L’hémostase et son exploration

Les acteurs de l’hémostase primaire 

Ce sont : l’endothélium vasculaire, les plaquettes, le facteur von Willebrand et le fibrinogène.

L’endothélium et la paroi vasculaire 

L’endothélium, avec ses capacités de synthèse de multiples médiateurs, constitue une interface dynamique répondant localement à divers stimuli, cellulaires ou solubles, du compartiment vasculaire. De nombreux agents physiques (forces de cisaillement) ou humoraux (cytokines) contribuent activement à la participation endothéliale aux différents processus physiopathogéniques tels que l’angiogenèse, l’inflammation ou l’invasion tumorale. L’endothélium, occupant cette position frontière est soumis aux influences répétées provenant du compartiment sanguin, joue un rôle déterminant dans le maintien de l’homéostasie. Il module ainsi l’hémostase grâce au facteur Willebrand (FW), au facteur tissulaire (FT), à l’activateur tissulaire du plasminogène (tPA) et à son inhibiteur, le PAI (Plasminogen Activator Inhibitor). Les prostaglandines synthétisées et libérées telles que la PGE1 et la PGI2 (prostacycline) sont vasodilatatrices et antiagrégantes [17] [18].

Les plaquettes 

Il s’agit de cellules anucléées de 2 à 3 µm de diamètre et d’un volume de 8 à 10 fl, produites dans la moelle osseuse par fragmentation cytoplasmique de leurs précurseurs mégacaryocytaires.
Le taux de plaquettes sanguines varie de 150 à 400 G/l, elles ont une durée de vie de 8 à 10 jours.
La membrane plaquettaire est constituée d’une double couche lipidique au sein de laquelle viennent s’arrimer des glycoprotéines hydrophobes riches en acide sialique.
Les phospholipides anioniques sont à l’intérieur de la plaquette et seront externalisés lors des étapes d’activation plaquettaire (mécanisme flip flop).
La membrane plaquettaire comprend des glycoprotéines (GP) dont les principales sont la GPIIb IIIa récepteur du fibrinogène impliquée dans le processus d’agrégation plaquettaire, le complexe GpIb/IX, récepteur du vWF impliqué dans l’adhésion plaquettaire à l’endothélium vasculaire.
La plaquette contient des granules intra cytoplasmiques dont le rôle réside dans le stockage de nombreuses substances spécifiques.
 Les granules alpha sont les plus abondants et contiennent des facteurs de la coagulation et des cytokines.
 Les granules denses sont les moins nombreux et contiennent des substances proagrégantes et vasoactives (adénosine diphosphate [ADP], adénosine triphosphate [ATP], sérotonine, histamine, Ca++…).
 Les lysosomes sont le lieu de stockage de diverses enzymes à activité antibactérienne ou protéolytique (phosphatase acide, protéase, collagénase.) [18][19] [20].

Le facteur von Willebrand (vWF) 

Il s’agit d’une protéine synthétisée à la fois par les cellules endothéliales et par les mégacaryocytes. Son précurseur est un monomère de 2 050 acides aminés d’un poids moléculaire de 270 kDa qui se polymérise secondairement en vWF de haut poids moléculaire pour être stocké dans la cellule endothéliale, au sein des corps de Weibel-Palade ou dans les plaquettes, au sein des granules alpha, avant d’être libéré dans la circulation. Son rôle est double. Il permet l’adhésion des plaquettes aux cellules endothéliales activées, ou au sous-endothélium, via son récepteur plaquettaire GpIb/IX. Il représente en outre la protéine transporteuse du facteur VIII coagulant [21] [22].

Le fibrinogène 

Il s’agit d’une protéine soluble synthétisée par le foie, substrat final de la coagulation qui est transformé en fibrine insoluble par la thrombine. Grâce à la GPIIb IIIa, le fibrinogène exerce en outre un rôle important au niveau de l’hémostase primaire en assurant des ponts moléculaires interplaquettaires à l’origine des agrégats plaquettaires [19].

Le déroulement de l’hémostase primaire 

Dès qu’une brèche vasculaire se constitue, le processus d’hémostase primaire se met en jeu.
 Le temps vasculaire :
Une vasoconstriction réflexe immédiate mais transitoire des petits vaisseaux lésés favorise l’interaction des plaquettes au sous endothélium vasculaire.
Les plaquettes renforcent cette vasoconstriction grâce à l’apport d’adrénaline, de noradrénaline et de sérotonine au niveau de la lésion. Une fois activées, elles sont en outre capables de synthétiser localement du thromboxane A2 (TxA2) doué de propriétés proagrégantes et vasoconstrictrices. Les cellules endothéliales sécrètent en revanche de la prostacycline (PGI2) et du monoxyde d’azote dont l’action, opposée à celle du TxA2, assure l’équilibre nécessaire au bon déroulement des premières étapes de l’hémostase.

Le temps plaquettaire 

Après la blessure vasculaire, les plaquettes viennent adhérer aux surfaces sous-endothéliales avant de sécréter leur contenu granulaire et d’agréger.
L’adhésion est facilitée par la fixation du vWF plasmatique à la glycoprotéine GpIb/IX présente sur la membrane plaquettaire.
L’agrégation des plaquettes fait intervenir l’interaction entre le fibrinogène et le complexe GpIIb/IIIa à la surface plaquettaire. Simultanément, les plaquettes amplifient la génération de thrombine, en exposant leurs phospholipides anioniques membranaires, supports indispensables à l’activation des différents facteurs plasmatiques de la coagulation [16] [17].

La coagulation

Le thrombus plaquettaire constitué au cours de l’hémostase primaire est fragile. Il doit être consolidé par la constitution d’un réseau de fibrine insoluble formant ainsi le thrombus rouge résultat des processus de la coagulation.
La coagulation comme l’hémostase primaire met en jeu des cellules et des facteurs plasmatiques [1].

Cellules et facteurs 

Les éléments cellulaires 

Les cellules endothéliales et les monocytes, après stimulation par certaines cytokines ou des facteurs physico-chimiques, peuvent exprimer à leur surface le facteur tissulaire (FT) qui est l’élément déclenchant majeur de la coagulation. Lorsque les plaquettes sont activées, les phospholipides anioniques membranaires (notamment la phosphatidylsérine) sont externalisés et servent de surface de catalyse aux réactions de coagulation. Les plaquettes (tout comme les monocytes) peuvent aussi libérer dans le milieu plasmatique de petits fragments de membrane appelés microvésicules capables elles aussi de supporter le phénomène de coagulation et donc de l’amplifier [1] [14].

Les facteurs de coagulation 

Ce sont des protéines plasmatiques qui ont des noms qui leur sont propres, mais sont désignées dans la nomenclature internationale par des chiffres romains.
Une fois activés, les facteurs portent leur chiffre suivi du suffixe « a ».
Les facteurs de coagulation peuvent être regroupés en différents groupes, selon leurs structures et leurs fonctions [1] [16] [23] (Tableau I).

Zymogène d’une transglutaminase 

C’est le cas du facteur XIII. Il est présent dans la circulation sous forme d’un tétramère a2b2 :les deux sous-unités a portent le site catalytique et sont liées aux deux sous unités b de transport.
Le site catalytique est démasqué lors de l’activation par la thrombine. Le facteur XIIIa intervient pour stabiliser le caillot de fibrine en établissant des liaisons covalentes entre les monomères de fibrine [1].

Cofacteurs 

Le facteur V, le facteur VIII et le kininogène de haut poids moléculaire n’ont pas d’activité enzymatique mais jouent le rôle de cofacteur.
Le facteur V et le facteur VIII ont des structures proches, avec trois domaines A, deux domaines C et une région de connexion, très sensible à la protéolyse. Pour acquérir leur fonction de cofacteur, ils doivent être au préalable activés par la thrombine (ou plus accessoirement par le facteur Xa) qui scinde des liaisons peptidiques et démasque ainsi des domaines de liaison à l’enzyme et au substrat de la réaction qui va être catalysée.
Sans les cofacteurs, les réactions enzymatiques sont très lentes [1].

Les inhibiteurs physiologiques de la coagulation 

Serpines 

Les inhibiteurs de sérine protéases ou serpines sont des protéines monocaténaires qui possèdent dans leur région N terminale un centre réactif qui leur permet de se comporter comme un substrat suicide pour l’enzyme cible avec laquelle ils forment des complexes irréversibles. Les serpines qui contrôlent la coagulation sont l’antithrombine (AT), le cofacteur II de l’héparine (HCII), et plus accessoirement l’α1-antitrypsine et le C1-inhibiteur.
L’AT et le HCII ont la particularité de posséder dans leur région N terminale des structures qui leur permettent de se fixer sur certains glycosaminoglycanes, dont l’héparine, propriétéqui accélère considérablement leur interaction avec leur (s) enzyme (s) cible (s).

La protéine C et la protéine S 

Ces deux protéines plasmatiques sont, comme les facteurs II, VII, IX et X, des protéines vitamine K-dépendantes. La protéine C, comme ces facteurs de coagulation, est le zymogène d’une sérine protéase. La protéine S, en revanche, n’a pas de domaine sérine protéase et n’est donc pas un zymogène, mais le cofacteur de la protéine C activée (PCa). L’activation de la protéine C est nécessaire au démasquage de son activité protéolytique [13].

Tissue factor pathway inhibitor (TFPI) 

Le TFPI est une protéine plasmatique monocaténaire qui porte trois domaines présentant des homologies avec les inhibiteurs de type Kunitz, c’est-à-dire des inhibiteurs qui se présentent comme de faux substrats vis-à-vis de leurs enzymes cibles. Sa partie N terminale riche en acides aminés chargés positivement lui permet de se fixer aux glycosaminoglycanes de la paroi vasculaire [12] [24].

Le facteur tissulaire 

C’est une glycoprotéine membranaire synthétisée par les fibroblastes de l’adventice formant une enveloppe autour de l’arbre vasculaire, séparé du sang par l’endothélium mais prêt à intervenir en cas de lésion du vaisseau. Il est inséré dans la bicouche lipidique des membranes des cellules qui l’expriment. Son domaine extra membranaire a des analogies de structure avec la famille des récepteurspour les cytokines.
La fixation du facteur VII sur le facteur tissulaire est le déclencheur exclusif de la coagulation in vivo.

La synthèse des protèines de la coagulation 

Toutes les protéines plasmatiques de la coagulation sont synthétisées dans l’hépatocyte avant d’être sécrétées dans la circulation, à l’exception du TFPI qui est produit par l’endothélium vasculaire.
Toutefois, le facteur VIII est produit également par la rate, le poumon, la protéine S est produite également par l’endothélium vasculaire. Immédiatement après sa sécrétion dans la circulation, le facteur VIII se lie au facteur Willebrand qui le protège de la dégradation. Certaines des protéines de la coagulation sont présentes non seulement dans le plasma mais aussi dans les plaquettes. Il a été proposé qu’elles soient synthétisées dans le mégacaryocyte mais il est plus probable que leur présence soit le fait d’une endocytose à partir du pool plasmatique, comme cela a été démontré pour le fibrinogène [1].
La vitamine K est une vitamine essentielle apportée par l’alimentation. Elle est également synthétisée par la flore microbienne intestinale .Au niveau du foie, elle subit un cycle d’oxydation-réduction. La forme réduite (naphtohydroquinone) qui en résulte sert de cofacteur à une carboxylase qui permet la transformation de 9 à 12 résidus acide glutamique (Glu) situés dans la région N terminale des protéines vitamine K-dépendantes en acide ccarboxyglutamique (Gla). Les résidus Gla sont indispensables à l’activité biologique de ces protéines : ils permettent leur fixation aux phospholipides des membranes cellulaires en présence de l’ion calcium qui est un prérequis pour l’activation des zymogènes de lacoagulation [1].

Déroulement du processus de coagulation

La coagulation est une cascade de réactions enzymatiques qui aboutissent à la formation de fibrine.
L’enzyme clé permettant de transformer le fibrinogène en fibrine est la thrombine dont la formation se fait grâce à une série d’activations enzymatiques qui surviennent à la surface des phospholipides membranaires des plaquettes, des cellules endothéliales ou des monocytes.

Conception classique du phénomène de coagulation 

Elle comportait deux voies d’activation :
 La voie intrinsèque dans laquelle tous les éléments nécessaires de la coagulation sont présents dans le plasma sans apport extérieur.
 La voie extrinsèque qui pour être activée nécessite la présence d’éléments tissulaires appelés thromboplastine tissulaire.
Le déroulement de la coagulation in vivo ne respecte pas cette distinction voie intrinsèque – voie extrinsèque.
Cette conception dû elle de la coagulation correspond en fait aux processus de coagulation in vitro et sera très utile pour l’exploration de la coagulation .

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