouures sont des nodules palpables sous la peau, de couleur rouges grâce à l’inflammation, douloureuses, peuvent être en nombre limité ou multiples. Elles siègent sur les jambes, les bras et moins fréquent sur le tronc (photo n°11 page 21). La sensibilité des nouures est un important signe clinique de l’ENL.
-Il peut exister l’iridite qui entraine la rougeur des yeux, déformation de la pupille, photophobie.