Redistribution du carbone lors de la formation de Mn5Ge3C0,6

Etude de la redistribution par sonde atomique

Les analyses par APT, ont été faites à une température de 35 K (−238°C), en utilisant une fréquence de pulse laser de 100 kHz, et une énergie laser de 0,5 nJ. Un volume de l’échantillon obtenu pas APT est présenté en perspective dans la figure 4.18 (a). Trois couleurs différentes sont attribuées aux atomes de Mn (mauve), Ge (rouge) et C (noir). Nous distinguons quatre régions dans le volume, une première région qui se trouve à la surface du volume, avec une distribution pour laquelle on distingue les trois types d’atomes, une deuxième région riche en Ge, une troisième riche en Mn et une quatrième région riche en Ge, correspondant au substrat de Ge(111). On remarque aussi une interface riche en C dans le Ge (figure 4.18 (b), z ~ 80 nm), cette zone correspond à l’interface entre le substrat Ge(111) et le buffer de Ge déposé par MBE avant le dépôt de la couche de Mn(C), et qui n’a pas réagi avec cette couche.
Pour une meilleure visualisation de la redistribution du C dans la pointe, nous présentons dans la figure 4.18 (b) un volume reconstruit avec une distribution de 10% d’atomes de Ge, 5% d’atomes de Mn et 100% d’atomes de C. Avec cette distribution nous remarquons que lecarbone est essentiellement présent dans la première région, mais on observe qu’il est aussi présent tout le long du volume.
La qualité de l’analyse par sonde atomique nous a permis de voir les plans atomiques dans le Ge(111), suivant la direction z du volume reconstruit (figure 4.19 (a)). Le diagramme de distribution spatiale suivant la direction z de ce volume est présenté dans la figure 4.19 (b), à partir de cette distribution nous pouvons mesurer une valeur de l’épaisseur d’une bicouche de Ge. La valeur obtenue est 0,66 nm, cette valeur est très proche de 6,55 Å qui est égale à 2 × Ge(111)hkl d . Dans la figure 4.19 (c) nous montrons un volume de l’échantillon obtenu par APTprésentant 60% des atomes de Mn (mauve) et de Ge (rouge), et des surfaces d’isoconcentration (noir) de 50,5% de Mn. Ces iso-surfaces nous permettent de délimiter les quatre principales régions constituant notre échantillon : deux régions riches en Mn et deux régions riches en Ge. Nous remarquons aussi la présence dans le volume, de zones de basse densité entourées en vert sur la figure. Ces zones sont le résultat d’une importante différence de champ d’évaporation entre le Ge(111) et la couche riche en Mn qui lui est directement adjacente. C’est cette différence de champ d’évaporation qui explique aussi la courbure des interfaces délimitées par les iso-surfaces dans l’échantillon [172], la reconstruction du volume ayant été ajustée pour obtenir une interface de Ge plane et une épaisseur de la couche Mn5Ge3(C) identique à celle observée par TEM.
Dans la figure 4.20 (a) nous présentons deux volumes de l’échantillon obtenus par APT, le premier présente 10% des atomes Mn (mauve) et 20% des atomes Ge (rouge), et le deuxième présente uniquement tous les atomes de C (noir) détectés (100%). Nous remarquons à une profondeur d’environ 75 nm une accumulation de C, comme expliqué plus haut, cette accumulation a lieu à l’interface entre la couche tampon (buffer) de 40 nm de Ge et le substrat Ge(111). Elle constitue le reste de C qui n’a pas pu être « retiré » de la surface du substrat de Ge(111) malgré les nettoyages chimique et thermiques, avant le dépôt de la couche tampon de Ge. Une deuxième accumulation peut être remarquée à une profondeur d’environ 35 nm à l’interface entre les régions 3 et 4, c’est-à-dire entre le Ge(111) et la première phase. Le C se trouve plus du coté de la région 3 qui est plus riche en Mn. Ceci est en accord avec nos résultats montrant que le carbone préfère ségréger dans les régions riches en Mn (paragraphe III.1.4).
Les régions 2 et 3 sont très « fines » (~ 3,5 nm et ~ 1,5 nm respectivement) et sont situées à l’interface entre la région 1 (épaisseur ~ 27 nm) et le substrat de Ge(111). Dans les régions 2 et 3, nous observons un gradient de concentration de C décroissant en allant vers le substrat de Ge. Le gradient semble être identique dans les deux régions, et peut être le résultat d’une diffusion à partir de la phase de la région 1 vers le substrat de Ge ou vers l’interface région 3/Ge(111). La concentration de C la plus élevée dans notre échantillon est localisée dans la région 1. Dans cette région, la distribution du C est constante, formant un plateau dans toute l’épaisseur de cette région, qui présente une concentration d’environ 65% de Mn (figure 4.20 (b)). Afin d’avoir une composition plus précise, nous avons extrait un volume de cette région et nous l’avons analysé en composition dans un sens latéral (parallèle à la surface) pour augmenter notre statistique de comptage des atomes, la taille latéral du volume étant plus importante que son épaisseur. L’analyse obtenue (figure 4.21 (a)) donne les compositions suivantes : 65,9% de Mn, 22,7% de Ge et 9,4% de C (le reste est principalement attribué à la présence d’oxygène). Le plateau de C proche de 10% dans la première phase, avec une chute abrupte à l’interface avec la région suivante (région 2) correspond plus à une concentration atomique dans une phase stœchiométrique qu’à une distribution résultant d’une diffusion. Les profils de concentration obtenus (simultanément plats pour Ge, Mn et C) suggèrent donc que la phase dans la première région est une phase ternaire Mn6,5Ge2,2C0,9. Cette phase étant la plus épaisse dans notre échantillon, c’est elle qu’on associe généralement au composé Mn5Ge3(C) de haute température de Curie. Selon les observations TEM et DRX, cette phase posséderait la structure de la phase Mn5Ge3, et suivant les analyses magnétiques, serait ferromagnétique. On remarquera que notre analyse étant réalisée pour x = 0,6, la formation de ce composé ternaire peut être liée à la chute de l’aimantation spontanée observée pour x > 0,4. Une façon de détecter des clusters extrêmement petits dans les volumes obtenus par APT consiste à déterminer la distribution d’une famille d’atomes en fonction des autres atomes et de la comparer à une distribution aléatoire suivant une loi binomiale. En effet, la distribution binomiale théorique indique si un atome « X » est distribué d’une façon aléatoire dans un volume donné. Dans notre cas, le volume est subdivisé en N blocs, où chaque bloc contient un nombre nb constant d’atomes. La loi binomiale théorique f, est ainsi donnée par l’équation suivante :
La phase MnGe4 possède une TC = 340 K = 67°C, mais aucune transition dans le signal magnétique à cette température, n’a été détecté par SQUID. L’étude TEM réalisée sur le système (Mn5Ge3C0,6 sur Ge(111) [141]), n’a pas permis de détecter la phase MnGe4, nous ne l’avons pas non plus détectée par DRX malgré un long temps de comptage. Cela peut être expliqué par le faible volume de cette phase par rapport à la limite de détection de la DRX.
L’épaisseur de cette couche est < 3,5 nm, elle pourrait donc ne pas être détectée par DRX, cependant la raison de son absence à la fois dans le diagramme de diffraction et dans le signal magnétique pourrait aussi due au fait que cette couche est un mélange désordonné proche de la composition de la phase MnGe4. Dans les deux cas, le signal magnétique mesuré dans notre échantillon, n’est donc probablement pas dû à cette couche. Il faut cependant remarquer que la formation de cette phase entre Mn5Ge3 et Ge(111) pourrait permettre d’accommoder le désaccord de maille de 3,75% entre Mn5Ge3 et Ge(111), comme il l’a été suggéré par d’autres auteurs [141]. La formation d’une phase intermédiaire fine MnxGey à l’interface Mn5Ge3/Ge, permettrait d’adapter le paramètre de maille et de relaxer les contraintes, et de favoriser ainsi la formation de Mn5Ge3 sans dislocations, comme observé expérimentalement. Comme en volume, la formation de la phase MnGe4 pourrait bien être favorisée par la contrainte à cette interface.
Dans la région 3, une autre phase est détectée (voir figure 4.21 (c)). Nous présentons les profils de concentration de Mn, Ge et C mesurés dans une direction latérale (parallèle aux interfaces) dans un sous-volume contenant uniquement cette phase. Les moyennes des concentrations donnent : 88,08% de Mn, 9,58% de Ge et 2,16% de C. La phase connue qui se rapproche le plus de cette composition est Mn3,4Ge qui est ferrimagnétique, mais avec une concentration en Mn de 77% relativement éloignée de la valeur mesurée ici (~ 88%). On remarquera tout de même que l’analyse réalisée dans cette région montre des écarts notables de concentration, ce qui suggère que cette phase n’est pas stœchiométrique ou est en cours de mise en ordre. Cette phase qui a une très faible épaisseur (< 2 nm), est peut être la phase Mn11Ge8, pour laquelle notre étude par DRX in-situ a montré la formation après celle de la phase Mn5Ge3. Mn3,4Ge comme Mn11Ge8 ne peuvent pas expliquer le signal magnétique de notre échantillon. Il semble donc bien que la température de Curie mesurée à ~ 400 K corresponde au composé ternaire Mn6,5Ge2,2C0,9. Nous avons émis l’hypothèse que Mn11Ge8 se formait à l’interface Mn5Ge3/Ge(111), mais la phase intermédiaire de surface MnGe4, qui permettrait l’épitaxie de Mn5Ge3 sur le substrat Ge(111), fait que la phase Mn11Ge8 peut se former à l’interface MnGe4/Ge(111). Il a été aussi montré que la phase MnGe4 est une phase métastable sous pression ambiante et qu’elle se décompose en Mn5Ge3 et en Ge [174]. Il est donc possible que la formation de la phase Mn11Ge8 donne lieu à une déstructuration de MnGe4, qui serait consommée au fur et à mesure de la croissance de Mn11Ge8. La quantité de carbone incorporée dans la région 3 est de 2,16%. On remarquera que l’ajout d’une quantité de C stabilise la phase Mn11Ge8 [141]. La concentration de carbone dans la région 3 présente des fluctuations, c’est pourquoi, pour montrer que ce signal ne constitue pas du bruit, nous présentons dans la figure 4.22 les spectres de masse correspondant aux régions 2 et 3 à faible concentration de C.
Les spectres de masse présentent le nombre d’ions obtenus dans un volume donné (en coups), en fonction de leur masse-sur-état de charge correspondant (en dalton). Nous observons une répartition plus ou moins équilibrée entre les atomes de Mn et ceux de Ge dans les deux régions. Par contre, le C n’est pas détecté en tant qu’ion unique, mais seulement sous la forme de molécules (MnC)1+, ce qui indique soit que les atomes Mn et C se sont liés à la surface au moment de l’évaporation, soit qu’ils sont premiers voisins dans les phases. Les études sur la technique APT montrent que les molécules détectées dans le spectre de masse ne se forment pas après l’évaporation, mais qu’elles se forment sur l’échantillon avant ou lors de l’évaporation. Par contre, pendant l’évaporation les molécules peuvent se dissocier. Si la diffusion des atomes sur la surface de l’échantillon pendant l’analyse est négligeable (ce qui est le cas en général), deux ions forment une molécule s’ils étaient voisins dans le volume de l’échantillon. Les spectres de masse montrent donc que le C dans les couches des régions 2 et 3 sont probablement toujours en premier voisin d’un atome de Mn.
La quantité de C trouvé dans la première couche (Mn5Ge3C0,6) est importante, ce qui suggère que si cette quantité est incorporée en sites interstitiels, la maille de Mn5Ge3 devrait être « gonflée », et des plans devraient montrer une distance interréticulaire plus grande, comme ce qui a été observé dans la littérature [175]. L’évolution du paramètre de maille peut être suivie en observant les changements des positions des pics de DRX, et ainsi les distances dhkl de chaque famille de plans à partir de la loi de Bragg (équation (2.2)). Dans la figure 4.23 (a), nous présentons les diagrammes DRX correspondant aux échantillons Mn5Ge3 et Mn5Ge3C0,6. Nous remarquons que bien que le pic du Ge(111) (ainsi que des pics parasites provenant de la chambre d’analyse) soit trouvé à une position identique dans les deux échantillons, les pics Mn5Ge3 (002) et (004) ne sont pas aux mêmes positions dans Mn5Ge3 et Mn5Ge3C0,6.

Conclusion

Dans ce chapitre nous avons présenté l’effet de l’ajout du carbone lors de la réaction Mn-Ge.
L’ajout de C a un effet sur le film de Mn, après dépôt, ce film est polycristallin jusqu’à une concentration x = 0,4, alors qu’il est amorphe pour x = 0,6, pour les deux types de substrats utilisés ; Ge amorphe et Ge(111). La méthode d’élaboration des échantillons nous a permis de former la phase Mn5Ge3 après dépôt, bien que nous nous attendions à élaborer un simple film mince de Mn dopé C. Nous avons montré que la réaction à l’état solide entre un film mince de Mn(C) et le Ge, conduit à une formation séquentielle des phases, comme dans le cas de la réaction sans C, et ce quelle que soit la concentration de C. Cette séquence de formation contient toujours les phases : Mn5Ge3, Mn11Ge8. La formation de clusters Mn-C ou de la phase Mn3GeC, n’est observée qu’à haute température et à forte concentration de C. Ceci est confirmé dans le cas où le substrat est Ge(111). Pour les deux types de substrats utilisés, la présence du carbone modifie la cinétique de formation de phases, sans modifier leur séquence d’apparition, bien que des phases supplémentaires soient détectées à haute température. Sur un substrat de a-Ge, la présence de C a tendance à ralentir la cinétique de croissance de Mn5Ge3, alors que sur un substrat de Ge(111) le C a tendance à l’accélérer. La phase Mn5Ge3(C) semble toujours croître en épitaxie sur le substrat de Ge(111). La température deCurie a été augmentée par l’ajout du C dans la phase Mn5Ge3(C). Cette température atteint son maximum pour x = 0,6, mais l’aimantation spontanée diminue au dessus de x = 0,4. Nous avons alors étudié la redistribution du C dans Mn5Ge3C0,6, et avons montré l’existence de deux phases d’interface entre un composé ternaire Mn6,5Ge2,2C0,9 et le Ge. Ces phases pourraient être, une phase d’interface MnGe4 qui permettrait d’adapter les paramètres de mailles entre Mn5Ge3 et le Ge(111), et la phase Mn11Ge8 qui serait dans ses premiers stades de croissance. Le taux et la distribution du C dans la phase Mn5Ge3(C), ainsi que les résultats DRX et la détection de molécules Mn-C dans le spectre de masse des analyses APT, suggèrent une incorporation de C dans les sites substitutionnels de Mn5Ge3 pour des concentrations de C élevées dans le film de Mn. Aucun cluster n’a pu être détecté par APT, ce qui est plutôt en accord avec un composé ternaire ou avec une limite de solubilité supérieure à x = 0,6. Le signal magnétique mesuré sur cet échantillon a été attribué au composé ternaire Mn6,5Ge2,2C0,9

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