Production et utilisation des farines de poisson

Production et commercialisation de la farine de poisson

Dans le monde

Selon la FAO la production mondiale des produits de la pêche en 2011 s’élevait à 154 millions de tonnes, contre 137 millions de tonnes en 2006, soit un accroissement annuel de 2,5%. Cette nette augmentation démontre que les ressources halieutiques sont fortement demandées et utilisées, d’autant plus que la population mondiale est passée de 6,6 milliards en 2006 à 7 milliards d’habitants en 2012. Déjà en 2006, près du tiers (33%) de la production de poisson était utilisée pour la fabrication de farine et d’huile de poisson (Hall, 2010). En 2010, sur les 20,2 millions de tonnes de poisson utilisés à des fins non alimentaires, 75 % ont servi à la production de farines et d’huile de poisson (FAO, 2012).
Bien que la production mondiale de farine de poison n’évolue pas comme celle des produits de la pêche ; on note une légère diminution de 2005 à 2009, les quantités produites sont tout de même importantes
Ainsi, comme le montre le tableau I, le Pérou et le Chili, qui pratiquent la pêche minotière détiennent près de 44% de la production mondiale de farine de poisson, suivis de l’Asie, des USA et du Danemark. La farine produite dans ces pays est de premier choix, car la matière première utilisée est du poisson entier frais par rapport aux farines produites à partir de coproduits (IFREMER, 2010).
La farine de poisson produite est vendue et exportée à travers le monde entier. A cet effet, au cours  de cette dernière décennie, le prix de la farine a connu une flambée et continue de croitre du fait de la forte demande de celle-ci (figure 1). Le prix de la tonne est ainsi passé de 600 dollars (soit 300 000 FCFA) en 2002 à 1600 dollars (800 000 FCFA) en 2010, alors que le prix de la tonne du soja est resté pratiquement stable, 200-400 dollars (soit 100 à 200 000 FCFA). Lorsqu’on compare l’évolution du prix de la farine de poisson par rapport à celui de la farine de soja (matière première d’origine végétale également utilisée en alimentation animale), le premier est non seulement supérieur mais en évolution croissante depuis 2002 contrairement au soja. Ceci montre que la farine de poisson reste un produit particulièrement prisé, sollicité et utilisé non seulement du fait de son intérêt nutritionnel en alimentation animale, mais aussi agricole et économique pour les populations humaines.

En Afrique et au Sénégal

En Afrique

Bien que la flotte maritime africaine ne soit pas importante sur le plan international, la production aquacole africaine connait une nette évolution cette dernière décennie et représente 1,2 à 2,2% (FAO, 2012). Les principaux pays producteurs de farine de poisson en Afrique sont le Maroc, l’Afrique de Sud et la Mauritanie. En effet sur le classement mondial des 15 producteurs de farine,les deux premiers occupent respectivement la 11ème et la 14ème place. Sur le top 15 des exportateurs mondiaux de farine le Maroc et la Mauritanie sont à la 6ème et la 11ème place (SEAFISH, 2011). La farine de poisson africaine occupe donc une place considérable sur le marché international.

Au Sénégal

Du fait de sa position géographique, le Sénégal, pays côtier de l’Afrique de l’Ouest possède des eaux très riches en ressources halieutiques. Les grandes zones de pêche se situent dans les régions de Dakar, Thiès, Fatick et Ziguinchor (Mbaye, 2005). La pêche constitue ainsi le deuxième secteur d’activité après l’agriculture et génère un grand nombre d’emplois qui favorise le développement socio-économique du pays (Sow et al., 2010). A dominance artisanale, cette pêche est également industrialisée avec l’implication des exploitations étrangères (DPM, 2010). Les débarquements des produits de pêche au Sénégal étaient estimés à 440 197 tonnes en 2004 contre 443 056 tonnes en 2009 (DPM, 2004 et 2009). Une progression qui montre que cette activité connait une évolution importante donnant ainsi l’occasion de créer des industries de transformation et de valorisation des produits de la mer. En dépit des fluctuations le Sénégal, la Mauritanie, le Maroc et l’Afrique du Sud, demeurent les principaux pays transformateurs des produits de pêche Vanessa Cheryl MOUANDA/ Master en Chimie Biologie Aspects Analytiques Option : Biotechnologie/ 2013 7 (Tarbiya et al., 2012 ; FAO, 2012). Le Sénégal possède un nombre important d’usines de transformation de poisson et des produits de la mer ainsi que des unités de valorisation de produitshalieutiques. Bien que la production de farine poisson ne soit pas l’activité principale de transformation des produits halieutiques, elle constitue tout de même une part importante dans le commerce international avec une demande locale et extérieure croissante. Ainsi la production de farine est passée de 995,9 tonnes en 2006 à 2 961 tonnes en 2009 (Tableau II). On dénombre à cet effet trois entreprises de fabrication industrielle de farine de poisson (Afric Azote, Sénégal Protéine et Oméga Fishing) et plusieurs unités de fabrication artisanale (Mbaye, 2005 ; Sow et al., 2010). La farine de poisson produite au Sénégal est essentiellement exportée vers les autres pays d’Afrique, avec en 2009, le Cameroun (72,2%), le Benin (13,81%) et le Togo (7,34%) comme principaux importateurs (DPM, 2010). Quant à la farine artisanale, elle fournit le marché local constitué par les usines de fabrication d’aliments de bétail (provenderies), les éleveurs et les maraîchers. Généralement conditionnée dans des sacs de 50 kg, la farine de poisson se vend au kilogramme dont le prix varie en fonction de la valeur nutritive ou de la composition en éléments nutritifs de celle-ci, en particulier le taux de protéines brutes (Sow et al., 2010).

Procédés de fabrication de la farine de poisson

Matières premières utilisées

La farine de poisson est fabriquée pour la plus grande partie à partir de petits pélagiques (Mullon et al., 2009). Celle obtenue à partir de coproduits représente 20 à 25% des farines produites dans le monde (IFFREMER, 2010). Les principales espèces de poisson utilisés sont les anchois et les maquereaux (Pérou et Chili), les pilchards et les sardines (Japon), les harengs, les capelans et les sprats (Danemark, Norvège), les aloses (Etats-Unis) ainsi que plusieurs autres variétés qui permettent d’obtenir de la farine de poisson minotière qui est une farine de premier choix (SEAFISH, 2011 ; Peron et al., 2010 ; FAO, 2012). Cependant, la plupart de ces poissons sont gras et la production de leur farine nécessite d’en extraire l’huile par des procédés adéquats afin de diminuer le taux de matière grasse qui peut affecter aussi bien leur qualité physique que chimique.

Procédés de transformation

Cette opération consiste à séparer les fractions solides, huileuses et aqueuses des matières premières que constituent les poissons et leurs dérivés (IFREMER, 2010). En fonction du niveau d’investissement ou de mécanisation des unités, on distingue deux procédés de transformation.

Procédés de transformation industrielle

Les procédés d’obtention de la farine de poisson industrielle ou semi-industrielle bien que divers, comprennent en général les grandes étapes comme la cuisson, le déshuilage, le séchage, le broyage et le conditionnement (Durand, 1976). La transformation industrielle peut se faire en mer sur les bateaux usines ou à terre sur le continent dans des usines situées le plus souvent près des sites de débarquement suivant les différentes étapes illustrées à la figure 2. Après réception de la matière première en mer, les poissons entiers non triés sont directement placés dans un conteneur pour y être trempés dans de l’eau de lavage, tamisés, découpés et mis à cuire. Sur continent, ils sont triés car on peut retrouver dans la collecte, des poissons non consommables ou non vendus, des déchets de conserverie et dans certaines conditions réaliser un traitement thermique pour la stérilisation avant la cuisson. Les poissons sont mélangés, découpés si nécessaire et transportés de façon automatique jusqu’au cuiseur.
Cuisson : elle se déroule à haute température dans un four à 90-95°C avec injection de vapeur et dure environ 20 minutes. De plus en plus on utilise un procédé de cuisson à basse température (55°C), mais le temps de cuisson dans ce cas est rallongé. Cela permet de cuire et de coaguler les protéines en masse compacte (en évitant de les détruire) tout en libérant l’huile et l’eau (Durand, 1976 ; IFREMER, 2010).
Pressage : il se fait à haute température (90-95°) avec injection de vapeur afin de faciliter l’extraction d’huile pour avoir des farines avec une teneur limitée en graisses. On obtient ainsi un produit solide (gâteau de presse) dont le rendement est de 40 à 45% de matière sèche ainsi que les fractions liquides. Le jus de presse centrifugé puis décanté permet de récupérer les matières en suspension (farinettes) qui sont rajoutées au gâteau de presse. On sépare également la fraction lipidique de la fraction aqueuse (eau de colle) par centrifugation. Les eaux de colles sont évaporées et on récupère les composés dissous sous forme de concentrés qui sont incorporés dans le gâteaude presse (Durand, 1976 ; IFREMER, 2010).
Séchage : Il peut être indirect, avec un système d’évaporation qui ramène la température de chauffage de 150°C à 70°C sous une pression de 7 bars. Le temps de séchage est de 30 minutes et donne après refroidissement une farine à 10% d’humidité. Le séchage direct lui se fait à 400°C et permet de mettre la farine en contact direct avec l’air chaud, mais ce procédé présente quelques inconvénients du fait de la température très élevée. On obtient alors une masse compacte qui est ensuite broyée (Durand, 1976 ; IFREMER, 2010). Broyage : après le séchage, le gâteau de presse est désintégré dans un broyeur pour obtenir la farine. Quelque fois pour éviter l’oxydation des lipides et des protéines qui peuvent altérer la qualité nutritionnelle de la farine on y incorpore des additifs tels que le formol, l’EDTA, l‘éthoxyquinine (Franzy et al., 1962 ; Durand, 1976 ; IFREMER, 2010). Conditionnement-stockage : la farine de poisson ainsi obtenue est ensachée puis stockée dans un endroit bien aéré à l’abri de la chaleur.

Intérêt environnemental

Les industries de pêche, de conserverie ou de filetage, la manipulation des produits de capture, etc. génèrent beaucoup de déchets ou produits halieutiques impropres à la consommation et à faible valeur commerciale. Tous ces déchets lorsqu’ils sont abandonnés, engendrent des problèmes de pollution de l’environnement. Cependant, la transformation de ces déchets en farines de poisson et leur valorisation à diverses fins diminuent cette pollution et constituent donc un effet bénéfique pourl’environnement et pour le bien-être des populations (Arvanitoyannis et al., 2008 ; Hall, 2010).

Intérêt nutritionnel

Les animaux en fonction de leur stade de vie, ont besoin pour leur entretien, croissance ou développement voire leur production, d’un apport en nutriments capable de leur fournir l’énergie, les protéines, les acides aminés, les minéraux et les vitamines nécessaires (Bourdon et al., 1984).
Les farines de poisson du fait de leur richesse en protéines, en lipides et en minéraux, constituent donc une source importante d’énergie et d’éléments nutritifs essentiels au développement des animaux d’élevage. Elles peuvent contenir jusqu’à 70% de protéines brutes et plus de 12% de matière grasse. Elles sont à ce titre d’excellentes sources d’approvisionnement en acides aminés et acides gras essentiels souvent absents des autres ressources protéinées. Elles constituent donc un complément de qualité accessible pour la formulation des rations pour les animaux terrestres (porc, volaille, veaux, etc.) et aquatiques (poisson, crustacés, etc.) dans lesquelles elles peuvent être incorporées jusqu’à 40% suivant les espèces animales (Durand et al., 1983 ; Sauvant et al., 2004 ; IFREMER, 2010 ; FAO, 2012). Au Sénégal, ainsi que le montre le tableau III, la farine de poisson est beaucoup utilisée pour la nutrition des animaux d’élevage, par exemple l’aviculture semiintensive, pratiquée en majorité dans les régions de Dakar, Thiès et Saint-Louis, a utilisée 10,71% des farines de poisson produites en 2010. L’aquaculture quant à elle pratiquée surtout dans la zone de Saint-Louis et au niveau du bassin de rétention a détenu la part d’utilisation la plus importante (57,84%) de la production farine en 2010 (Sow et al., 2010).

Utilisations de la farine de poisson

Utilisation en alimentation des animaux terrestres

Les premiers essais incluant la farine de poisson dans l’alimentation de bétail remontent aux travaux de Watwater (1835) ainsi qu’à ceux de Danna (1864) sur la volaille et le porc, de Weiskee et col. (1875-1877) sur le mouton cités par Creac’h (1950). Les résultats favorables obtenus sur le développement des animaux d’élevage ont permis de vulgariser le produit puis de rependre sonutilisation. La farine de poisson est d’abord utilisée en Europe (dans les pays scandinaves) avant des’étendre par la suite dans tous les pays d’élevage où elle constitue depuis lors, un élémentincontournable dans la nutrition animale (Creac’h, 1950 ; Bourdon et al., 1984 ; Sauvant et al., 2004).
Les farines de poisson étant reconnues pour leur bonne valeur nutritive (teneur élevée en protéines, minéraux ou en lipides), elles sont utilisées pour compléter les autres sources de protéines végétales entrant dans l’alimentation de bétail comme le porc et la volaille ; la plus part des autres matières premières utilisées en alimentation animale étant déficitaire en acide aminé essentiels (la lysine et la méthionine) et acides gras essentiels que l’on retrouve en abondance dans les farines poisson . Ainsi que le montre la figure 4, elles ont constitué en 2009, la principale source de protéines de la production porcine (25%) et de la production avicole (8%) mondiales. Au Sénégal où la filière avicole est en plein essor, on note de plus en plus l’installation et le développement des structures spécialisées (NMA-SANDERS, SEDIMA, AVISEN, MOULIN SENTENAC… etc) dans la fabrication d’aliment volaille et bétail qui ont utilisée en 2010 environ 10,71% des farines de poisson du marché local (Sow et al, 2010).

Utilisation en culture maraîchère (agriculture)

Considérée comme une source considérable de minéraux essentiels au développement des plantes, la farine de poisson est utilisée dans la culture maraichère comme engrais organique ou fertilisant naturel (IFFREMER, 2010). Les fréquences élevées de cultures dans les champs contribuent à appauvrir les sols en éléments nutritifs dont les plantes ont besoin, il est donc nécessaire d’apporter des engrais supplémentaires afin d’éviter les carences qui ont un effet négatif sur le rendement des cultures agricoles. La farine de poisson constitue à cet effet un excellent fumier et un fertilisant naturel en maraîchage pour les sols pauvres et une alternative à l’utilisation des engrais chimiques. Au Sénégal, environ 30% de la production locale de farine de poisson est utilisée comme bio fertilisant (Sow et al., 2010). Aussi, les résultats d’une étude sur l’effet fertilisant de la farine de poisson chez trois types de tomates (grappe, ronde et cerise) au Maroc, ont montré non seulement une amélioration de la fertilité du sol mais aussi de la qualité des fruits et du rendement de production de tomates à l’hectare (Sadreddine, 2003).

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