TREK-2 est impliqué dans la perception du chaud modéré

Étude de la perception au froid des neurones sensoriels des souris TREK-1-/–TREK-2-/–TRAAK-/-

Par imagerie calcique, nous avons observé que la fraction de neurones sensoriels de DRG TREK-1-/–TREK-2-/–TRAAK-/- activés par le froid est augmentée par rapport aux neurones sauvages (Figure 46). Cette augmentation concerne à la fois les neurones DRG sensibles au menthol que les neurones DRG insensibles au menthol, qui n’expriment probablement pas ou à un faible niveau le canal TRPM8 (P<0,05, Test Chi2).
L’enregistrement de l’activité des fibres C nociceptives cutanées par la technique de nerf-peau montrent que la fréquence de décharge des fibres TREK-1-/–TREK-2-/–TRAAK-/- en réponse à la baisse de température de 30°C à 10°C est significativement supérieure à celle des fibres sauvages (Figure 47 A). Toutefois, les seuils de sensibilité au froid ne sont pas modifiés sur les fibres KO (Figure 47 B). L’activité des fibres TREK-1-/–TREK-2-/–TRAAK-/- entre 30°C et 21°C est sensiblement supérieure à celle des fibres sauvages (Figure 47 C). Cependant, nous n’observons pas de différenciation de l’activité des fibres TREK-1-/–TREK-2-/–TRAAK-/- en fonction des gammes de température puisque leur réponse au froid est toujours supérieure à celle des souris sauvages que ce soit dans des gammes de froid modéré ou nocif.
La délétion des canaux TREK augmente la fraction de fibres activées par une baisse de la température de 30°C à 10°C (Figure 48 A). Les fractions de fibres C-MC sont semblables dans les deux génotypes, et ce sont donc les fibres C-MHC qui augmentent significativement chez les KO, indiquant une perte de la spécificité thermique des fibres. On observe qu’une grande majorité des fibres C TREK-1-/–TREK-2-/–TRAAK-/- sensibles au froid sont actives pour des températures non nocives, entre 30°C et 21°C, contrairement aux fibres sauvages pour lesquelles seules 50% sont actives dans ces gammes de température (Figure 48 B).
L’ensemble de ces résultats confirment nos observations avec les souris TREK-2 ainsi que les études que nous avons publiées avec les souris TREK-1-/- et TRAAK-/- puisque nous montrons que les trois canaux de la sous-famille TREK sont impliqués dans la perception du chaud. L’activité des canaux TREK module la réponse des neurones aux stimuli thermiques et la perception de la température. L’étude des souris TREK-1-/–TREK-2-/–TRAAK-/- conforte nos observations précédentes qui suggéraient un rôle complémentaire des canaux TREK dans la perception thermique. Alors que la délétion du canal TREK-2 n’affecte que la perception des températures froides et chaudes non douloureuses, l’absence des canaux TREK-1, TREK-2 et TRAAK altère la perception thermique des températures modérées et nocives. Le canal TREK-2 aurait donc un rôle essentiel dans la perception de températures modérées alors que les canaux TREK-1 et TRAAK interviennent dans la perception de températures nocives.

RÔLE DE TREK-2 DANS L’ANALGÉSIE PAR LA MORPHINE

Nous avons montré un couplage fonctionnel entre le canal TREK-2 et les récepteurs µOR dans un système d’expression hétérologue (Figure 27 A-B). Nous avons donc voulu évaluer quel était le rôle de TREK-2 dans l’effet analgésique de la morphine. Nous avons étudié l’analgésie induite par la morphine sur les neurones de DRG des souris TREK-2-/-.

Effet de la morphine sur la thermosensibilité de fibres sauvages

Nous avons étudié l’effet de la morphine sur l’activité des fibres C cutanées de souris sauvages par la technique de nerf-peau. Nous avons d’abord mesuré l’activité basale de chaque fibre, soit leur activité spontanée avant l’application d’un stimulus. Puis le champ récepteur des fibres C, isolé à l’aide d’un anneau métallique placé sur la peau, a été perfusé pendant 10min avec une solution de morphine à 10µM. Nous avons ensuite appliqué une rampe chaude, de 30°C à 50°C, sur la peau pour évaluer l’effet de la morphine sur la thermosensibilité des fibres.
L’application de la morphine diminue sensiblement l’activité spontanée des fibres sauvages (Figure 49 A). De plus, la réponse des fibres à l’augmentation de la température est significativement inférieure après traitement à la morphine (Figure 49 B). La morphine diminue donc l’excitabilité des fibres C cutanées de souris sauvages.

Effet de la morphine sur la thermosensibilité de fibres TREK-2-/-

Après avoir vérifié que la morphine a un effet sur l’activité des fibres sauvages, nous avons étudié l’impact de la délétion de TREK-2 sur l’effet induit par la morphine. L’activité spontanée des fibres TREK-2-/- n’est pas modifiée par le traitement de morphine 10µM (Figure 50 A). Par contre, tout comme pour les fibres sauvages, la réponse au chaud des fibres TREK-2-/- est significativement réduite en présence de morphine 10 µM (Figure 50 B).

Effet de la morphine sur la thermosensibilité de fibres TREK-2-/-

Après avoir vérifié que la morphine a un effet sur l’activité des fibres sauvages, nous avons étudié l’impact de la délétion de TREK-2 sur l’effet induit par la morphine. L’activité spontanée des fibres TREK-2-/- n’est pas modifiée par le traitement de morphine 10µM (Figure 50 A). Par contre, tout comme pour les fibres sauvages, la réponse au chaud des fibres TREK-2-/- est significativement réduite en présence de morphine 10 µM (Figure 50 B).
D’après ces résultats, le canal TREK-2 semble intervenir dans la diminution de l’excitabilité des fibres C induite par la morphine. Néanmoins, TREK-2 ne serait pas impliqué dans la baisse de la thermosensibilité des fibres.
Ces expériences sont encore préliminaires et il faudra les confirmer par la suite.

DISCUSSION

L’objectif de cette étude était d’évaluer la contribution du canal TREK-2 dans la nociception. Pour cela, j’ai utilisé des souris invalidées pour le canal TREK-2 et pour l’ensemble des canaux TREK. J’ai étudié l’impact de la délétion du canal sur la thermosensibilité de neurones de DRG par imagerie calcique. Grâce à la technique de nerf peau, j’ai enregistré l’activité des fibres C cutanées des souris KO en réponse à des stimuli thermiques (chaud et froid). En parallèle, la thermosensibilité des souris TREK-2-/- et TREK-1-/–TREK-2-/–TRAAK-/- a été évaluée par une étude comportementale réalisée par nos collaborateurs du Laboratoire de Pharmacologie Fondamentale et Clinique de la Douleur de Clermont-Ferrand.
Pour pouvoir enregistrer la réponse de fibres cutanées à un stimulus, il faut isoler le champ récepteur de chaque fibre sur la peau. Ce champ récepteur est identifié par stimulation mécanique de la peau, et les fibres enregistrées sont toutes mécanosensibles. J’ai donc mesuré pour chaque fibre le seuil de sensibilité mécanique et je n’ai observé aucune modification de la sensibilité mécanique des fibres C TREK-2-/- par rapport aux fibres sauvages. Le canal TREK-2, malgré sa mécanosensibilité, ne semble pas impliqué dans la détermination des seuils de sensibilité mécaniques des fibres C nociceptives. Pourtant l’étude comportementale des souris TREK-2-/- révèle que ce souris présentent une allodynie mécanique (Pereira et al., 2014). La dispersion des valeurs des seuils von Frey des fibres C est très grande et elle n’est pas centrée autour d’une moyenne forte. Il est donc difficile d’observer un changement de seuil de sensibilité. De plus, l’allodynie mécanique observée chez les souris implique probablement des fibres sensorielles à bas seuil, Aβ et Aδ (Burgess and Perl, 1967; Djouhri and Lawson, 2004), que je n’ai pas étudiées durant ma thèse. Les souris TREK-1-/–TREK-2-/–TRAAK-/-, ont elles aussi une hypersensibilité mécanique mais qui n’est pas plus sévère que celle observée chez les souris TREK-2-/-, ce qui exclut des mécanismes compensatoires entre les membres de la sous-famille TREK.

TREK-2 est impliqué dans la perception du chaud modéré

La sensibilité au chaud des neurones de DRG a été étudiée par imagerie calcique. La population de neurones de DRG comprend deux types de neurones sensoriels qui répondent à une augmentation de la température de 30°C à 48°C. Le type de neurones majoritaire chez les souris sauvages, qui représente 32% des neurones, est sensible à la fois au chaud et à la capsaïcine. Le second type de neurones, soit 18% de la population totale de neurones, est activée par le chaud mais pas par la capsaïcine. La délétion du canal TREK-2 augmente ces deux populations ce qui résulte en une fraction de neurones sensibles au chaud significativement plus importante que celle des souris sauvages. Il semble que le rôle des canaux TREK-2 est d’inhiber l’activation des nocicepteurs par le chaud probablement en contrebalançant l’activité d’autres canaux thermosensibles excitateurs. Ceci est comparable au rôle proposé pour les canaux TREK-1 et TRAAK dans la perception thermique (Noël et al., 2009). Les neurones de DRG expriment à la fois des canaux dépolarisants thermosensibles, qui leur confèrent leur sensibilité thermique, et les canaux potassiques TREK-1, TREK-2 et/ou TRAAK qui ont un effet opposé. La fraction de neurones sensibles à la fois au chaud et à la capsaïcine expriment le canal TRPV1, qui semble être le seul canal connu activé par la capsaïcine. Le canal TREK-2 est donc capable de contrebalancer l’activité de TRPV1 lorsqu’il est activé par la température et sa délétion révèle une population de neurones normalement insensibles au chaud. Mais la délétion de TREK-2 révèle également une population de neurones insensible à la capsaïcine, qui pourrait exprimer alors un autre canal excitateur thermosensible. Parmi les canaux TRP, TRPV2, TRPV3 et TRPM3 sont activés par le chaud (Caterina et al., 1999; Moqrich et al., 2005) et pourraient être exprimés par cette population de neurones. Néanmoins, il pourrait s’agir d’autres canaux thermosensibles qui n’ont pas encore été identifiés (Abrahamsen et al., 2008). La délétion de l’ensemble des canaux TREK n’augmente pas plus la fraction de neurones activés par le chaud par rapport au simple KO ce qui suggère que TREK-1, TREK-2 et TRAAK inhibent la même population de neurones. Chez les souris TREK-1-/– TREK-2-/–TRAAK-/-, c’est la fraction de neurones sensibles à la capsaïcine qui augmente de façon significative. Il existe donc une population de neurones exprimant à la fois les canaux TRPV1 et les canaux TREK. Dans ces neurones, la présence d’un des canaux TREK suffit à neutraliser l’activation des canaux TRPV1 et ils sont inactifs entre 30°C et 48°C alors que le canal TRPV1 est activé dans des gammes de températures inférieures à 40°C, lorsque le potentiel de membrane est dépolarisé (Voets et al., 2004). Ces neurones pourraient correspondre à des fibres Aδ plutôt qu’à des fibres C (Mitchell et al., 2010). En culture, les neurones sont sélectionnés en fonction de la taille de leur corps cellulaire ce qui peut nous amener à prendre en compte des neurones Aδ de petit diamètre, qui représentent près de 20% des neurones de DRG qui sont activés à des températures plus hautes que les fibres C (Lewin and Moshourab, 2004; Treede et al., 1995).

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