Principe thérapeutique des systèmes implantables

La stimulation électrique

L’une d’elle est la stimulation électrique du nerf hypoglosse. Sa stimulation provoque une protrusion de la langue (la stimulation est dirigée vers la branche nerveuse du muscle génio-glosse) et une diminution de la collapsabilité liée à la contraction musculaire effectuée (60). En effet, le collapsus des parties molles pharyngées est dû à une diminution du tonus des muscles dilatateurs du pharynx au cours du sommeil.
Une stimulation unilatérale du nerf hypoglosse a montré des résultats prometteurs lors d’études cliniques (voir Figure 25).
La technologie actuelle permet une synchronisation de cette stimulation avec les évènements respiratoires.

Historique

Dans les premières études sur des chiens anesthésiés, les chercheurs ont montré que la stimulation électrique du muscle génio-glosse peut augmenter la perméabilité des voies aériennes supérieures (61). Des recherches suivantes ont révélé que la stimulation électrique pourrait diminuer l’effondrement pharyngé en stimulant le tronc proximal et la branche médiale du nerf hypoglosse (62).
Sur les rongeurs, l’action des muscles protruseurs de la langue (les génio-glosses) était différente lorsqu’ils étaient stimulés en même temps ou isolement des musclesrétracteurs linguaux (stylo-glosses et hyo-glosses).
Bien que la stimulation des protruseurs provoque une dilatation des voies respiratoires, cela n’a pas diminué de manière significative l’effondrement pharyngé. En revanche, la co-stimulation des protruseurs et des rétracteurs a entraîné une diminution significative de la collapsabilité pharyngée, sans dilatation significative des voies aériennes.
Ces études sur les rongeurs suggèrent que les muscles protruseurs de la langue peuvent être plus efficaces pour maintenir la perméabilité des voies respiratoires lorsqu’ilssont co-activées avec les rétracteurs, et que les effets synergiques de ces musclesantagonistes peuvent rigidifier et stabiliser la langue. (63)

Principe thérapeutique des systèmes implantables

Les systèmes implantables sont composés de différents éléments : un générateur d’impulsion implantable qui est placé chirurgicalement au niveau du muscle grand pectoral dans une « poche » sous cutanée. C’est ce générateur qui envoie des impulsions électriques au nerf hypoglosse.
La stimulation finale envoyée est déterminée par l’ampleur, la fréquence et l’amplitude des impulsions, chacune est différente selon les évènements respiratoires du patient. La somme des stimulations va décrire une salve électrique donnée. Cette salve est transmise par un fil à une électrode qui s’enroule autour du tronc du nerf hypoglosse.
La chirurgie d’implantation est réalisée sous anesthésie générale, à l’aide d’une incision au niveau du cou pour accéder au nerf hypoglosse, d’une incision au niveau du manubrium supérieur (partie supérieure du sternum) pour placer la sonde de détection et enfin d’une incision infra-claviculaire pour la mise en place du générateur.
Par rapport aux chirurgies pharyngées décrites dans le paragraphe 2.2, cette chirurgied’implantation sera moins désagréable pour le patient, avec des suites post-opératoiresmoins lourdes. De plus, cette procédure est techniquement et potentiellement réversiblecontrairement aux chirurgies pharyngées. (64)
Plusieurs systèmes existent déjà, les systèmes dit en « boucle fermée », ou en « boucle ouverte ».
Les systèmes en boucle fermée émettent une décharge à l’inspiration, grâce à une sonde dedétection qui sera placée sous le thorax (au niveau des côtes) et directement relié augénérateur d’impulsion.
Les systèmes en boucle ouverte délivrent des sauts de stimulation indépendamment des phases respiratoires (65).

Un système alternatif a été conçu pour cibler des secteurs spécifiques du nerf hypoglosse avec six contacts de stimulation unipolaires, qui sont enroulés tout autour du tronc nerveux (encadré de la Figure 27B).
En outre, une meilleure avancée de la langue a été obtenu grâce à une stimulation sélective des fibres plus profondes et plus horizontales du génio-glosse par rapport aux fibres superficielles et obliques.
Ces résultats suivent le principe anatomique selon lequel les ramifications latérales du nerf hypoglosse innervent principalement les muscles stylo-glosse et hyo-glosse, alors que les branches médiales plus profondes (m-XII sur la Figure 28) innervent sélectivement le muscle génio-glosse, qui est le muscle protruseur principal et le dilatateur des voies aériennes supérieures.
Une stimulation placée distalement des ramifications latérales permettrait de stimuler sélectivement les muscles protruseurs, entraînant un déplacement antérieur de la langue. (64)

Les différents systèmes implantables

Chaque système utilise des stratégies spécifiques pour éviter de sur-stimuler et de fatiguer le nerf hypoglosse.
Sur certains systèmes (Medtronic®, Apnex Medical® et Inspire Medical Systems®), les musclesprotruseurs de la langue sont spécifiquement ciblés en plaçant l’électrode distalement autour du nerf hypoglosse. La sonde de détection et des algorithmes associés synchronisent la stimulation avecl’inspiration tout en permettant un intervalle de repos non stimulé pendant l’expiration.
Un autre système (ImThera Medical®) place plusieurs électrodes de stimulation autour du nerf hypoglosse proximal, ciblant des fibres spécifiques de ce nerf. Ce système alterne entre des intervalles de repos et des intervalles de stimulation en stimulant séquentiellement les secteurs du tronc nerveux. (66)
Les appareils diffèrent également avec des batteries rechargeables (pour lesappareils ayant un générateur externe) ou des batteries pré-chargés à durée de vie d’environ 9 à 10 ans (67), qui sont logées dans le générateur d’impulsion.

Effets indésirables et limites du dispositif

Les systèmes implantables semblent séduisants dans leur principe thérapeutique. De plus, Kent et al. (69) ont rapporté sur 21 patients implantés et sur un suivi moyen de 7,8 mois une diminution moyenne de l’IAH de 33,3 évènements/heure à 5,1 évènements/heure (P<0,01), avec une observance moyenne de 7,7heures/nuit rapporté par l’appareil. Heiser et al. (70) ont également observés après un mois de suivi sur 31 patients une réduction sensiblement égale de l’IAH ainsi qu’une amélioration de l’observance du patient.
Cependant, il a été rapporté quelques effets indésirables tels que des cas d’infections au niveau du site chirurgical ou des déplacements du générateur d’impulsions entrainant un remplacement de l’appareil ou sa dépose.
D’autres effets indésirables ont été relevés : un engourdissement et des douleurs aux sites d’incision (résolus spontanément), mais également une abrasion de la face ventrale de la langue en contact avec les incisives mandibulaires due aux mouvements répétitifs, qui a été géré avec des protections dentaires. (71)
Par ailleurs, des travaux supplémentaires sont nécessaires pour mieux définir lesparamètres de stimulation et aussi pour développer des protocoles de titration plusefficaces. Grâce à la recherche clinique et l’avancée technologique future, il est possible que des dispositifs d’auto-titration apparaitront sur le marché.
De plus, d’autres limites apparaissent concernant le frein que peut représenter la nécessité de 3 incisions pour le patient ou l’impossibilité de recueillir les données nocturnes du patient, normalement disponibles avec les nouveaux dispositifs de ventilation par pression positive ou par simple polysomnographie.
Des efforts seront nécessaires pour fabriquer des générateurs d’impulsions de plusen plus petits, mais également de mettre au point une technologie d’enregistrement des données nocturnes plus sophistiquée afin de faire progresser ce traitement prometteur.

Nouvelles thérapies positionnelles

L’apnée obstructive du sommeil positionnelle (AOSP) regroupe les patients souffrant d’apnées obstructives et d’hypopnées qui surviennent plus fréquemment dans certaines positions de sommeil, notamment en position de décubitus dorsal.Pour ces patients atteints d’AOSP, nous avons vu que la thérapie positionnelle devient une option viable supplémentaire pour le traitement, cependant, la technique traditionnelle de la balle de tennis n’a pas été adoptée à grande échelle en raison de la mauvaise tolérance et du caractère archaïque de ce traitement. Récemment, des dispositifs de thérapie positionnelle vibratoire plus sophistiqués ont été développés avec des études démontrant leur efficacité et une meilleure tolérance du patient par rapport aux méthodes traditionnelles.

Les traitements positionnels classiques étudiés

D’autres techniques ont été étudiées au fil des années.
– L’oreiller SONA® est un oreiller incliné spécialement conçu de manière à  positionner son bras sous la tête tout en dormant dans une position couchée latérale.

De nouvelles technologies qui arrivent sur le marché

Les récents progrès technologiques ont renouvelé l’intérêt pour la thérapie positionnelle dans le traitement des apnées positionnelles. Des dispositifs plus sophistiquésont été développés et semblent plus efficaces que les méthodes traditionnelles. Lesnouveaux appareils sont le Night Shift®, Sleep Position Trainer® (SPT) et le BuzzPOD®. Un accéléromètre intégré à ces appareils vérifie la position du cou (Night Shift®) ou la position du corps (SPT® et BuzzPOD®) de l’utilisateur pendant le sommeil. Lorsqu’une positiondorsale est détectée, les appareils vibrent avec une intensité croissante jusqu’à ceque le patient passe à une position non dorsale (latérale ou ventrale). Sur ces 3 appareils, le Night Shift® est actuellement le seul approuvé par la Food and Drug Administration américaine pour le traitement des apnées positionnelles. (74)

La thérapie nasale

La physiopathologie de l’apnée obstructive du sommeil est complexe et a souvent été exclusivement définie comme l’effondrement des voies aériennes supérieures (VAS) pendant l’inspiration. Révélé par Schwab et Gefter grâce à l’imagerie dynamique des VAS, la respiration se compose de 5 phases distinctes en termes de relation entre le volume d’air et le calibre transversal des VAS : le début de l’inspiration, l’inspiration moyenne, la fin de l’inspiration, l’expiration maximale, et la phase expiratoire finale. (76)
L’expiration maximale est associée au plus grand calibre des voies respiratoires, mais c’est lors de la phase finale, à la fin de l’expiration maximale, que le calibre des voies aériennes est le plus petit. Schwab et Gefter ont émis l’hypothèse que c’est dans cette phase finale où il n’y a ni pression positive présente ni activation des muscles dilatateurs des VAS que le risque de collapsus et donc d’apnée du sommeil est le plus grand.
En effet, Morrell et al. (77) ont signalé un rétrécissement significatif des voies respiratoires supérieures lors de l’expiration finale précédant l’apnée, et une récente étudeutilisant la tomographie a démontré que pendant l’expiration finale, les VAS possèdent laplus petite section transversale, avec une différence significative entre les patients sains et apnéiques.

Dispositif nasal à pression expiratoire positive

Tout ce qui précède met en évidence l’utilité possible du traitement du SAHOS par l’utilisation d’unerésistance expiratoire accrue ou d’une pression expiratoire positive (PEP), pour augmenter le calibre des voies aériennes pendant la période critique d’expiration finale.Un nouveau dispositif à PEP (appelé « nPEP »), est actuellement étudié. Il contientune valve mécanique avec une résistance inspiratoire très faible mais une résistanceexpiratoire élevée qui est placé sur chaque narine avec un adhésif pour fournir une étanchéité optimale. La résistance expiratoire élevée entraîne une pression positive tout au ong de l’expiration, ce qui augmente le calibre des voies respiratoires supérieures, et les rend plus résistantes au collapsus.

Le renforcement de l’observance à la VPPC grâce au smartphone

Le traitement par VPPC reste le traitement de 1ere intention et le plus efficace pour traiter les apnées du sommeil modérées à sévères. Mais il souffre d’une faible observance des patients qui n’arrivent pas à la supporter (inconfort du masque, claustrophobie, bruit causé par le générateur de pression…).
Il existe des programmes de suivi et d’accompagnement pour les patients traités avec la Ventilation par Pression Positive Continue. Mais ces programmes sont coûteux, difficiles à intégrer dans des conditions cliniques réelles et n’ont pas vraiment démontré leur succès car ils n’intègrent pas totalement l’aspect psychologique du traitement par VPPC.
Une équipe américaine, Megan E. Petrov et al. (79), a proposé en Février 2020 le développement d’une nouvelle application sur smartphone de suivi de traitement par VPPC.
L’objectif principal de cette application nommée SleepWell24 est d’améliorer significativement l’observance à la VPPC en offrant un programme d’autogestion du syndrome d’apnée/hypopnée fondé sur des données probantes recueillies par l’application et par le patient lui-même concernant ses habitudes journalières. Ces données quotidiennes peuvent être par exemple le nombre d’heure de sommeil, le nombre d’heure portées avec le masque de VPPC, la nutrition, l’activité physique, le comportement sédentaire… qui peuvent modifier les symptômes du SAHOS (80). Sachant que l’application elle-même peut être connectée avec un générateur de pression de la marque ResMed® ainsi qu’un bracelet connecté de type FitBit® pour obtenir les données de sommeil et d’activité physique du patient.
Le développement de cette application est encore au stade embryonnaire et n’est pas actuellement testée sur un échantillon de patient. Sa mise à disposition ne pourra pasremplacer le suivi « physique » du patient avec son médecin du sommeil/pneumologue, nécessaire lors d’une mise en place d’un traitement par VPPC, mais elle pourra suppléer le rôle du médecin avec un suivi permanent directement sur son smartphone. Ce type de renforcement cognitivo-comportemental peut être une bonne méthode pour améliorer l’observance des patients à la VPPC, étant le traitement le plus efficace encore aujourd’hui pour la prise en charge des apnées du sommeil.

La stratégie de prise en charge phénotypique

La méthode actuelle de prise en charge du SAHOS consiste en une approche unilatérale. Le diagnostic et la gravité du SAHOS de chaque patient sont historiquement définis sur l’indice d’apnée-hypopnée, et le traitement donné au patient correspond le plus souvent à la mise en place d’un traitement par VPPC, remplacé par des alternatives (le plus souvent l’Orthèse d’Avancée Mandibulaire) si la VPPC « échoue ». Cette approche ne prend pas en compte l’hétérogénéité des patients atteints du SAHOS, reflétée par les différents facteurs de risque, les différentes causes physiopathologiques, les manifestations cliniques ou les conséquences cliniques de ce syndrome.
Très récemment, des études (81) (82) ont profité de cette hétérogénéité pour identifier les différents phénotypes du SAHOS, c’est à dire des catégories de patients aux caractéristiques communes, qui pourraient permettre de réaliser des approches plus personnalisées du pronostic et du traitement proposé.

Les différents phénotypes catégorisés

Les caractéristiques utilisées pour identifier ces phénotypes peuvent provenir d’une variété de données observables et mesurables du SAHOS comme les signes, les symptômes, les caractéristiques démographiques, les données polysomnographiques et physiologiques ou les comorbidités.
L’objectif espéré de cette nouvelle approche est que des phénotypes séparés pourraient permettre de mettre en place une stratégie de diagnostic et de traitement plus spécifique, ce qui pourrait conduire à de meilleurs résultats pour les patients.
Une défaillance anatomique des voies aériennes supérieures est le phénotype le plus commun. (83)
Cependant, d’autres phénotypes non anatomiques tels qu’une altération de la fonction musculaire des voies aériennes supérieures pendant le sommeil, un contrôle respiratoire instable et un seuil d’excitation respiratoire bas jouent un rôle contributif au développement du SAHOS. (82)
– Défaillance anatomique des voies aériennes supérieures : ce phénotype représente la principale cause du SAHOS. Il est donc logique que la plupart des thérapies existantes pour le SAHOS visent à corriger ce problème anatomique (par exemple, la VPPC, les dispositifs dentaires d’avancée mandibulaire et la chirurgie des voies aériennes supérieures).
– L’altération de la fonction musculaire des voies aériennes supérieures représente un autre phénotype du SAHOS mais cette fois-ci non classé comme un problème anatomique. La perméabilité des voies aériennes supérieures dépend fortement de l’activité des muscles environnants. Cette zone anatomique, contrôlée par les muscles, est essentielle pour que les voies respiratoires supérieures puissent remplir leurs rôles fonctionnels dans la parole et la déglutition ainsi que la respiration.
– Le contrôle respiratoire instable est aussi un autre phénotype non anatomique.
Le principal moteur de la respiration pendant le sommeil provient du CO2. Des fluctuations de CO2 pendant le sommeil se produisent avec le rétrécissement des voies respiratoires ou une excitation corticale. La façon dont un individu réagit à ces fluctuations de CO2 est importante dans la pathogenèse de l’apnée obstructive et centrale du sommeil (84). Plus précisément, un système de contrôle ventilatoire instable ou trop sensible peut contribuer aux oscillations respiratoires qui se produisent dans l’apnée du sommeil.
– Un seuil d’excitation respiratoire bas représente le dernier phénotype du SAHOS.

Les différentes stratégies de prise en charge proposées

Ces phénotypes sont des cibles thérapeutiques intéressantes. Il est également possible de combiner des thérapies hors VPPC (par exemple, les Orthèses d’Avancée Mandibulaire et la chirurgie des voies aériennes supérieures) avec des interventions non anatomiques ciblées (par exemple, une médication pour augmenter l’activité musculaire pharyngée ou augmenter le seuil d’excitation respiratoire) pour traiter les apnées des patients sélectionnés.

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