Réunion de concertation pluridisciplinaire : Avis ONCOVIH
Le réseau CANCERVIH s’articule autour d’un centre expert national en Ile de France, situé à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, où s’organise toutes les deux semaines la RCP nationale ONCOVIH en web conférence .
La RCP nationale ONCOVIH permet à tout praticien d’obtenir une expertise issue d’un groupe expert réunissant spécialistes en cancérologie (oncologues médicaux, radiothérapeutes, hématologues),spécialistes de l’infection par le VIH (internistes, virologues, immunologistes, infectiologues) etpharmacologues .
Deux RCP régionales existent également : la RCP Cancer et SIDA (PACA Ouest Corse) à Marseille cordonnée par le Dr. Sylvie Bregigeon-Ronot et la RCP Cancer et SIDA (Auvergne – Loire) à Clermont-Ferrand coordonnée par le Dr. Christine Jacomet et le Pr. Jacques-Olivier Bay.
A visée d’information, un site internet a été créé (http://www.cancervih.org) à destination à lafois du grand public et des professionnels. Pour participer à l’information des patients et de leurentourage, un livret d’information a été rédigé par le comité scientifique CANCERVIH encollaboration avec des associations de patients : « Mieux comprendre et prendre en charge soncancer quand on vit avec le VIH ».
Les modalités d’inscription d’un patient à la RCP nationale et aux RCP régionales sont disponibles sur ce site également. Pour la RCP nationale, il suffit de compléter la fiche ci-jointeen Annexe 3 et de l’envoyer à marianne.veyri@aphp.fr en y joignant, si besoin, des documentscomplémentaires (photos, comptes rendus d’anatomopathologie, …). En 2020, plus de 800 cas de PVVIH atteintes de cancer ont été présentés 1.
De plus, le réseau CANCERVIH participe à la formation des professionnels de santé : rédaction d’articles dans des revues médicales, présentation lors de congrès médicaux et paramédicaux,rédaction de recommandations à destination des professionnels de santé. Il participe égalementau développement de la recherche par le recueil de données clinico-épidémiologiques grâce à une base de données et par l’organisation d’essais cliniques .
A partir des tableaux récapitulatifs des interactions médicamenteuses potentielles des anticancéreux présentés précédemment en Annexe 2, des fiches pratiques et visuelles ont étéréalisées dans le but d’avoir rapidement les données pharmacocinétiques principales de chaque anticancéreux (Annexe 4). Ces fiches serviront surtout aux pharmacologues et/ou aux pharmaciens lors de ces réunions pluridisciplinaires.
Gestion des interactions
Priorité au traitement anticancéreux
Quelle que soit la tumeur traitée, la réplication virale doit être contrôlée tout au long de la prise en charge du cancer. Un traitement antirétroviral doit être initié chez les patients non traités et optimisé chez les patients sous ARV en fonction du traitement carcinologique et des effetssecondaires attendus.
Pour les situations d’urgence néoplasique, la priorité sera donnée au traitement carcinologique :si le traitement ARV doit être suspendu, l’arrêt du traitement devra être réalisé si possible 48 heures avant la cure et s’il doit être repris à l’identique, il ne pourra l’être que 48 heures après la cure. Dans ces situations l’ensemble des antirétroviraux doit être interrompu de manière simultanée et ils seront ensuite repris en même temps. Avec les INTI de 2egénération (ténofovir, emtricitabine, lamivudine, abacavir) qui ont des demi-vies intracellulaires comparables à celles des INNTI, on considère qu’il n’est plus nécessaire de faire un arrêt en deux temps, des INNTI d’abord, des INTI ensuite.
L’observance au traitement antirétroviral doit être accompagnée. La facilité de prise avec un recours si nécessaire aux formes sirop ou dispersibles, notamment pour les tumeurs de la tête et du cou empêchant une alimentation normale, sera privilégiée sous couvert d’un étroit monitoring thérapeutique . Concernant la possibilité de piler les comprimés des moléculesantirétrovirales non dispersibles, des données existent selon les molécules, provenantdemonographies ou d’études post-AMM. Le site de l’Université de Liverpool « HIV DrugInteraction » a recensé les données sous forme d’un tableau avec des recommandations selon lesmolécules (Annexe 5 ).
Les difficultés d’alimentation pour mucite ou vomissements susceptibles d’entraîner des arrêts répétés du traitement antirétroviral doivent être anticipées. Dans ces situations difficiles, la prescription d’INNTI, même si elle est possible du point de vue des interactions médicamenteuses, devra être alors reconsidérée en raison du risque d’émergence de mutations de résistance. Cela vaut également pour les ARV dont la variabilité au niveau de l’absorption est importante, comme notamment la rilpivirine ou le raltégravir .
Quels antirétroviraux et/ou stratégies favorables ?
Il faut privilégier les molécules qui ne génèrent pas ou peu d’effets sur les anticancéreux (pasd’effet inhibiteur/inducteur vis-à-vis des CYP450 et des transporteurs). Il faut aussi prendre encompte le fait que les anticancéreux puissent avoir un effet sur les ARV et privilégier lesmoléculesantirétrovirales disponibles seules et/ou à plusieurs dosages pour permettred’individualiser le traitement ou d’adapter la posologie.
En règle générale, il faut éviter les IP/r et INNTI (efavirenz, nevirabine, etravirine) avec les anticancéreux à métabolisme CYP-dépendant. Ils présentent en effet plusieurs inconvénients en association avec les anticancéreux comme vu précédemment. L’impact significatif surl’exposition des anticancéreux peut se répercuter aussi bien sur l’efficacité que les effetsindésirables. Le risque d’interactions médicamenteuses peut donc être très important et leseffets indésirables, de chaque molécule, non négligeables.
Quel que soit le patient et son contexte, le traitement ARV est composé de plusieurs molécules.
Il ne faut pas donc se focaliser seulement sur les différentes molécules à privilégier mais adopterune vision d’ensemble. Plusieurs stratégies ou combinaisons d’antirétroviraux permettentl’optimisation du traitement et la facilité de la prise en charge des patients (Tableau 8).
Le suivi thérapeutique pharmacologique (STP)
Le suivi thérapeutique pharmacologique est défini par l’Association internationale de suivithérapeutique pharmacologique et de toxicologie clinique (IATDMCT) comme une spécialité clinique pluridisciplinaire visant à améliorer la prise en charge du patient en ajustantindividuellement la dose de certains médicaments (ceux pour lesquels l’expérience clinique oules essais cliniques ont démontré que cette pratique apporterait un bénéfice au patient) dans lapopulation générale ou dans une population particulière .
L’objectif du STP est de diminuer le taux d’échecs thérapeutiques et de diminuer la fréquencedes effets indésirables et/ou toxiques des médicaments.
Les variations interindividuelles de la relation dose-effet et la relative difficulté à les anticiper justifient la réalisation d’une mesure de la concentration. Derrière cette variabilité de la relation dose-effet se cache le plus souvent une variabilité de la relation dose-concentration.
De fait, il n’est pas rare qu’une posologie « normale » puisse s’avérer inefficace et cela pour plusieurs raisons : mauvaise absorption digestive (prise en dehors du repas, mucite),accélération du métabolisme et/ou de l’élimination (interaction médicamenteuse), problèmed’observance. De même, cette posologie peut s’avérer trop élevée en cas de diminutiondumétabolisme par insuffisance hépatique, ou de l’élimination rénale, etc .
Pour interpréter les dosages d’ARV ou de médicament en règle générale, il faut tenir comptedes multiples sources de variabilités interindividuelles et des données concernant lapharmacocinétique du médicament dans l’organisme.
Le STP des ARV, officiellement recommandé en France et disponible dans la plupart des centres, est très utile dans la gestion des interactions. De plus, dans le contexte de la prise de traitements anticancéreux, il permet en particulier de surveiller les risques de malabsorption et donc de sous dosage, due aux mucites relativement fréquentes selon les chimiothérapies et/ou dans le cadre des greffes de cellules souches.
De nombreux traitements de support sont parfois associés à la prise en charge du cancer, qui là encore, peuvent entraines des intéractions avec les ARV et/ou nécessiter la mise en place d’un suivi tel que le STP.
Idéalement, le STP devra être indiqué en amont de la mise en route des traitements en l’absence de données ou si modification du traitement ARV, au cours des cures selon les modalités d’administration du traitement anticancéreux et/ou entre les cures en cas de mucite ou désordres digestifs sévères.
Place du pharmacien d’officine
Le choix et la mise en place des traitements antirétroviraux et anticancéreux se fait exclusivement à l’hôpital par des professionnels de santé spécialisés. Mais le pharmacien d’officine est également concerné par certaines de ces problématiques car c’est un professionnel de santé de premier recours qui délivre en ville certains antirétroviraux et anticancéreux.
Dispensation et objectifs
En effet, les chimiothérapies orales sont de plus en plus nombreuses en officine. En 2015, les chimiothérapies orales représentaient 25 % des traitements anticancéreux, un taux qui devrait atteindre 50 % en 2020 42 . Tout comme les antirétroviraux, les chimiothérapies orales sont prescrites à l’hôpital mais peuvent être dispensées en ville. Le suivi est donc partiellement réalisé en ville.
Les chimiothérapies orales ont plusieurs avantages pour les patients. Elles offrent une meilleure qualité de vie, une autonomie ainsi qu’une diminution de la présence à l’hôpital. Mais les effets indésirables restent nombreux et potentiellement sévères donc l’observance du traitement et lesuivi est primordial.
Les objectifs de l’accompagnement pharmaceutique à l’officine sont d’assurer la qualité et la sécurité du traitement oncologique et global des patients par une information efficace et adaptée, de participer à l’éducation thérapeutique des patients et d’assurer le lienpharmaceutique ville-hôpital.
Le pharmacien d’officine doit tout d’abord examiner l’ordonnance d’anticancéreux et d’antirétroviraux. Le pharmacien vérifie lors de la dispensation que les informations telles que l’indication et ainsi que la posologie soient bien comprises. Le pharmacien peut expliquer lesprincipaux effets indésirables potentiels du traitement. Cela passe par l’apprentissage du patientà détecter les effets indésirables, à les prévenir, les prendre en charge et à contacter leprescripteur si besoin.
Quels outils disponibles ?
L’objectif pour le pharmacien d’officine n’est pas d’être un expert en cancérologie quelle que soit la localisation tumorale ; sa vocation est d’être généraliste. Mais il doit être formé à trouver la bonne information au bon moment.
Les recommandations de l’Association francophone des soins oncologiques de support (AFSOS) constituent un réservoir de connaissances très larges. Elles intègrent des arbres décisionnels qui permettent de comprendre certaines décisions thérapeutiques faute deconnaitre le contexte de prescription. Les guides ALD (affections de longue durée) et les guidespatients proposés par la Haute Autorité de Santé (HAS) et l’Institut National du Cancer (InCA) sont des documents trèsdidactiques qui favorisent la vision d’ensemble d’une problématique.
La Société Française de Pharmacie Oncologique (SFPO) ainsi que le Réseau Régional de Cancérologie Onco Paca-Corse propose sur leurs sites des fiches synthétiques, regroupant lesprincipales informations à savoir sur plusieurs chimiothérapies orales, pour les professionnelsde santé et leurs patients . Ces fiches peuvent être intéressantes et pratiques comme supportpapier lors de la première délivrance des anticancéreux à l’officine.
Le traitement ARV/anticancéreux ayant été validé préalablement en amont à l’hôpital en RCP, le pharmacien d’officine a donc un rôle essentiellement dans l’éducation thérapeutique à propos des effets indésirables et dans la prévention de l’iatrogénie. Le conseil du pharmacien est alors adapté, surtout concernant l’automédication du patient, source d’interactions médicamenteuses importante avec ces classes de médicaments.
Depuis le début de l’année 2020, il est possible aux pharmaciens d’officine de proposer aux patients sous chimiothérapies orales des entretiens pharmaceutiques spécifiques à l’officine.
L’entretien pharmaceutique constitue l’un des moyens permettant aux pharmaciens d’assurer la prise en charge personnalisée et optimale du patient, en plus de sa disponibilité au comptoirtous les jours. Des guides d’entretien élaborés à partir de documents de référence établis par l’ANSM sont disponibles sur internet, notamment sur le site de l’Union des Syndicats dePharmaciens d’Officine (USPO) .
A plus grande échelle, une coordination ville-hôpital doit être un objectif partagé par l’ensemble des acteurs de santé impliqués dans la prise en charge du cancer. Elle passe par un certain niveau de collaboration entre les protagonistes, à savoir le patient, les aidants, et les professionnels de santé, du dépistage à l’après-cancer. Cette coordination ville-hôpital est mis en place par certains centres mais reste à améliorer, tant au niveau de la communication que du développement du réseau.